Comme chaque 13 février, des universitaires et membres de la Société civile sont intervenus hier à Alger, pour rappeler les conséquences des essais nucléaires français au Sahara algérien et exiger de la France d’indemniser correctement les victimes. D’une année à l’autre, les irradiations continuent néanmoins de faire des ravages…
Sachant que les issues des tunnels abritant les installations nucléaires à Reggane et à In Ekker, dans la wilaya d’Adrar, n’avaient été que bétonnées, l’Algérie ne dispose pas de système de surveillance géo-mécanique comme en Polynésie et donc, d’aucun moyen pour suivre l’évolution de ces murs. Sachant que trente-six «cancers» sont dus à la radioactivité, celui du sein entre autres qui touche les femmes algériennes à 40 ans — l’Algérie en enregistre l’incidence la plus précoce au monde —, pas le moindre centre de dépistage n’a été installé dans la région où ont eu lieu les explosions nucléaires entre 1960 et 1966.
Il serait grand temps que le gouvernement intervienne. «La gerboise bleue a causé un véritable désastre écologique dont les irradiations ont été détectées à près de 1 000 Km à la ronde. D’autres explosions ont suivi, 57 en tout, et ce, jusqu’en 1966. Or, les sites d’expérimentation n’ont pas été assainis convenablement. Les tunnels abritant les laboratoires ont été bétonnés, les équipements contaminés enfouis à une faible profondeur tandis que d’autres ont été abandonnés à l’air libre. Des équipements qui ont fait de nouvelles victimes algériennes après l’indépendance, civiles et militaires.
Constatant les déformations génétiques des victimes humaines, animales et même végétales, les gens de Reggane et In Ekker vivent toujours dans la terreur de se voir contaminés.», a estimé Amar Mansouri, un chercheur en génie nucléaire qui a travaillé sur le sujet. «Avant de demander à la France d’indemniser des victimes, il y a beaucoup de choses à faire ici, à notre niveau. L’Algérie compte 250 000 cancéreux, elle enregistre une incidence de l’ordre de 41 000 par an dont 10 000 cas de cancer du sein, 3 500 femmes en meurent. Or, atteinte d’un cancer du sein à 40 ans est une spécificité algérienne, car ce cancer ne touche que les femmes de 50 ans et plus. A Adrar, nous n’avons aucun moyen pour définir si ce cancer est dû à la radioactivité, et si les contaminations se limitent aux gens d’Adrar ou concernent d’autres régions du pays.», a regretté la présidente de l’association «Amel» d’aide aux cancéreux, Mme Hamida Kettab. Amar Mansouri et Hamida Kettab sont intervenus hier au forum d’Ech-chaab lors d’une conférence portant sur le thème des essais nucléaires français. Ainsi, une ville «scientifique» a été implantée dans le Sahara algérien où ont été affectés 6 500 soldats et scientifiques français et 3 500 prisonniers algériens pour les besoins de la gestion de cette ville.
Lors des essais, les scientifiques ont recouru même à des cobayes humains. Il n’y a pas de statistiques fiables concernant les victimes et on ne sait toujours pas à combien s’élève le nombre de victimes réellement contaminées. La France a reconnu sa responsabilité dans l’irradiation des victimes de ses essais nucléaires et une loi dite «Morin» a été promulguée en 2010 pour les indemniser. Une loi que contestent les victimes à cause de la présomption de causalité stricte établie par cette loi. 782 victimes algériennes ont déposé des dossiers pour bénéficier de ces indemnisations, 400 dossiers seulement ont été examinés dont 391 rejetés, soit 95 %.
L. H.