Ni l’abrogation du décret n°10-315 et ni l’instruction ministérielle instaurant des ateliers de travail pour plancher sur les correspondances entre ancien et nouveau système ne semblent convaincre les étudiants.
Regroupés dans une coordination de huit écoles nationales, ils comptent poursuivre leur mouvement de contestation. Fait nouveau, la colère des étudiants se concentre également sur le ministre de l’Intérieur Dahou Ould Kablila dont les dernières déclarations leurs sont restées au travers de la gorge.
Réunis dimanche dernier, la coordination des écoles supérieurs (ENP, EPAU, ESI, ENSA, ENSH, Enssmal, Enssea et ENSTP) et des universités a opté pour la poursuite du mouvement de grève, enclenché depuis presque un mois.
Les étudiants menacent désormais de déclencher une grève de la faim et d’organiser des sit-in devant le Palais du gouvernement ainsi que devant le siège de la Présidence de la république dans les semaines à venir
« Des étudiants ont certes proposé le gel momentané de notre grève, mais la majorité a opté pour le maintien de la pression jusqu’à la satisfaction de nos revendications », affirme Yahia, délégué de l’université de Boumerdes.
Pour le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, l‘abrogation du décret du 13 décembre 2010 ainsi que le lancement d’ateliers de travail pour les correspondances entre ancien et nouveau système suffisent à satisfaire les revendications de étudiants.
Pour ces derniers, il n’en est rien. « Je signale que plusieurs universités ont déjà organisé ce genre d’ateliers par le passé. On est donc entrain de refaire la même chose, affirme un autre délégué de l’université de Boumerdes.
En outre, c’est l‘administration qui désigne les délégués, alors que nous demandons que les étudiants désignent eux-mêmes leurs représentants. En plus, nous sommes exclus de la participation aux ateliers au niveau des conférences régionale et nationale. Qui va transmettre nos revendications ? Moi en tout cas, je ne compte pas sur le recteur pour le faire.»
Au chapitre des revendications, les étudiants des universités réclament la résolution du problème de recrutement des titulaires du Magister aux postes d’enseignement supérieur. « Nous constatons un manque flagrant d’enseignants, mais les postes budgétaires son très réduits », explique notre interlocuteur.
Il est également exigé la révision du décret de 2007 et l’abrogation de celui de 2010 réintroduit après l’opposition des étudiants.
« Il est injuste qu’un diplômé DUEA (bac + 3) soit classé à la catégorie 6 alors que le diplômé licence LMD (bac + 3) est classé à la catégorie 11. Nous demandons l’alignement en fonction du nombre d’années après le bac », souligne-t-il.
Les étudiants inscrits aux écoles supérieures exigent l’ouverture d’écoles doctorales au sein de leurs établissements, la valorisation du magistère et l’accès aux mêmes droits dont disposent les diplômés de master, selon Aghiles, délégué de l’Institut national des statistiques et de planification. Lui également dit percevoir un « flou » dans l’abrogation du décret présidentiel. « On veut du concret. On ne peut pas abroger un décret sur une parole ou par simples recommandations », proteste-t-il.
Les étudiants comptent saisir le président de la République afin d’intervenir et mettre fin aux errements de son ministre de l’Enseignement supérieur, selon le délégué de l’Ex-INSP.
Par ailleurs, les déclarations de Dahou Ould Kablia, ministre de l’Intérieur, lequel contestait que les policiers aient brutalisé des étudiants en sit-in devant le ministère de l’Enseignement supérieur, passent mal.
« Nous avons tenu plusieurs sit-in et aucun incident n’a été signalé, estime Yahia. Le ministre parlait d’un étudiant qui voulait briser la grille du portail du ministre. Cela s’est passé le mardi matin alors qu’on a été tabassé le dimanche et le lundi. Ce sont des personnes inconnues qui voulaient forcer le grillage. C’est nous les étudiants qui avons intervenus pour les empêcher », précise encore Yahia pour qui le ministre est « déconnecté » de la réalité.
« Il ne lit même pas les journaux. Il n’arrive même pas à tenir la chronologie des événements », ironise notre interlocuteur qui reste convaincu que des ordres ont été donnés pour tabasser les étudiants.
La DGSN a indiqué récemment qu’elle a ouvert une enquête pour faire la lumière sur la bastonnade des étudiants et promet des sévères sanctions contre les auteurs de cette brutalité. Toutefois, cette annonce de la DGSN a été vite battue en brèche par le ministre de l’Intérieur.
Lundi 28 février, une imposante marche organisée conjointement par des étudiants et des enseignants a réuni des centaines de personnes à Bejaia, à 200 km à l’est d’Alger.
Les manifestants réclament désormais une refonte de fond de l’enseignement supérieur avec élection à tous les échelons de la hiérarchie universitaire (recteurs, doyens, chef de département, etc.), et refusent l’indexation des contenus pédagogiques sur les besoins de la sphère économique, soit une remise en cause des fonds baptismaux du système LMD.
Même si ces revendications paraissent pour le moment assez « atypiques », les étudiants de l’université de Bejaia, véritable bateau amiral du système LMD, ont déjà envoyé des délégations pour convaincre leurs collègues des autres universités de se joindre à ce mouvement.