Le Congrès américain engagera-t-il le monde dans un désastre humanitaire?
Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a poursuivi hier en Europe son offensive diplomatique pour justifier des frappes contre la Syrie accusée d’avoir perpétré un massacre chimique.
Selon le journaliste de la chaîne américaine de télévision CBS, le président Bachar Al-Assad a «nié avoir quelque chose à voir dans cette attaque» chimique du 21 août près de Damas. Après avoir obtenu samedi le «soutien politique» des Européens à une «réponse claire et forte» à l’attaque chimique du 21 août imputée au régime de Damas, M.Kerry a rencontré à Paris ses homologues de plusieurs pays arabes ainsi que le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi.
«Nous étions unanimes à dire que le recours odieux par Assad aux armes chimiques (…) a franchi une ligne rouge internationale», s’est félicité M.Kerry à l’issue de la rencontre à Paris. Notons que le Congrès américain doit se prononcer dans les prochains jours sur une action militaire en Syrie. Sur cette intervention à plusieurs inconnues, un bémol est apparu de la part du secrétaire général de la Maison Blanche Denis McDonough qui a reconnu qu’une «frappe de la Syrie ne serait pas sans risques» et pourrait conduire à «se retrouver traîné au milieu d’une guerre civile», comme celui de représailles. Les risques de frappes «sont multiples», a admis hier Denis McDonough sur CNN, l’un des nombreux plateaux où il était présent dimanche, dont celui «de se retrouver traîné au milieu d’une guerre civile en cours». «Nous devons faire très attention, être précis dans notre ciblage, limité dans notre engagement pour justement ne pas s’y retrouver traîné dedans», a-t-il ajouté, répétant le caractère «limité» des frappes envisagées. «Ce n’est pas l’Irak ou l’Afghanistan, ce n’est pas la Libye» a insisté le dirigeant américain. Toutefois, pendant tout le week-end, Paris et Washington ont affiché leur détermination à «sanctionner» militairement le régime syrien, se targuant d’un soutien international «large et grandissant» à une action militaire. «C’est notre Munich à nous!», avait lancé samedi soir à Paris M. Kerry, dans l’espoir de convaincre des opinions publiques réticentes, voire hostiles, en France et aux Etats-Unis. La France et les Etats-Unis, qui s’étaient durement opposés en 2003 sur l’Irak, affirment d’une même voix qu’une action armée contre la Syrie ne ressemblera en rien aux interventions en Irak, en Afghanistan ou même au Kosovo ou en Libye.

Evoquant le «soutien politique» apporté la veille par les 28 de l’Union européenne, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a précisé hier que la France et les Etats-Unis n’avaient «pas besoin matériellement, militairement, que tous ces pays s’engagent. La plupart d’entre eux n’ont pas les moyens de le faire», a-t-il relevé. Le secrétaire d’Etat américain regagnera Washington aujourd’hui, après avoir rencontré à Londres, hier soir, le président palestinien Mahmoud Abbas, et, ce matin, le chef de la diplomatie britannique, William Hague, dont le gouvernement a dû renoncer à s’associer à une intervention militaire en Syrie après un veto du parlement.
La situation serait «alarmante si les différents Parlements du monde» décidaient eux aussi qu’il ne faut pas intervenir, a estimé hier M.Hague, pour qui «le risque de ne rien faire est plus grand que celui d’agir». Le Congrès américain doit donner ou non dans les prochains jours son feu vert aux frappes, comme l’avait décidé le week-end dernier le président Obama.
L’issue du vote est très incertaine, notamment à la Chambre des représentants. Le président américain a prévu d’enregistrer aujourd’hui une interview avec les grandes chaînes américaines. Diffusée dans la soirée, l’interview précédera le message à la Nation d’Obama demain, avant le vote du Congrès. Son homologue français François Hollande a aussi promis de s’adresser à son opinion, mais après le vote du Congrès et la remise du «rapport des inspecteurs» de l’ONU qui ont enquêté fin août.