Les gardes communaux manifestent à Alger : «A force d’être absent de la maison, mon fils refuse que je le prenne dans mes bras»

Les gardes communaux manifestent à Alger : «A force d’être absent de la maison, mon fils refuse que je le prenne dans mes bras»
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Des milliers de gardes communaux ont manifesté de nouveau dimanche à Alger pour réclamer leurs droits. Engagés comme supplétifs de l’armée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, ces hommes d’extraction modeste réclament aujourd’hui des avantages ainsi que de la considération de la part des autorités de leur pays.

Plusieurs années de maquis à combattre le terrorisme, souvent aux avant-postes lorsqu’ils ratissent avec les militaires. Sans casernements propres, ils ont élu campement dans des écoles ou autres bâtisses inoccupées.

Recrutés pour parer aux hordes terroristes, notamment en régions rurales et montagneuses, aux cotés des groupes de légitime défense (GLD), ils passèrent, pour les plus anciens, seize années à risquer chaque jour leurs vies sans statut clair.

Sans reconnaissance. Ils ont assisté, la mort dans l’âme, aux reniements répétitifs d’un Etat qui, de concession en concession, de la « rahma », à la charte pour la paix et la réconciliation, en passant par la concorde civile, a fini par doter le sinistre Hassan Hattab, sanguinaire émir du GIA et du GSPC, d’un statut spécial qui le soustrait à la justice et qui lui assure git et protection.

Ils ont fait les vigiles de la république pendant que, plutôt pour que ces messieurs du gouvernement qui ne daignent même pas les recevoir dorment d’un sommeil apaisé, se présenter au bureau tirer à quatre épingles, rasés de prés.

Eux, ils n’ont que des visages blafards et burinés, sur lesquels bien des soleils ont dardé, à exhiber avec toute la fierté qu’ont les gens du territoire, les plus enracinés sur cette terre à l’histoire plusieurs fois millénaire.

Eux ce sont les gardes communaux qui, ce dimanche 03 dimanche, une fois de plus, ont décidé de manifester dans la capitale pour faire crépiter leurs voix, éructant des salves de douleur et de dépit.

Ce même dépit éprouvé par les laissés pour compte. Ils sont venus de partout, des quatre coins du pays, dire aux gouvernants que si leur douleur est immense, leur détermination à se faire entendre l’est tout autant.

Quelque 2500 gardes communaux sont redescendus ce dimanche à la Place des Martyrs, à Alger, pour faire part de leurs revendications. Parmi celles-ci figurent notamment, la retraite après 15 ans de service, une couverture sociale 24h sur 24h plutôt que 8 heures par jour, une augmentation de salaire et de retraite et l’intégration éventuelle dans les ranges de la police ou de la gendarmerie.

« Vous n’allez pas m’empêcher de marcher. J’irai où je veux. J’ai combattu durant quinze ans dans les maquis, ce n’est pas vous qui me barrerai le chemin aujourd’hui », lance un garde communal, la mine défaite à un policier qui tentait de l’empêcher de marcher.

« Tous les corps de sécurité percevaient une prime de risque, sauf nous. Pourtant c’est nous qui étions aux avant postes lors des ratissages dans les maquis », martèle, les larmes aux yeux, ce garde communal venu de Médéa pour manifester contre l’injustice.

Maigre comme un roseau, les cheveux poivre-sel, il déclame comme pour se soulager d’un fardeau des bribes de sa vie de garde communal. « Que d’hiver avons-nous passé au froid, sans rien sur le corps qu’une bâche pour se couvrir du froid et de la pluie. Que le silence de la nuit pour compagnons. Loin de nos familles et de nos enfants. »

Il marque une pause, puis ajoute, une grosse larme dévalant lentement sur sa joue amaigrie : « Mon fils refuse que je le prenne dans mes bras. Il ne me connaît pas, à force d’être constamment absent… »

Cet autre garde, venu de Relizane, raconte : « Il nous est arrivé de passer plusieurs jours embusqués dans des maquis où nul n’ose s’aventurer. Nous avons marché des kilomètres chaussés de souliers de fortune, le ventre gargouillant des suites des privations et aujourd’hui, on nous jette comme des lingettes après usage. »

Créée en 1994, la garde communale qui compte plus de 93 000 éléments sert de force supplétive aux forces de sécurité engagées dans la lutte contre le terrorisme. Plusieurs milliers de gardes communaux, 36 000 selon un de leurs représentants, ont été tués par des terroristes.

En raison de leur proximité avec la population – ces hommes activent dans leurs lieux de résidence, les gardes communaux constituent une simple privilégiée des groupes armés.

Depuis début mars, plusieurs milliers de gardes communaux mènent un mouvement de protestation pour réclamer des avantages ainsi de la considération de la part des autorités.

Le ministre de l’Intérieur et des collectivités, Dahou Ould Kablia, avait indiqué mercredi 2 mars que des discussions ont été engagées avec les représentants de ce corps pour trouver une solution à leurs doléances. Le ministre avait précisé que les autorités envisageaient la dissolution de la garde communale et l’affectation de ses éléments vers d’autres activités.

« La situation sécuritaire s’étant améliorée, la garde communale évidemment, il n’est plus nécessaire de mobiliser un aussi grand nombre de personnes dans ce contexte là. Il a été examiné la possibilité de leur redéploiement ou de leur insertion, selon le cas », avait-il affirmé à la radio nationale chaîne III.

Plus d’un mois après ses déclarations, la situation n’a pas évoluée tant et si bien que les gardes communaux s’en remettent aujourd’hui au président pour tenter de débloquer la situation.

En attendant que le chef de l’Etat daigne leurs répondre, ils comptent maintenir leur mouvement de protestation.