Les patrons privés semblent « soulagés » par la dernière décision du Gouvernement d’élargir le champ d’intervention du Fonds National d’investissement (FNI) au secteur privé mais certains d’entre eux restent sceptiques sur l’efficacité des mécanismes de sa mise en œuvre.
La décision annoncée lors de la dernière tripartite est « une très bonne chose puisque dans tous les pays du monde les entreprises privées sont accompagnées par un fonds de garantie », se félicite Boualem Merrakech, président de la CAP (Confédération algérienne du patronat) avant de s’interroger « mais avons-nous les moyens de la mettre en oeuvre? ».
« Le FNI pouvait être une réponse aux attentes des entreprises privées en matière de financement mais dommage on ne possède pas les mécanismes d’une mise en œuvre réelle et rapide de cette décision » a-t-il regretté dans une déclaration à l’APS.
Le président de la Confédération générale des entrepreneurs et opérateurs algériens (Cgeoa) Habib Yousfi partage le même scepticisme. « L’analyse du risque chez le Fonds national d’investissement est la même pratiquée par les banques (à) il y a toujours cette suspicion à l’égard du demandeur du financement à qui on exige le risque zéro », s’est désolé pour sa part M. Yousfi.
Le problème, selon ce patron, est un problème de compétence. « Le FNI manque de compétence en matière d’analyse du risque, seule une décision politique pourrait alors ordonner à ce genre d’institution de financer les entreprises
privées pour vue qu’elles soient créatrices d’emplois et de richesse », souhaite-t-il.
Contacté par l’APS pour avoir de plus amples explications sur le fonctionnement du Fonds et sur les moyens d’application de la nouvelle décision, le directeur général du FNI Ahcène Haddad n’a pas jugé utile de répondre, préférant « se limiter aux propos du premier ministre lors de la tripartite ».
« Le FNI aura, dans le cadre de la nouvelle stratégie qui lui a été assignée, le rôle de booster l’investissement public et privé avec des facilitations maximales », déclarait le Premier ministre, Abdelmalek Sellal.
« On doit parler d’entreprise nationale et plus faire de séparation entre publique et privée » ordonnait M. Sellal en demandant à ce que le FNI « évite impérativement d’entrer dans la bureaucratie financière ».
Le FNI : un guide de la bonne gouvernance
Le président de la Confédération générale du patronat algérien du BTPH (CGP-BTPH), qui regroupe désormais plusieurs organisations patronales du secteur,
Abdelmadjid Dennouni, était de son côté plus optimiste quant à l’efficacité
de la nouvelle mission du FNI.
« C’est une démarche très intéressante pour nos entreprises auxquelles le FNI n’apportera pas uniquement de l’argent mais surtout de l’accompagnement et du suivi », a-t-il dit à l’APS.
Rappelant le traitement « discriminatoire » du passé, où les financements publics étaient exclusivement orientés vers le secteur étatique, M. Dennouni s’attend à ce que l’élargissement des financements du Fonds au secteur privé incite ce dernier à aller vers le partenariat avec le secteur public.
Il a fait savoir que la confédération a entamé un travail de sensibilisation auprès de ses 4.000 entreprises adhérentes pour leurs expliquer la pertinence de l’apport technique et financier du FNI.
« Il faut qu’on explique à nos entreprises qu’elles seront accompagnées par ce fonds tout au long de leur projet. Ce n’est pas le cas du financement bancaire où l’entreprise est livrée à elle-même », a-t-il soutenu.
L’Association des banques et établissements financiers (ABEF), pour qui la mission du FNI est complémentaire à celle des banque et non pas concurrentielle, partage ce point de vue.
« Les entreprises, publiques ou privées, ne peuvent pas compter exclusivement sur les banques qui leur exigent avant tout un seuil minimal en fonds propres
pour l’octroi de crédits », a affirmé pour sa part Abderrezak Trabelsi, délégué général de l’Abef.
En plus, le FNI, qui a un droit de regard sur l’entreprise financée, apportera un plus en matière de gouvernance, ce qui va, en fin de compte, aider l’entreprise à accéder facilement aux crédits bancaires dans le futurs, selon lui.
Lors de la tripartite du 23 février dernier, le FNI, spécialisé auparavant dans le financement du secteur public, a été autorisé à financer les entreprises privées.
La mesure est l’une des principales recommandations ayant sanctionné les travaux de la tripartite d’octobre 2013. Un groupe de travail avait été chargé de proposer les modalités de contribution du fonds au financement de l’investissement national public et privé.
Issu de la restructuration de la Caisse algérienne de développement, puis de la Banque algérienne de développement, le FNI finance les projets dont le coût est égal ou supérieur à 50 millions de dinars. Ces financements portent sur la création, l’extension ou la réhabilitation de l’entreprise et l’augmentation de capital y compris dans le cadre d’un partenariat avec un opérateur étranger, dans le respect de la règle de 51/49%.
Il intervient dans le financement par une prise de participation du capital de l’entreprise à raison de 34%, en jouissant d’un droit de regard sur la gestion de l’entreprise à travers des rapports périodiques qu’il établit.
Le fonds finance également, sur ses propres ressources, des projets par des prêts directs ou par l’octroi de garanties. Il gère en outre, pour le compte du Trésor, des crédits à long terme octroyés par ce dernier aux entreprises publiques et privées avec un rendement égal au rendement des valeurs du Trésor à moyen et long terme assorti d’une marge de 3%.