Les universités de Béjaïa, Bab Ezzouar, Boumerdès, Tizi Ouzou, Tipasa , Adrar, Tlemcen et de Batna baignent depuis deux semaines dans un climat de tension avec leurs étudiants. Un mouvement de contestations de ces derniers prend une ampleur de plus en plus considérable à travers de nombreuses wilayas, pour réclamer, entre autres, l’accès automatique au grade post-graduation.
Dix années après son introduction, la Réforme universitaire L.M.D (Licence, Master, Doctorat), sensée apporter plus de droits aux acteurs de l’enseignement supérieur, de la qualité et de nouvelles perspectives, affiche un constat morne et inquiétant.
Dix années après, la valeur -devenue incertaine- des diplômes, le manque de pédagogie et des ressources matérielles caractérisent cette réforme, de mécontentement et de colère.
Décalage juridique
Les étudiants du département d’architecture des Universités de Tlemcen et de Sétif mènent actuellement la cadence. En grève depuis début novembre, ils dénoncent la non-reconnaissance de leur master par le Conseil national de l’ordre des architectes algériens.
Celui-ci exige un diplôme d’ingénieur d’État en architecture, au détriment du master 2 pour avoir accès au Tableau national des architectes.
Dans un entretien accordé au quotidien francophone El Watan, un membre de l’Ordre des architectes explique que « les diplômés de cette spécialité ne sont pas reconnus par notre Ordre » parce que le « master en architecture n’a aucune valeur juridique tant qu’il n’a pas été reconnu par un autre décret modificatif ».
Un boutade juridique que les étudiants de ce département refusent d’assumer, clamant au même quotidien susnommé que « Ce n’est pas notre problème si le système LMD n’est pas en adéquation avec la spécificité de notre filière. Nous n’avons pas à payer les pots cassés de l’application d’un système n’ayant aucune relation avec la réalité du terrain. »
Les étudiants de la même filière de l’Université de Sétif, également concernés par la même « non-reconnaissance des diplômes », sont depuis mercredi en grève illimitée, pour attirer l’attention du Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique et à aboutir à leurs revendications.
« Un master pour tous » ?
Un mouvement de contestations partagés par les étudiants de la majorité des départements, notamment dans la ville de Béjaïa. Environ 6000 étudiants ont manifesté hier dans la capitale des Hamadites, exigeant de la Coordination locale de étudiants (CLE) un libre accès au master.
Une revendication aussi présente dans l’Université de Boumerdès, de Bab Ezzouar et autres départements.
Mustapha Rahmani, porte-parole du Conseil national des enseignants du supérieur (Cnes), estime dans un entretien accordé à El Watan que prétendre à cette logique de « Master pour tous ne peut que faire mal à l’Université Algérienne. « Le mérite est incontournable » dans l’accès à la post-graduation.
« Cependant, le mérite ne peut se limiter aux seules notes obtenues durant le cursus, il faut peut-être réfléchir à un quota par voie de concours », affirme-t-il.
Des concours théâtre de « passe-droit et du favoritisme », dénoncent les étudiants.
Une infrastructure tout autant contestée
L’École des hautes études de commerce (EHEC), L’École Nationale supérieure de statistiques et d’économie appliquée (ENSSEA) et d’autres grandes écoles délocalisées dans la commune de Koléa mènent une démarche de contestation toute autre.
Les enseignants, travailleurs et étudiants de ces établissements universitaires évoquent un site isolé, ne bénéficiant d’ »aucun moyen de transport », outre que le COUS, service de transport gratuit pour le personnel de l‘enseignement supérieur.
En grève depuis le tout premier jour de la rentrée universitaire, les cadres des grandes écoles n’omettent pas de souligner le taux élevé de criminalité dans cette ville.
Les conditions d’hébergement dans les cités universitaires sont aussi déplorées. Entre l’isolement de ces infrastructures et la très mauvaise qualité de leurs équipements et services, beaucoup d’étudiants ne manquent pas de cadenasser les portails d’accès pour attirer l’attention des responsables.
Dix années après son application, la Réforme L.M.D doit faire l’objet d’un bilan profond, selon Abdelmalek Rahmani, coordinateur du Conseil national des enseignants supérieur (Cnes), « pour identifier toutes ses failles pédagogiques, matérielles et techniques ».