Le rassemblement pacifique des étudiants a été violemment réprimé par les brigades antiémeutes. Une dizaine de blessés ont été transférés hier à l’hôpital, cela sans compter ceux en état de choc ou ceux qui se sont évanouis sur place.
Pour libérer la place de Pékin, à El-Mouradia, que des centaines d’étudiants ont bloquée hier depuis 10h du matin, les brigades antiémeutes, qui encerclaient les lieux, repoussaient les manifestants pour les empêcher d’avancer vers le siège de la présidence. Les coups de matraque s’abattent alors sur eux, les étudiants, bousculés et sommés de libérer les lieux, résistent mais finissent par se scinder en deux groupes.
Certains s’enfuient, d’autres reculent. Prises de panique, des adolescentes s’évanouissent, d’autres s’effondrent en larmes, ou s’emportent en hurlant toute leur colère à la face des policiers, ne comprenant pas une telle répression. L’affrontement qui dure quelques secondes est assez violent et fait de nombreux blessés. Assiégés dans une ruelle entre l’avenue de Pékin et l’ex-lycée Descartes, ne pouvant ni avancer ni reculer, les universitaires scandent des slogans hostiles au pouvoir, jettent des bouteilles d’eau vides et des papiers froissés sur les agents de l’ordre. «Pouvoir assassin», «Ulaç smah ulaç», scandent- ils tous d’une seule voix. «Nous étions assises par terre quand des policières nous ont soulevées violemment en nous sommant de partir ! Elles ont été violentes», expliquait une étudiante tout en larmes au pompier venu la secourir. «J’ai vu la haine dans leurs yeux quand il nous ont frappés.
J’ai reçu un coup à la hanche, j’ai mal. C’est un Etat sauvage ! Pourquoi toute cette violence ?», s’interroge Ali, encore sous le choc. Les témoignages pleuvent. «Ils nous ont tabassés et nous ont insultés», lance Mohamed. «Ils nous ont roués de coups sans distinction entre filles et garçons ». «Ils n’ont pas le droit de faire ça ! Notre rassemblement était pacifique.» «Ils nous ont intimidés. Un policier m’a dit qu’ils allaient nous prendre en sandwich et nous tabasser». «Trois agents antiémeutes m’ont matraqué sans aucune pitié.
L’un d’eux m’a même dit que si son fils était là il l’aurait tabassé sans hésiter.» Des sources estudiantines estiment qu’une vingtaine de blessés ont été recensés. Sur place, les pompiers n’ont eu de cesse de faire le va-et-vient entre la foule des manifestants. Au moins dix étudiants ont été évacués vers les hôpitaux d’Alger, dit-on. Ce sont des étudiants des écoles supérieures qui ont observé un sit-in devant le siège de la présidence de la République. Réunis samedi dernier, les représentants de l’Union nationale des écoles supérieures ont décidé, en concertation avec la base, de passer à l’action pour se faire entendre puisque le dialogue avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique n’a pas abouti.
«Nous voulions nous démarquer de la marche de ce mardi. Notre sit-in était pacifique et nous voulions dire que nous ne sommes pas satisfaits des négociations avec la tutelle. Les délégués des étudiants étaient tous au premier rang. Ils ont été les premiers à recevoir des coups», explique l’un des délégués. Un autre affirme que 80% des revendications soulevées n’ont pas été satisfaites, ce qui justifie la colère des universitaires. «On nous a menti, on nous a bassinés avec des conférences nationales pour nous dire ensuite que les passerelles entre l’ancien et le nouveau système universitaires ne peuvent être dessinées que par des experts internationaux. C’est fou !» tonne-t-il. Près d’une vingtaine de camions des brigades antiémeutes ont été dépêchés sur les lieux. D’autres véhicules de police étaient stationnés à l’avenue Pékin. De nombreux agents de la police judiciaire ont également été mobilisés. «Trois étudiants blessés ont été arrêtés puis relâchés », affirme Ali.
I. B.
Renforts policiers vers Alger
Il semblerait que le pouvoir politique craigne la marche des étudiants prévue aujourd’hui à Alger. Il s’attend donc à une forte mobilisation. Pour parer à toute éventualité, les hautes autorités du pays ont acheminé d’important, renforts policiers, des URS notamment (les casques bleus dans le jargon populaire), vers la capitale. Hier matin, en effet, des convois avec un nombre de bus à chaque fois importants circulant de l’est vers l’ouest, ont été vus sur la RN5 (Alger-Constantine). On s’attend également à l’interdiction de la circulation des trains de banlieue et au resserrement des barrages de contrôle installés dans les wilayas du centre-est du pays (Boumerdès, Tizi-Ouzou, Bouira) pour empêcher les marcheurs venant des universités de ces localités de se rendre à la placette de la Grande-Poste, lieu du départ de cette action de protestation.
On prévoit à ce que les étudiants fassent face au même dispositif sécuritaire mis en place au début du cycle des marches initiées par la CNCD (Coordination nationale pour le changement et la démocratie). C’est-à-dire un déploiement policier impressionnant à Alger- Centre et des obstacles (barrages de gendarmerie et de police) pour ralentir la circulation à la périphérie de la capitale.
Il faut craindre, malheureusement, dans ce cas de figure, la mise à mal des droits constitutionnels des voyageurs. D’un autre côté, étrangement, une panne généralisée des réseaux de communication est survenue hier en début d’après-midi. Ni le téléphone mobile ni le fixe d’ailleurs encore moins le web n’ont fonctionné hier dans la wilaya de Boumerdès. Faut-il rappeler que ces pannes deviennent répétitives et insupportables pour les usagers. Quand on connaît le rôle joué par l’Université M’hamed-Bougara de Boumerdès dans la dynamique contestataire estudiantine et l’utilité de ces réseaux de communication dans la mobilisation des universitaires, on ne peut que s’interroger sur ces pannes.
Abachi L.