Et pourtant, le Premier ministère avait donné ordre, mais…
Pour eux la donne est simple: cette entreprise publique les a poignardés dans le dos en revenant installer une centrale électrique de 60 000 volts sur un terrain de football situé au milieu de leur cité. Pourtant, le projet a été délocalisé, il y a une année et demie, un accord Sonelgaz-APC ayant été trouvé, suite à une enquête des services du Premier ministère suivie d’une injonction pour transformer ce terrain vague en aire de jeu dédiée à la pratique sportive. Le jeu de coulisses en a décidé autrement…
Ça chauffe de nouveau sur les hauteurs d’Hussein Dey! Les quatre quartiers Mer et Soleil, Madouche (ex-Vauban), Méditerranée et Panorama, qui comptent plus de 10.000 habitants crient de nouveau leur colère! Ils dénoncent l’acharnement de la Sonelgaz qui veut coûte que coûte transformer le seul terrain de jeu de proximité dont ils disposent et qui se trouve au milieu des habitations, en base électrique de haute tension! Leur courroux est encore plus grand du fait qu’ils se sentent bernés par cette entreprise publique vu que l’année dernière, ils avaient trouvé un accord pour que ces transformateurs électriques soient transférés dans un autre terrain de la commune, plus adéquat à ce genre d’installation. «Je suis vraiment choqué par le comportement de cette entreprise censée être citoyenne. Elle nous a abusés pour mieux nous spolier de notre terrain de jeu», peste Aami Mohamed un habitant de Mer et Soleil qui était en train de convaincre les jeunes du quartier de ne pas tomber dans la provocation! «Car provocation il y a! Sinon comment expliquer cette volte-face?», affirme-t-il sans ambages. «On était pourtant tombés d’accord l’année dernière à ce que ce terrain qui leur a été cédé par l’ex-assemblée élue garde sa vocation initiale de terrain de jeu. Ils se sont engagés devant des citoyens, des représentants de la wilaya et de l’APC d’Hussein Dey à déplacer ces transformateurs vers un autre site qui leur a été donné en contrepartie par la commune de Hussein Dey. Tout le monde était satisfait et le problème qui avait enflammé nos quartiers en décembre 2013 est rentré dans l’ordre…», poursuit Aâmi Mohamed.
Que cache cet acharnement?
Mais ne voilà-t-il pas qu’en ce début du mois de mai 2015, ça rebelote! «L’APC a dégagé tous les budgets pour l’aménagement de ce terrain en stade de proximité. L’entreprise a été choisie, les travaux devaient débuter à la mi-mai, mais à la surprise générale, des pelleteuses sous escorte policière débarquent dans notre quartier», raconte de son côté Mehdi, résident du quartier Méditerranée. «Ils prennent possession du terrain, commencent à creuser et à le clôturer. Nous avons par la suite été ébahis de constater que c’est encore une fois Sonelgaz qui est revenue à la charge…», ajoute-t-il, avant de se voir couper la parole par un autre habitant du quartier qui ne tenait plus en place à cause de sa colère. «Oui, on a cru savoir que Sonelgaz n’était pas seulement revenue à la charge, mais elle projette de doubler les capacités de transformation par rapport au projet initial! il s’agit d’un poste modulaire blindé de 60 000 volts, 8 sorties», peste-t-il.
«Ils nous ont poignardés dans le dos. Ils se sont engagés à céder le terrain, l’APC leur a donné une autre parcelle où ils ont placé leurs installations, mais ce n’était qu’un leurre pour nous endormir. En parallèle, Sonelgaz avait entamé une procédure d’achat au niveau des Domaines», témoigne Abdenour, un autre riverain.
«En fait, ce n’est ni plus ni moins qu’un accaparement de terrain. On s’est renseignés, et on nous a affirmé qu’elle n’avait pas encore de projet d’études. Mais comme elle savait que les travaux de l’aire de jeu allaient commencer ces jours-ci, elle a pris les devants en reprenant possession du terrain. Vous n’avez qu’à voir les ouvriers sur place qui se roulent les pouces», certifie-t-il, en précisant que les habitants d’Hussein Dey se sont réunis devant le terrain pour exprimer leur mécontentement dès qu’ils ont aperçu les pelleteuses. «La police est restée sur les lieux pendant trois jours. Les sages du quartier ont tenté de calmer les esprits en éloignant les jeunes et en les convaincant qu’il est préférable d’essayer de trouver une solution à l’amiable. Mais jusqu’à quand…? Vu le mépris dont fait preuve Sonelgaz», craint-il. Les habitants d’Hussein Dey s’interrogent de ce fait sur l’acharnement de cette société sur ce terrain. Que se cache-t-il derrière? «Regardez l’emplacement, ce terrain se trouve au milieu d’habitations. Comment peut-on penser construire une série de transformateurs électriques dans un endroit pareil?», ont pesté des représentants des quartiers concernés qui se sont regroupés en comité.
«Ce n’est absolument pas un endroit pour un transformateur de haute tension mais pour un terrain de jeu. Il se trouve au milieu d’un quartier résidentiel qui donne un superbe panorama sur la Méditerranée. D’ailleurs, en haut de ce terrain, l’APC a aménagé une petite placette où les gens peuvent se reposer.
Cet acharnement sur un terrain aussi beau et inadéquat pour ce genre d’installation et surtout l’empressement de la Sonelgaz laisse penser qu’il y a anguille sous roche», disent-ils. «Je me demande même s’ils ne veulent pas utiliser une partie du terrain pour ce projet et une autre partie pour des logements de fonction. Mystère et boule de gomme, mais en tout cas une chose est sûre, il y a quelque chose de pas net dans cette histoire…», estiment les membres de ce comité qui dénoncent les désagréments que va leur causer ce projet. «Ils veulent nous pourrir la vie avec les nuisances sonores que dégage ce genre d’appareils électriques. Cela sans parler des dangers qu’un tel projet représente pour nos habitations et surtout pour nos enfants», ajoutent-ils.
