Les étrangers sont davantage touchés par la « répression pénale » relativement à leur part dans la population totale française, notamment en comparution immédiate, a révélé une enquête réalisée par un centre de recherche de l’Université de Lille.
Selon les conclusions de cette rencontre menée par Thomas Léonard du Centre d’Etudes et de Recherches administratives, politiques et sociales (Ceraps) de l’Université de Lille, ces étrangers représenteraient 11,8% des personnes condamnés en 2008 par les tribunaux correctionnels et 17,8% de celles écrouées au 1er janvier 2010, alors que leur part dans la population résidant en France s’établit aux alentours de 6%.
L’enquête, qui repose sur l’analyse de jugements rendus en comparution immédiate dans six tribunaux (Trois dans le Nord-Pas-de-Calais et trois en Rhône-Alpes) à l’encontre de 1531 prévenus dont 259 étrangers, fait ressortir que les étrangers écopent d’une peine de prison ferme plus fréquemment que les Français (dans 81,1% des cas pour les premiers, contre 75,8 % pour les seconds).
Dans ses recherches, publiées dans la revue Plein Droit du Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés (Gisti), l’universitaire relève que les prévenus étrangers se présentent plus souvent que les prévenus français « sans la moindre condamnation inscrite au casier judiciaire alors même qu’il s’agit d’un critère justifiant le recours à cette procédure (comparution immédiate) plutôt qu’à une autre ».
« En moyenne, les étrangers présentent plus souvent certaines caractéristiques –absence d’adresse fixe, .etc- qui justifient, au regard des parquetiers, leur poursuite par cette voie utilisée dans une optique plus répressive, et ceci en dépit de l’absence d’antécédents judiciaires », a-t-il observé.
L’enquête révèle aussi que les étrangers ont tous en commun cette étiquette d’étrangers qui « explique » les exigences particulières de la part de la justice (des signes de réinsertion potentielle, des ressources, des garanties …etc). Selon M. Léonard, on peut parler, dans ce cas, d’un « stigmate, c’est-à-dire d’un attribut qui oriente les attentes que les magistrats ont vis-à-vis du prévenu qu’ils ont à juger ».
« En conséquence, le statut d’étranger implique toujours des exigences spécifiques, qui, une fois satisfaites, peuvent permettre à l’étranger d’être traité + à l’égal des Français+ », a-t-il analysé, soulignant que l’inégalité de traitement commence en amont du procès lui-même.
Les magistrats du parquet font essentiellement le choix de la procédure de comparution immédiate pour des mis en cause ayant déjà des antécédents judiciaires et à l’encontre desquels ils anticipent une condamnation à la prison ferme.
Suivant les données recueillies par le chercheur lors de son enquête, l’existence de condamnations antérieures constitue un « préalable fréquent » à la poursuite en comparution immédiate. « Cette exigence semble disparaitre pour les prévenus étrangers, puisque près de la moitié d’entre eux (48,3%) n’ont jamais été condamnés auparavant », a-t-il noté.
Pour l’auteur de l’enquête, le fait que les prévenus étrangers soient plus souvent poursuivis en comparution immédiate que les Français « ne s’explique donc pas par le fait qu’ils sont +connus+ des services de police et de la justice ».
« Tout se passe comme si les étrangers disposaient d’un casier judiciaire virtuel en supplément de leur casier judiciaire réel », a fait remarquer l’universitaire, signalant que parmi les prévenus sans antécédents judiciaires, la différence de traitement est « extrêmement nette : seuls deux Français sur cinq (41,8%) sont condamnés à une peine de prison ferme contre près de quatre étrangers sur cinq (77,6%) ».