Les habitants de la cité Bousmaha,à Bouzareah «Un logement s’il vous plaît» !

Les habitants de la cité Bousmaha,à Bouzareah «Un logement s’il vous plaît» !
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Les habitants de la cité bidonville de Bousmaha, à Bouzaréah, ont réinvesti la rue hier en fermant tous les accès, afin de faire entendre leur voix sur une situation qui n’a que «trop duré». Ils crient haut et fort : «Un logement s’il vous plaît !

Les habitant de la cité sont tous des sinistrés des autres quartiers d’Alger qui ont été amenés en 1990 par les autorités locales de Bouzaréah en leur octroyant des décisions provisoires d’acquisition d’un lot de terrain de 40 m2 pour y ériger des baraques. Plusieurs années se sont écoulées sans que la situation ne change pour ces habitants qui ne demandent que leur part en matière de logement.

«Bouteflika a promis un logement pour chaque habitant de bidonville, il a promis 12 000 logements pour Alger, nous demandons notre part», a réclamé une vieille dame rencontrée lors du rassemblement des citoyens sur la route menant de Bouzaréah à Baïnem. Cette femme qui a eu sa décision d’octroi d’un lot de terrain et figure dans les annales du recensement depuis 1983 ! A ce jour, cette fille de chahid attend encore un geste des autorités.

Les 840 familles de la cité Bousmaha crient leur ras-le-bol d’une situation qui a causé plusieurs maladies Abdelkader nous explique : «Mes enfants au nombre de trois sont tous asthmatiques, ma femme a fait une dépression nerveuse qui nécessite une prise en charge psychiatrique. En hiver, les routes sont impraticables et nos enfants peinent à se rendre à l’école.

Djilali, un autre habitant, vocifère : «Ma mère est morte d’un cancer à cause de l’Eternit qui contient de l’amiante. Mon fils de 16 ans est sous traitement à vie à cause d’un problème respiratoire, nous mourons à petit feu entourés de rats et autres moustiques en été. Qu’attendent les responsables pour réagir ?»

Un autre ancien habitant de la cité nous interpelle et rappelle : «En 1999, le président de la République Abdelaziz Bouteflika en visite officielle à l’Ecole des banques a promis de nous reloger dans les plus brefs délais, mais à ce jour rien n’a été fait. Nous interpellons M. Bouteflika à travers Le Temps d’Algérie pour qu’il intervienne pour mettre fin à notre calvaire», a-t-il déclaré.

L’un des représentants de la commission de quartier qui représente l’ensemble des habitants a dressé un bref historique de ce quartier d’Alger. Il dira : «Le quartier a été créé en 1990 par le défunt P/APC, Soussane, qui a octroyé des lots de terrain aux différents sinistrés de la commune de Bouzaréah et ses environs pour ériger des baraques.

En 1995, le président de l’APC, Kerrar, a aussi ajouté un nombre de personnes sur décision communale. La même procédure a été adoptée par l’actuel P/APC, qui est en prison, en 1997. C’est vous dire que les habitants de la cité Bousmaha ont tous élu domicile de façon réglementaire. Malheureusement, à ce jour et après 20 ans de promiscuité qui continue, nous sommes toujours au point de départ.»

Les favelas algéroises

Quelque 1000 familles habitent ce quartier bidonville sur les hauteurs d’Alger, elles sont toutes sinistrées et attendent un geste de la part des autorités. Sur la route boueuse menant vers les allées étroites qui séparent les maisons, on pouvait apercevoir toutes les espèces, rats, serpents, mouches et autres chats et chiens errants, tous porteurs de maladies.

Brahim est né à la cité Bousmaha, il a vu son père mourir, assassiné par des terroristes en 1996, avant qu’il décide de prendre les armes et combattre le phénomène. «Nous avons dit oui à notre pays pour le sauver.

A l’arrivée de Bouteflika, bien que victimes du terrorisme, nous avons encore dit oui à la réconciliation. La question que je pose est celle-ci : quand l’Etat nous dira oui pour un logement ?» De la maison de Brahim collée au mur de clôture de l’Ecole des banques, nous pouvons apercevoir les autres bidonvilles qui rejoignent l’oued. «Les eaux usées de l’école se déversent dans l’oued, c’est-à-dire à côté des habitations.

Des cas de choléra ont été enregistrés et personne n’a évoqué le sujet, même pas la presse. Nous sommes isolés et quand nous demandons nos droits on devient des perturbateurs et des ennemis de la nation.»

L’autre souci des habitants est la montée fulgurante du banditisme et autres formes de délinquance. «La consommation de drogue, le vol et les agressions sont devenus une chose normale chez nous. Pourquoi la police et la gendarmerie n’interviennent pas ?», s’est interrogé Amar.

La cuisine au feu de bois et les études à la bougie

La situation à la cité «légale» de Bousmaha est telle que la plupart du temps les femmes cuisinent au feu de bois ! En 2010, en Algérie, au cœur de la capitale ! «Nous n’avons pas de gaz, il nous arrive de payer une bouteille à 300 DA, notamment en hiver, il nous arrive d’avoir des coupures d’électricité de trois, voire cinq jours de suite», a affirmé Aïcha.

Chose qui est tout à fait «normale», sachant que pas moins de 80 foyers ou plus sont alimentés par un seul compteur de 220 Volts. Le tout est bricolé, d’où le délestage et autres branchements à partir des poteaux de l’éclairage public. Pour ce qui est de l’autre élément, pourtant vital, qu’est l’eau,

les habitants affirment qu’ils n’ont pas vu de l’eau dans les robinets depuis des années. «Les coupures d’eau sont fréquentes et l’eau est de mauvaise qualité, nos préférons acheter de l’eau minérale», argue Saïd. La tuyauterie de l’eau potable est enterrée à côté des buses des eaux usées de l’Ecole des banques qui traverse le centre de la cité. «Quand l’hiver est rude, les regards des eaux usées éclatent et l’eau usée se mélange à l’eau potable», ajoute notre interlocuteur.

Les automobilistes sont priés de rebrousser chemin

Au contrebas de l’arrêt de bus de Bousmaha et à quelques mètres des barricades installées par les habitants de la cité, les éléments de la brigade de gendarmerie observent et attendent. Les automobilistes sont priés de rebrousser chemin, pour les habitants de Bousmaha une fouille systématique est opérée. Hier, un renfort composé de camions canon-à-eau arrive accompagné de plusieurs fourgons chargés d’éléments venus disperser les manifestants.

Les esprits des jeunes habitants du quartier chauffent, des pierres sont tirées et des troncs d’arbre mis en travers de la route, puis des pneus sont préparés et allumés. Une vieille dame, drapeau algérien à la main, nous invite à constater :

«Vous voyez, au lieu que les autorités adressent un délégué pour nous rencontrer et discuter avec nous afin d’alléger un tant soit peu nos souffrances, elles nous envoient des gendarmes pour nous réprimer. Jusqu’à quand cette situation va-t-elle durer ? Quand est-ce que l’Etat se mettra enfin à gérer des problèmes sociaux en apportant des solutions ?»

Nous avons tenté de joindre le premier responsable de l’APC qui assure l’intérim, en vain. Idem pour le wali délégué de Bouzaréah, qui a refusé catégoriquement de nous recevoir. Les habitants de Bousmaha attendent une prise en charge rapide car des «vies sont en danger de mort». Les habitants ne demandent qu’un logement.

Elias Melbouci