«Nous appréhendons beaucoup les conséquences négatives sur notre santé, qu’induirait une telle implantation dans notre environnement, car les nombreuses études faites sur les rayonnements électromagnétiques ont démontré que les lignes haute tension provoquent des symptômes significatifs et irréversibles chez les riverains situés à plus de 300 m», réplique Malek, un habitant de la cité Mer et Soleil. En plus de ces désagréments, c’est la nature du terrain qui a indigné ces citoyens. Il a toujours constitué un rempart à la délinquance juvénile qui guette les enfants, grâce à la volonté de quelques bénévoles qui consacrent de leur temps à l’entretenir et à y organiser des activités ludiques et sportives pour les milliers de riverains, tous âges confondus.
Un rempart contre la délinquance
«Ce terrain est le seul espace de jeu qu’ont les jeunes de nos quartiers respectifs. C’est même l’un des seuls au niveau de notre commune», attestent-ils, avant de nous raconter la longue histoire de cet espace. «Ce n’est pas la première fois que l’on tente de construire dessus. À la fin des années 1980, un promoteur privé devait y implanter un immeuble de neuf étages. Le projet a capoté. Ce terrain est resté une grande carcasse de béton jusqu’à l’été 1995. Les jeunes de nos quartiers se sont alors mobilisés pour la détruire, après s’être assurés que le terrain avait a été récupéré par les Domaines. Avec leurs propres moyens, ils ont aménagé un terrain de football en tuf qui, depuis, est la bouteille d’oxygène du quartier. Des matchs de football s’y jouent tous les jours. L’APC y a déjà organisé plusieurs tournois.
Elle nous aide même en été, en nous envoyant des camions-citernes pour arroser ce tuf. Cet endroit est devenu l’espace privilégié de certains pour y passer leurs soirées. On y discute entre amis, en admirant le panorama que nous offre cet endroit sur la Méditerranée.» «Ce terrain a permis à beaucoup de jeunes d’éviter de sombrer dans les vices des fléaux sociaux. C’est sur des terrains de ce genre qu’ont éclos des talents footballistiques comme Madjer, Merzekane, Ighil, Chaïb, les frères Kaci Saïd, Aït L’hocine et Amira qui sont tous issus de ces quartiers et qui ont porté très haut les couleurs nationales sur tous les terrains de la planète», rétorquent-ils.
Cette réalité a poussé les citoyens, pas que des quartiers concernés, mais de toute la commune de Hussein Dey, à se solidariser autour de cette cause. «Toute la population d’Hussein Dey est derrière ce dernier espace de loisirs qui lui reste. Que Sonelgaz et les autorités le comprennent, on n’acceptera jamais qu’une telle structure à haut niveau de nuisance vienne polluer nos cités fortement peuplées. C’est notre stade et on se battra jusqu’au bout pour le garder et cela avec tous les moyens possibles…», avertissent les jeunes de cette grande commune d’Alger, dont la colère est pour le moment contenue par les sages du comité… Néanmoins, l’ambiance est des plus électriques, sans jeu de mots, au niveau de ces quartiers populaires. Hussein Dey ne veut pas lâcher son stade de proximité. L’étincelle risque d’allumer la poudrière d’Alger…
Les élus locaux solidaires
«On a été floués»
Les élus locaux se sont solidarisés avec la population. Ils se sont rendus plusieurs fois à ses rassemblements de protestation pour exprimer leur soutien. Ils travaillent également pour trouver une solution rapide au problème. Quatre vices-présidents de la commune d’Hussein Dey que nous avons rencontrés dimanche après-midi nous ont affirmé que la commune était elle aussi victime dans cette affaire. «On a aussi été floués dans cette affaire», pestent-ils.
Documents à l’appui, ils nous ont montré que l’argent pour l’aménagement du terrain a été débloqué. «On l’a inscrit en novembre 2014 dans le budget de 2015 qui a été approuvé par la wilaya d’Alger. L’appel d’offres a été lancé.
L’ouverture des plis a eu lieu le 26/04/2015 et l’entreprise choisie a été désignée le 05/05/2015. Les travaux devaient débuter en principe dix jours après, c’est-à-dire à partir du 15 mai», témoignent ces vice-présidents. Ils estiment, eux aussi, que l’endroit est inadéquat pour ce genre de transformateur de haute tension. «Non seulement, ils vont enlever un terrain de sport à nos jeunes et ils vont créer des nuisances à la population, mais ils vont aussi massacrer les routes d’Hussein Dey qui viennent d’être asphaltées vu que ces transformateurs doivent alimenter les communes avoisinantes en les reliant à l’aide de câbles souterrains…», expliquent-ils. «On ne vous parle pas des embouteillages qui seront provoqués dans ces routes à forte circulation», ajoutent-ils en réaffirmant leur solidarité avec ceux qui leur ont fait confiance pour diriger leur commune.
Sonelgaz ne répond pas
Pour avoir sa version des faits, nous avons contacté la SDA de Belouizdad. Il nous a été aimablement répondu que ce problème n’était pas de son ressort vu qu’elle s’occupe uniquement de la distribution. Orientés vers la direction générale de la wilaya d’Alger et la direction générale de la Sonelgaz, nous n’avons pu avoir de réponse ni de l’une, ni de l’autre, et ce après plusieurs tentatives. Dommage!