Les éleveurs pressent le département de Bouazghi de mettre les vaccins à disposition pour sauver le cheptel ovin et bovin: «Les bêtes décimées se comptent par milliers»

Les éleveurs pressent le département de Bouazghi de mettre les vaccins à disposition pour sauver le cheptel ovin et bovin: «Les bêtes décimées se comptent par milliers»

L’expansion des épizooties observée ces derniers jours dans plusieurs régions du pays, dont les virus de la fièvre aphteuse et de la peste des petits ruminants ont gravement affecté le cheptel bovin et ovin, voudrait que le Forum du Courrier d’Algérie, dans son édition d’hier, reçoive un représentant des éleveurs, en la personne de Belkacem Mezroua, Vice-président de la Fédération nationale des éleveurs (FNE).

Il était question de répercuter l’état d’esprit mais aussi l’inquiétude qui a gagné les éleveurs et de faire le point sur le développement de ces épidémies animales qui ont décimé «des milliers de têtes de bétail et non pas deux milliers», affirme d’emblée notre invité sans toutefois avancer un chiffre exact.

Ce qui serait de l’ordre de l’impossible selon lui. «Aucune partie ne pourrait donner le nombre exact de bêtes touchées par la fièvre aphteuse et la peste des petits ruminants. Ni le ministère de la tutelle, ni encore moins nous à la FNE», justifie Mezroua qui tente d’expliquer.

«Absence de prise de conscience chez les éleveurs»

«Prenez le cas de la steppe algérienne. Elle s’étend sur plusieurs dizaines de milliers de kilomètres carrés pour pouvoir recenser le nombre des têtes touchées.

Ceci d’un part. De l’autre, vous avez des éleveurs qui se refusent de déclarer les bêtes touchées de peur que les autorités procèdent à l’abattage après constatation. Du coup les éleveurs craignent qu’ils ne soient dédommagés en contrepartie par l’État», a-t-il argumenté sur l’approximation dans l’établissement des chiffres en matière du nombre des bêtes décimées depuis l’apparition de ces deux épidémies animales.

Même pas du côté des 16 000 adhérents de la FNE, on arrive à peine à récolter les données et encore moins de déclaration des propriétaires de bétail victime de cette épidémie. «Pour nous, à la FNE, nous sommes certains que des milliers de bêtes sont mortes à travers le pays. Qu’on parle officiellement par exemple de 2 000 têtes tombées, ce chiffre est recensé dans la seule région de Djelfa. Pareil à Ouled Djellal dans la wilaya de Biskra quelque 2 000 autres têtes ont été tuées par le virus épidémique», le responsable de l’association des éleveurs, qui qualifie la propagation de l’épidémie de «calamiteuse», déplore un chiffre hallucinant. Passons la logique des chiffres, mais donnons quand même les dernières estimations en date du ministère de l’Agriculture. Jusqu’à hier après-midi en tout cas, Kaddour Hachemi, directeur des services vétérinaires parle de 2 800 têtes mortes à travers 17 wilayas touchées.

«Arrivée, le 24 janvier prochain, des premiers lots de vaccins»

Pendant ce temps, et si la menace de la fièvre aphteuse reste moindre puisqu’il y a peu ou prou de «disponibilité du vaccin», celle de la peste des petits ruminants plane au dessus des têtes de bétail et accentue l’inquiétude des éleveurs. Et pour cause, les vaccins se font toujours attendre.

Le ministère de l’Agriculture a promis de mettre à disposition des services vétérinaires du vaccin anti-peste vers la fin du mois en cours.

De son côté, Mezroua, qui s’en tient au dernier engagement fait par la tutelle, les premiers lots de l’antidote devront être reçus au pays le 24 janvier prochain. Toutefois, la campagne de vaccination, «je parle en connaissance de cause et de par mon expérience, l’opération ne devra pas avoir lieu avant le mois de mars prochain», fait savoir le responsable de la FNE, allusion à des retards qui pourraient mettre en danger un cheptel de bétail national riche de 28 millions de têtes ovines auquel s’ajoute quelque 2 millions autres bovins.

Au plan économique, l’orateur évoque une incidence considérable sur 12 wilayas dont les ressources reposent essentiellement sur la richesse animale. «Tout ce monde là sera touché, l’économie nationale et les préjudices aux éleveurs avec. Donc le ministère doit mettre le vaccin à disposition des éleveurs dans les meilleurs délais», avertit et alerte au même temps Mezroua.

