Pour beaucoup d’historiens et de spécialistes du commerce maritime, depuis l’antiquité, le port a, de tout temps, été perçu et considéré comme une ouverture sur le monde extérieur et un poumon économique de pays à fort potentiel d’échanges commerciaux et civilisationels avec le monde extérieur.
Paradoxalement, l’Algérie, de par sa position géographique stratégique, avec plus de 1 200 kilomètres de côte sur la Méditerranée et de l’explosion extraordinaire de sa population et de ses besoins en échanges commerciaux extérieurs(en moyenne 50 milliards de dollars pour les seules importations, durant du moins le dernier quinquennat) ainsi que de ces capacités financières appréciables, s’est contenue dans les limites des infrastctures portuaires, désuètes et obsolètes, héritées de l’ère coloniale durant les années trente.
Excepté la réalisation des ports pétroliers à l’instar de Béthioua, Skikda et Djendjen, destinés à l’exportation des hydrocarbures, les retards accumulés dans la réalisation de nouvelles infrastructures portuaires de transit des marchandises, engendre des déséconomies préjudiciables à la collectivité nationale.
Ainsi, selon Amar Ghoul, ex-ministre des Travaux publics, les ports commerciaux subissent une forte pression. Pour faire face à la situation, les pouvoirs publics ont initié un programme de mise à niveau des infrastructures. Par ailleurs, selon une récente étude du réseau Anima portant sur le développement des infrastructures portuaires en Méditerranée, l’Algérie cumule les mauvais points, se situant bien loin après le Maroc, la Tunisie et l’Égypte.
Pour certains experts : “Plus que les coûts du transport maritime, la faiblesse de la logistique et la lenteur des procédures administratives, constituent un sérieux frein au développement des opérations de commerce extérieur en Algérie. Tant au plan des Infrastructures et des services que des procédures administratives. L’Algérie se positionne, d’ailleurs, en bas du classement.” De l’avis d’Abdelkader Boumessila, consultant, ancien président-directeur général de l’entreprise portuaire de Béjaïa, “les ports algériens ont évolué de manière très marginale par rapport aux changements intervenus au cours de ces vingt dernières années dans le monde des transports maritimes en général, ils ont cumulé fatalement d’importants retards à tous les niveaux”. Toujours selon cet expert, aucun changement n’a été opéré dans la gestion portuaire, même les conditions et les modalités d’exercice des activités de remorquage, de manutention et d’acconage dans les ports n’ont subi aucun effet actif. Au-delà de la lourdeur de la gestion portuaire, les ports algériens sont devenus au fil des ans, sources de pertes impactant la balance des paiements. Ainsi, l’Algérie perdrait, chaque année, 2,6 milliards de dollars en coûts de fret en raison de la taille de ses ports. Pour sa part, Issad Rebrab, P-DG du groupe Cevital, dans une conférence en 2010, avait estimé qu’un container qui est transporté entre le port de Rotterdam ou Anvers et Singapour ou Hong Kong, sur 8 000 km coûte 500 dollars. Le même container qui viendrait de Singapour ou de Hong Kong vers l’Algérie coûte 3 000 dollars. Ce capitaine d’industrie plaide pour la création de trois grands ports de taille mondiale d’une capacité de 1 000 à 5 000 hectares, et de 15 à 20 km de quais. Ces préoccupations de modernisation des infrastructures et du mode de gestion de nos ports, n’ont pas laissé indifférente notre jeunesse. En 2008, deux jeunes chercheurs de l’université de Béjaïa, ont présenté un mémoire de licence en sciences économiques intitulé : “La politique maritime algérienne après la libéralisation du commerce extérieur”, considèrent que les infrastructures portuaires, pour la plupart d’entre elles, construites entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, sont frappées d’obsolescence, n’offrant que de faibles tirants d’eau ainsi qu’un entreposage réduit.
Leur potentiel ne peut convenir aux exigences des navires de récente génération. Dans ces conditions, ces jeunes Algériens estiment qu’aucun port ne peut accueillir et exploiter un porte-conteneurs de 5 000 boîtes, ou un céréalier de 60 000 tonnes “les coûts ne pouvant être qu’onéreux”. Mais, en vérité, et quels que soient les efforts que les pouvoirs publics ont fournis en termes d’adaptation de la réglementation régissant nos ports et aéroports, il n’en demeure pas moins que, dans ces espaces, la corruption bat son plein. Selon certaines informations, des douaniers auraient accepté de verser 5 millions de dinars pour être affectés dans les ports et aéroports des mégapoles algériennes, dont notamment Alger. Les scandales qui ont émaillé la gestion des ports dernièrement, et d’autres services publics névralgiques, renseignent sur l’incurie qui règne dans des secteurs, que d’aucuns considèrent comme une “chasse gardée”. Gare au boomerang !
A. H