Les frappes de la coalition , Une opération sans commandement unifié

Les frappes de la coalition , Une opération sans commandement unifié
les-frappes-de-la-coalition-une-operation-sans-commandement-unifie.jpg

Du Kosovo à l’Irak et de l’Afghanistan à l’Afrique, toutes les opérations multinationales ont été conduites ces dernières années sous pavillon unique, des Nations unies, de l’Otan, des Etats-Unis ou encore de l’Union européenne.

Trois jours après le début des frappes aériennes sur la Libye, Paris, Londres et Washington n’avaient toujours pas désigné lundi de commandement unifié pour leurs opérations, une situation inédite dans les annales militaires récentes qui traduit l’embarras des trois capitales.

Du Kosovo à l’Irak et de l’Afghanistan à l’Afrique, toutes les opérations multinationales ont été conduites ces dernières années sous pavillon unique, des Nations unies, de l’Otan, des Etats-Unis ou encore de l’Union européenne. L’opération franco-américano-britannique en Libye, en application d’une résolution de l’ONU, reste donc jusqu’à présent l’exception à la règle. Tout juste le porte-parole du ministère français de la Défense, Laurent Teisseire, a-t-il parlé hier d’opérations «coordonnées».

«Il n’y a pas d’état-major centralisé et à ce stade, chacun utilise ses états-majors propres de façon coordonnée», a-t-il reconnu. Symbole de cette situation, les opérations en Libye ont été baptisées «Harmattan» par les Français, «Ellamy» par les Britanniques et «Aube d’une odyssée» par les Américains.

Rome menace de ne plus laisser utiliser ses bases

Le chef de la diplomatie italienne, Franco Frattini, a plaidé hier à Bruxelles pour que l’Otan prenne le commandement de l’opération militaire en Libye faute de quoi, a-t-il laissé entendre, Rome pourrait ne plus autoriser l’usage des bases aériennes italiennes.

«Si l’Otan n’assure pas rapidement la coordination des opérations militaires, nous devrons étudier un moyen pour que l’Italie assume elle-même la responsabilité du contrôle des bases situées sur son territoire», a dit M.Frattini à l’issue d’une réunion des ministres européens des Affaires étrangères consacrée à la Libye. «C’est l’Otan qui doit prendre l’initiative», a insisté le chef de la diplomatie italienne en regrettant que chaque pays de la coalition agisse, selon lui, sans en informer ses partenaires.

«Tous les membres de la coalition ont besoin de savoir ce que font les autres et l’Otan a l’expérience pour ça», a-t-il dit. «S’il y a une multiplication des commandements, l’Italie prendra la responsabilité de contrôler elle-même l’usage de ses bases aériennes», a-t-il ajouté. Mais, a-t-il insisté, aucune décision n’a été prise à ce stade. «Il s’agit d’une réflexion», a-t-il assuré indiqué hier à Bruxelles le chef de la diplomatie française, Alain Juppé.

Même confusion au niveau des quartiers généraux: les militaires français ont installé leur principal centre des opérations au Mont Verdun, près de Lyon, dans le sud-est de la France, les Britanniques à Northwood, dans la banlieue de Londres, et les Américains à Stuttgart et Ramstein, en Allemagne. De facto toutefois, l’état-major américain, immédiatement opérationnel, assume le leadership de cette coordination, reconnaît-on de source française.

Il pourrait voir son rôle officiellement consacré dans les prochains jours, glisse-t-on encore de même source. En lançant seule, samedi à 16h45 GMT, les premières frappes aériennes, la France a montré sa volonté d’affirmer son leadership politique, diplomatique et militaire sur cette affaire.

Paris a refusé d’emblée que l’Otan assume le commandement des opérations comme elle le fait en Afghanistan, invoquant l’hostilité d’un certain nombre de pays arabes. Pourtant, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, la France a rejoint en 2009 et avec tambour et trompette le commandement intégré de l’Alliance atlantique dont le général de Gaulle avait claqué la porte en 1966.

«Si on donne le commandement à l’Otan, on perd le leadership donc les bénéfices supposés de cette aventure libyenne», persifle sous couvert de l’anonymat un expert des questions militaires qui y voit aussi «l’expression d’un réflexe anti-otanien qui perdure» au ministère des Affaires étrangères. Dans ces conditions, la France pourrait-elle prendre le commandement des opérations? C’est peu probable aussi.

«Jamais dans leur histoire les Américains n’ont accepté de passer sous commandement d’un autre pays au niveau stratégique», souligne un analyste militaire européen. Et l’hypothèse semble d’autant plus improbable que l’administration américaine s’est montrée plus que réservée sur cette opération libyenne voulue par Paris. Le temps presse cependant. Surtout que de nouveaux pays pourraient se joindre au triumvirat initial.

L’Italie, la Belgique, la Norvège, le Danemark, le Canada, l’Espagne, le Qatar et les Emirats arabes unis ont annoncé leur participation. La France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont l’habitude de travailler ensemble, aux standards Otan. «Mais si tous ces pays rejoignent la coalition, ça va devenir très compliqué, un peu comme l’élargissement de l’Union européenne», observe l’analyste militaire européen. Le salut viendra-t-il malgré tout de l’Otan? L’Alliance est «disposée à venir en soutien» de la coalition internationale dans «quelques jours» a indiqué hier à Bruxelles le chef de la diplomatie française, Alain Juppé.

Nabil BELBEY