«Réunion d’urgence ce jeudi au ministère de l’Agriculture»

Il y a quelques jours, le ministre du secteur, Abdelkader Bouazghi, s’est montré «rassurant quant à la maîtrise de la situation», dans les wilayas les plus affectées par ces deux épidémies animales, à savoir Djelfa, Nâama, El Bayedh, Laghouat, Tiaret, Biskra, M’sila, Tébessa, Sidi Bel Abbès… etc. Mais, la tutelle ministérielle a fini par appréhender le niveau de la menace tant ses services locaux ne cessent de communiquer des bilans quotidiens faisant état de décimation de dizaines de bêtes dans plusieurs régions du pays.

Il est temps, avant que la situation n’échappe à la maîtrise des pouvoirs publics. Si maintenant, comme nous l’a fait savoir la FNE, la peste des petits ruminants apparait pour la première fois en Algérie, il demeure que le virus de la fièvre aphteuse n’est pas étranger pour les éleveurs. A-t-on toutefois retenu des leçons ? Rien ne semble être le cas. Il a fallu bien prévenir au lieu de gérer les conséquences. Aux dernières nouvelles, et selon l’information qui nous a été communiquée, tard dans la journée d’hier, la FNE sera reçue, jeudi prochain, par le Secrétaire général du ministère de l’Agriculture. Une réunion d’urgence lors de laquelle les deux parties vont faire le point autour de cette épidémie : les vaccins, la procédure d’indemnisation des victimes et autres sujets en lien avec les préoccupations du monde de l’élevage.

«La Tunisie et le Maroc doivent aussi prendre des mesures»

Pour démontrer le niveau de menace de la peste des petits ruminants sur le cheptel ovin, le représentant de la FNE met en garde contre une propagation massive du virus épizootique qui pourrait déborder jusqu’aux pays voisins. Preuve en est, il pose des doutes et emprunte des pistes pour remonter à la source de cette épidémie. Quoique, et dans un premier lieu, il évoque la libre-circulation du cheptel à travers les marchés à bestiaux du pays qui est à l’origine de la propagation de ce virus qui touche pratiquement une vingtaine de wilayas.

«Les déplacements tous azimuts des éleveurs entres les marchés du pays est une cause à la propagation de ces deux épidémies. Il faut savoir que les maquignons issus de 20 wilayas se rencontrent dans les plus grands marchés à bestiaux tel que celui de Ouled Djellal (Biskra), Bougteb (El Bayadh)… etc. Vous imaginez un peu la situation ? Des éleveurs se déplacent sur un rayon de 10 kilomètres à la ronde», a-t-il averti comme pour justifier la décision de fermeture de ces lieux de commerce pendant une période fixée à un mois et demi environ. Il accuse aussi des parties qui seraient derrière les pratiques de contrebande du bétail.

Pis encore, Mezroua n’écarte pas la thèse d’un «complot ou d’une guerre virale» venu d’ailleurs et opéré par delà les frontières pour menacer l’ensemble des pays mitoyens à l’Algérie. Une raison pour laquelle et à l’effet justement de freiner la propagation du virus, il juge nécessaire que la Tunisie et le Maroc décident de mesures qui seraient à même d’arranger toute la région. Outre donc ces mesures qu’il suggère à tous les acteurs intervenants dans cette filière, Mezroua appelle ses compères éleveurs à prendre conscience du danger de telles épidémies.

Le dilemme des indemnisations

Il va sans dire que la question d’indemnisation a fait déjà beaucoup de bruit parmi les éleveurs de bétail. Le responsable de la FNE a lui-même reconnu cet état de fait qui ne passerait pas sans laisser des plûmes. L’opération fera des heureux comme des malheureux. D’ores et déjà, Mezroua a révélé que les conditions éligibles à l’indemnisation des victimes ainsi que la procédure de faire ont été arrêtées par les services du ministère de l’Agriculture. Toutefois, malheur à celui, parmi les éleveurs, qui n’a pas souscrit à une assurance et plus encore ceux qui n’ont pas voulu déclarer les bêtes, à tort ou à raison, décimées par le virus de peste animale et de la fièvre aphteuse.

Farid Guellil