Les Algériens ont commencé à reprendre une vie normale après cinq journées d’émeutes meurtrières contre la vie chère et auxquelles le gouvernement a répondu par des mesures destinées à juguler la flambée des prix des denrées alimentaires de base, le sucre et l’huile notamment.
O fficiellement, ces violences ont fait trois morts et 800 blessés dont 763 policiers, selon les derniers chiffres communiqués par le ministère de l’Intérieur qui a aussi annoncé un millier d’interpellations.
Le ministre de l’Intérieur, Daho Ould Kablia, a considéré que la période de violences était close. Au départ de cette période, il y a quelques semaines, on avait assisté à des mouvements de protestation de petits groupes contre l’absence de logements sociaux, les passe-droits, la corruption et la hogra, un concept typiquement de chez nous et qui veut tout dire du désarroi, des revendications et des attentes. Le mouvement s’est rapidement étendu aux jeunes, à l’échelle nationale, contre la flambée des prix des produits de base et a entraîné le saccage de commerces mais aussi de bâtiments publics, symboles de l’État. Les raisons de cette fracture sont controversées.
Pour les officiels, c’est la faute à la flambée des prix alors que pour d’autres, ce sont la qualité de la gouvernance du régime avec ses verrouillages politique et médiatique et ses choix économiques erratiques.
L’Algérie a développé des infrastructures sans un projet de société, d’où leur aspect d’inachevé et les gaspillages qui en découlent.
Comme, par exemple, ces multiples cités alignées en dominos, sans attraits, sans âmes, désintégrées au point de n’être que de vulgaires dortoirs. L’État, après avoir constaté que son ouverture économique, a installé le bazar, a repris les choses en main, décrétant être le principal facteur de croissance. Les adeptes de ce nouveau et énième virage ont oublié les fondamentaux de l’économie : à savoir que la croissance, c’est l’affaire des entreprises. L’heure des économies administrées ont fait leur temps voilà belle lurette. Que l’État se contente de ses missions pérennes de régulateur et de protecteur des équilibres sociaux et les moutons sont bien gardés.
Les grands ouvrages sont certes nécessaires parce que, entre autres, ils sont structurants, mais ils ne sont pas créateurs d’emploi.
Chez nous, force est de constater, que ces mégaprojets n’ont pas induit de dynamisme au sein de la PME-PMI qui se plaint de toujours souffrir de maux découlant de vision hégémonique de l’administration. Et encore moins de bouleversements dans nos universités et centres d’études et de recherche, en léthargie faute de relations avec le monde du travail et des affaires.
L’économie est encore sous le sceau de l’import-import. Et ce ne sont pas les récentes émeutes qui le démentiront.
Leur cause est la flambée des prix de produits importés et la thérapie proposée par le gouvernement ne concerne pour l’instant que des mesures temporaires destinées à en réduire l’impact sur les consommateurs en faisant bénéficier des allégements de procédures et de taxes aux importateurs de ces produits ! Heureusement que le ministre de l’Intérieur a recadré cette assimilation des émeutes qui ont soufflé à travers tout le territoire national, à une révolte de l’appareil digestif, en admettant qu’une grande partie de la violence actuelle parmi les jeunes vient de la décennie noire des violences islamistes.
Ces jeunes sont extrêmement nihilistes, a-t-il déclaré. Ils ont des besoins, aiment les beaux vêtements, sont influencés par Internet et manquent de dérivatifs.
Voilà qui bien dit ce qu’il faut dire de cette semaine de violences. Est-ce la feuille de route d’un nouveau programme ? Reste que les émeutes ne sauraient être soldées, comme à l’accoutumée.
La crise est loin d’être réglée, les émeutes ont été révélatrices du fossé qui sépare les citoyens du pouvoir, tout comme elles ont mis – une nouvelle fois – le doigt sur cette culture de la violence ambiante dans le pays et dont l’antidote est connue de tous : ne pas laisser des populations livrées à elles-mêmes, sans canaux d’écoute de proximité crédible et sans porte-parole de confiance, crédibles.