«Il fallait être là. Non pas par mimétisme par rapport à la Tunisie et l’Egypte, mais parce que je ne veux pas que mes enfants prennent une barque pour partir ailleurs».
Elles sont venues, elles sont toutes là bravant le danger et leurs parents. De la simple citoyenne, mère de famille, à l’universitaire, intellectuelles fières et altières, mais aussi à l’étudiante qui, accompagnée de son cousin, ou qui de son copain pour la protéger, médecin ou responsable d’organisme pour la défense des droits de la femme à l’image des associations Djazaïrouna et Wassila, le centre d’écoute au profit des femmes et des enfants.
Toutes étaient là pour crier leur ras-le-bol et marcher pour une Algérie meilleure et un avenir radieux pour leurs enfants. «On est venu participer à la marche, pas pour nous, mais pour les prochaines générations qui arrivent», nous dira cette mère de famille voilée, accompagnée de ses trois petites filles. Certaines dames criaient leur misère à qui veulent les entendre, leur misère sociale, les problèmes de chômage et de la retraite. Des vieilles dames, munies parfois du drapeau national, profitaient enfin de cette tribune pour dire leur combat, en vain. Des femmes qui ont frappé à toutes les portes sans trouver d’écho, si ce n’est la bureaucratie à tous les étages.
La grogne sociale faisait bloc contre les injustices et les maux pour dire stop à la gabegie d’un système riche par ses pétrodollars, mais pauvre par sa population. «On est là pour lutter pour la jeunesse pour qu’elle vive décemment», fera remarquer ce médecin qui dira venir avant tout en tant que femme. Et de renchérir: «Nous avons toujours marché, nous avons lutté contre le terrorisme, nous avons réussi et aujourd’hui on réussira et on arrivera à quelque chose. Je suis une femme et je suis venu marcher, quoique la marche a été interdite et qu’on allait réprimer les manifestants.
Il fallait être là. Non pas par mimétisme par rapport à la Tunisie et l’Egypte. En tant que femme, je m’inquiète davantage, car j’ai des enfants et je n’ai pas envie qu’ils prennent une barque pour partir ailleurs. J’ai envie qu’ils vivent dans leur pays là où je suis née et là où j’ai toujours vécu avec mes parents et mes grands-parents et où mes ancêtres sont enterrés», s’obstine-t-elle avant d’ajouter: «Je revendique un Etat de droit qui redonne l’espoir à tout le monde, y compris aux femmes. On nous méprise. On est humiliées.» Même constat, de nombreuses femmes présentes à cette journée ensoleillée pour défendre leurs droits de femme citoyenne à part entière. «Et si tu tombes 7 fois, toujours te relever 8 fois» dit un adage asiatique. Et les femmes algériennes l’ont prouvé de tout temps et à chaque combat. De la guerre de Libération aux marches de citoyenneté contre l’obscurantisme durant les années 1990. Elles étaient toutes là, en effet, même si pour une cinquantaine d’entres elles furent embarquées par la police en cette journée du 12 février puis relâchées. Elles sont prêtes à revenir, car la liberté de la femme ça ne se limite pas au 8 mars! «Restituer les droits civiques des Algériens et s’organiser en tant que société. La liberté ne se donne pas, elle s’arrache», comme souligné par l’artiste Amazigh Kateb – qui était présent à la marche – est le credo des femmes algériennes.
Parmi les slogans on pouvait entendre: «Une Algérie unifiée» mais aussi «Liberté d’expression, à bas l’oppression».
Certaines femmes malmenées repartiront avec des ecchymoses, mais… la tête haute malgré tout.
«I have a dream», évoquera une citoyenne…
O. HIND