Les groupes de touristes de plus en plus nombreux s’y rendent: Quand la Casbah se dévoile au monde

Les groupes de touristes de plus en plus nombreux s’y rendent: Quand la Casbah se dévoile au monde

Le sursaut est venu de la jeune génération, fière, ambitieuse et surtout désireuse de ne pas laisser la Casbah d’Alger tomber dans l’oubli qui la guette. Kenza, Yacine, Zakaria, mais aussi d’autres enfants de ce lieu mythique entretiennent la flamme et déploient des trésors d’imagination pour que l’Histoire ne s’efface pas…

Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Leurs noms sont publics, affichés sur des pages du web dont ils font leur outil principal dans leur quête incessante de personnes voulant découvrir la Casbah. Leur Casbah d’abord puisque c’est là que les guides les plus en vue ont passé la plus tendre partie de leur vie.

Enfants, Kenza ou Yacine ont appris à connaître tous ses coins et recoins, couru dans ses ruelles étroites chargées d’histoire, écouté leurs parents et grands-parents, leurs voisins raconter, décrire des événements survenus durant la guerre de Libération, citer des noms de héros, ou partager des souvenirs beaucoup plus anciens en évoquant toutes ces traditions qui ont fait la fierté d’Alger.

Ici, chaque mur, chaque terrasse, chaque détail architectural a sa signification. Les enfants de la Casbah, aujourd’hui reconvertis en guides, gardent pleinement en mémoire les récits écoutés et les livres avidement parcourus sur conseil de leurs aînés. Aujourd’hui, ils les transmettent à d’autres au grand bonheur des amateurs de parcours touristiques. Le défi qu’ils se sont lancé a marché.

Les Algériens sont avides de découverte, de sorties et, chaque semaine, ces guides leur offrent cette opportunité. En général, elles se déroulent les samedis, mais en fonction des demandes, elles peuvent aussi se dérouler les jeudis. Et ce jeudi, Kenza a satisfait son groupe, des étudiantes dans leur majorité. Le parcours est le même qu’elle effectue depuis qu’elle s’est lancée dans cette entreprise intitulée «Djawla assimia» (balade citadine).

Le rendez-vous se déroule à Bab-J’did. La visite de la citadelle démarre par Sidi- Ramdane, puis Sidi-M’hamed-Chrif avec un arrêt inévitable à la demeure de Ali La Pointe. Regards curieux, questions et parfois pause prolongée. Le voisinage est maintenant habitué à ce genre de visiteurs. Certains d’entre eux sont même mis à contribution. A la mi-journée, khalti Fatiha, une pure «vent Casbah», organise des déjeuners traditionnels : rechta, salades et petits plats algérois concoctés sur la base de recettes qui lui viennent de sa mère et de sa grand-mère. Le groupe ne doit pas s’éterniser sur place, cependant. La visite doit reprendre de la rue Sidi-Ben-Ali puis s’étendre jusqu’au cimetière des deux princesses pour passer ensuite à la Basse-Casbah.

Près du tombeau de la princesse Fatma, fille du dey Hassan Pacha, une page d’Histoire se raconte. Celle de deux belles, deux sœurs (N’fissa et Fatma) mortes toutes deux d’un chagrin d’amour, un sentiment qu’elles portaient toutes envers un seul homme. Instant magique où les frontières du temps ne semblent plus exister. Mais la visite doit se poursuivre vers le musée Mustapha-Pacha. Pour tout ce parcours, les visiteurs doivent payer 1 000 DA. «Je dois payer les musées, il y a aussi les repas», explique Kenza, avec son accent purement algérois. Souvent, dit-elle encore, la pause-déjeuner s’effectue chez ammi Mustapha, spécialiste en sardines cuites sous toutes leurs formes. Le plat est à 200 DA. «Parfois, explique la guide, le groupe de visiteurs atteint les quarante personnes, tout dépend des périodes, j’adore faire cela, faire découvrir la Casbah, c’est un honneur… J’entendais tellement de choses qui se disaient ces dernières années, on parlait d’insécurité, mais cette époque est révolue…» C’est ce que dit aussi Yacine, un autre fils de la Casbah passionné par l’histoire des lieux. «Pendant des années, dit-il, j’ai fait découvrir les lieux gratuitement, mon but était de lutter contre l’oubli, détruire les fausses images que l’on avait, des préjugés sur l’insécurité. L’idée m’est venue lorsque j’ai vu des personnes étrangères à la Casbah faire visiter les lieux. Lorsque j’ai commencé les visites à mon tour, des personnes qui étaient déjà venues étaient étonnées de découvrir des détails qu’elles ignoraient.»

Les visites s’effectuent exclusivement le samedi. «Les réseaux sociaux m’ont beaucoup aidé à mettre en place un réseau, convaincre, expliquer, aujourd’hui, tout va normalement. J’ai des groupes qui atteignent une vingtaine de personnes. Je reçois aussi des étrangers, parfois des personnalités. Je travaille aussi avec des ambassades, avec ces dernières, je passe uniquement dans les endroits qui sont propres, mais en général je fais tout, et, parfois, on tombe inévitablement sur des images qui nous renvoient à la réalité. Les gens sont quand même contents d’être venus. Le prix de la visite est de 1 200 DA. Mais ce qui est fait est très insuffisant, la Casbah mérite mieux, beaucoup mieux. Le 23 février a été décrété journée nationale de la Casbah, mais que fait-on pour la sauvegarder en réalité ?»

A. C.