Taoufik Makhloufi est médaillé d’or olympique dans le 1 500m, dans un événement qui a connu la participation des meilleurs athlètes au monde. Son nom a fait le tour du monde, les images de son exploit ont intégré l’Histoire, l’hymne national a retenti dans le ciel de Londres et il restera champion olympique dans sa spécialité durant 4 ans. Si la sélection nationale de football avait été seulement demi-finaliste, elle aurait bénéficié d’une couverture médiatique retentissante dans tous les médias algériens. Or, Makhloufi n’est «que» athlète du 1 500m. D’ailleurs, avant le coup d’envoi des jeux Olympiques, il était encore plus anonyme qu’un jeune paumé de l’Algérie profonde.
Makhloufi risque de subir le sort de Benida-Merah, Benyekhef et Haddad
On se retrouve dans la configuration des JO de 2000 et de 2008 : Nouria Benida-Merah, Saïd Guerni-Djabir, Amar Benyekhlef et Soraya Haddad étaient inconnus au bataillon avant qu’ils ne remportent des médailles. En creusant un peu dans leur vécu, les médias ont découvert des sportifs simples, issus de quartiers populaires, habitant dans la promiscuité pour certains. Dans l’euphorie de leurs exploits, on leur avait promis monts et merveilles, mais ils ont vite replongé dans l’anonymat à cause des fausses promesses. Si on n’y prend pas garde, Makhloufi risque de subir le même sort et rentrer lui aussi dans les rangs des laissés-pour-compte.
Des footballeurs payés en milliards alors qu’ils ne peuvent même pas s’imposer en Afrique
Pendant ce temps, des footballeurs négocient des contrats à coups de centaines de millions par mois. Il y en a qui trouvent cela normal, arguant que le football algérien est passé au stade du professionnalisme. On se permet d’émettre des doutes sur les sommes faramineuses offertes à des joueurs censés être «professionnels» alors que les clubs algériens n’arrivent même pas à s’imposer sur le plan continental. Payer royalement un footballeur performant qui ramène des titres à l’Algérie, on n’est pas contre, mais le faire pour des représentations modestes, sinon scandaleuses, à l’échelle africaine (on ne parle même pas de l’échelle mondiale) relève du crime contre le sport. Comment tolérer qu’une équipe de football bénéficie de milliards (tous joueurs confondus) alors qu’un athlète d’un sport individuel ne bénéficie même pas d’un salaire décent et souvent même pas de menus sportifs adéquats ?
Le volley-ball à l’ESS, le judo à la JSK et à l’USMA, le handball au MCO, l’athlétisme au RCK, tous tués par le tout-football
Un Taoufik Makhloufi s’est imposé au plan mondial et a honoré le pays, il mérite bien le salaire du footballeur le mieux payé en Algérie. Les footballeurs algériens (pas tous, mais la majorité d’entre eux, à la médiocrité avérée) devraient avoir un problème de conscience lorsqu’ils toucheront leur prochain salaire. Leurs présidents, qui ont initié l’inflation des salaires et primes au point de friser l’indécence, devraient avoir des troubles de sommeil s’ils ont une once de conscience. L’ESS avait une section de volley-ball performante. Où est-elle ? Les sections judo de la JSK et de l’USMA formaient d’authentiques champions. Où sont-elles ? La section handball du MCO était une source intarissable d’internationaux. Où est-elle ? Les sections athlétisme et boxe du RCK étaient des références nationales. Où sont-elles ? Toutes sacrifiées par les présidents de club sur l’autel du football. Makhloufi et bien d’autres potentiels champions, malheureusement réduits à l’anonymat par la politique du tout-football, n’ont aucune chance de voir la lumière avec de tels dirigeants.
Un pourcentage sur le salaire de chaque footballeur, le minimum de solidarité
Un athlète, un boxeur ou un judoka, ça ne coûte pas cher. Juste une prise en charge pour lui, son entraîneur et un éventuel soigneur. Le football, lui, bouffe des millions pour des délégations de 25 personnes ou plus pour des résultats quasi nuls. L’opinion publique et les autorités doivent sévir. Les clubs de football, surtout les plus aisés parmi eux, doivent contribuer au développement des sports pourvoyeurs de médailles. Les joueurs, à travers les clubs, doivent offrir un pourcentage sur leurs salaires pour alimenter un fonds pour les sports individuels. Pourquoi pas un «impôt» d’un salaire sur chaque joueur ou, du moins, sur chaque club ? C’est le minimum de solidarité sportif qu’on doit à des champions qui n’ont pas le «privilège» de pratiquer un sport populaire, mais stérile comme le football. Et ce ne sera pas cher payé !