Les échecs répétés,Il faut tout revoir en Algérie

Les échecs répétés,Il faut tout revoir en Algérie

Des revendications légitimes portées par un mouvement pacifique

Ceux qui voient en la colère des enfants du Sud un complot venu de l’extérieur, se trompent de lunettes et se perdent dans des considérations aussi ridicules qu’insensées.

Il est temps qu’on arrête de gérer le pays n’importe comment. Jeter des milliards par-ci et par-là, en fonction de la conjoncture et du moment, ne signifie rien d’autre que gaspiller, le sourire aux lèvres et la conscience endormie, des ressources qui ne seront malheureusement pas renouvelables.

La responsabilité impose à ceux qui ont la charge du pays de mettre fin à cette marche, titubante et stérile, parce que basée sur l’improvisation non féconde et incroyablement indigente. Si notre réalité est disloquée, aujourd’hui, c’est justement parce que ceux qui ont eu pour mission de nous mener vers les hauteurs du bien-être et du développement ont incontestablement failli dans leur tâche. Entre discours creux teintés d’un nationalisme désuet et promesses intenables parce qu’à la portée non mesurée, certains ont passé leur temps à nous mener d’échec en échec et de défaite en défaite.

Après 50 ans d’indépendance, lorsqu’un jeune, un seul, a l’impression sincère d’être oublié par son pays, cela suffit pour déclarer défaillante la gestion du pays. Lorsqu’ils sont des milliers, voire des millions qui éprouvent ce sentiment, comme c’est notre cas aujourd’hui, alors il y a lieu de tout arrêter d’urgence de tirer les leçons qui s’imposent et de se mettre au travail sans attendre. L’échec est là et il est total! Ce sont les jeunes et les chômeurs du Sud qui viennent de le balancer à la face de la République qui les a oubliés. Histoire de se rappeler à cette République qui a, jusque-là, trop gâté les fils des responsables et les rejetons des bien placés tout en tournant le dos aux enfants des autres citoyens. C’est à croire qu’il y aurait deux Algérie. L’une pour ceux qui y triment sans y vivre et l’autre pour ceux qui y vivent sans se fatiguer. Ceux qui voient en la colère des enfants du Sud un complot venu de l’extérieur, se trompent de lunettes et se perdent dans des considérations aussi ridicules qu’insensées. Ceux qui croient que la manifestation de ces jeunes est une colère passagère qu’il suffirait de quelques sous pour la dépasser se perdent, pour leur part, dans des explications aussi débiles qu’inutiles à propos d’un phénomène qu’il convient, maintenant ou jamais, de prendre à bras-le-corps. Que l’on ne nous raconte pas, de grâce, ces berceuses de plans Marshall mille fois dites et sans jamais donner aucun résultat tangible.

Tous ces milliards jetés jusque-là pour faire taire la colère n’ont été que gaspillage et tous les milliards que l’on voudra bien jeter cette fois aussi ne seront que gaspillage car les décisions précipitées ne donnent jamais la suite escomptée. Les actions mal réfléchies et les décisions non préparées verront s’estomper rapidement leurs effets. Penser à résoudre le problème des jeunes du Sud pour le court terme, comme cela s’est passé à chaque fois qu’il y a eu problème quelque part, est un suicide auquel il faudrait éviter de s’adonner. Pour beaucoup moins d’argent que ce que nous avons gaspillé entre largesses injustifiées et gaspillage pompeux, et avec beaucoup moins de compétences, d’autres ont résolu leurs problèmes pour le long terme, c’est-à-dire de manière durable.

Les berceuses de plans Marshall

Mais malheureusement, coincés entre des pseudos théoriciens et de vrais escrocs, nous avons été, toute une indépendance durant, incapables de produire notre propre nourriture, nous qui approvisionnions l’Europe en blé et quelques légumes. Surfant sur une vague du moment à l’autre, nous avons, sur les conseils de certains de ces théoriciens, pris la route sinueuse d’un socialisme incohérent, puis sur les conseils de leurs semblables, nous avons emprunté la voie épineuse d’un libéralisme sauvage en frôlant même celle d’une ridicule remontée dans le temps.

Pourquoi tout cela? Parce que nos repères n’ont jamais été assez solides pour nous préserver contre l’égarement. Et notre patriotisme n’a jamais été assez fort pour nous pousser vers ce qui est juste et bon pour le pays. L’oeil dans le ventre et la main dans la poche, c’est ainsi qu’il conviendrait de dessiner l’archétype du responsable chez nous si on avait à le faire. Certes, tout le monde n’est pas ainsi, et l’on n’a pas besoin que l’on nous le rappelle car les honnêtes gens savent qu’ils le sont et n’ont pas besoin de nous faire un bip chaque fois qu’on crie au loup. Il faut cesser de rire du monde. On ne gère pas un pays l’oeil fixé sur le rétroviseur du temps. Et l’on ne peut deviner les meilleures approches pour le management de ce pays lorsqu’on ne sait pas ce que gérer veut dire.

Par ailleurs, ce qui fait le développement d’un pays, ce sont ses compétences et lorsqu’on parle de compétences, ce n’est pas au nombre de cartes de militants détenues que l’on fait allusion, ni au nombre d’années passées à applaudir les gestes et les paroles.

Il faut changer de perception. Il faut changer d’hommes. Il faut changer de méthode. Il faut, en bref, tout revoir.

Cette inébranlable croyance qu’ont certains de nos responsables que tout va bien et qu’ils ont apporté quelques améliorations à leurs secteurs devrait être secouée rapidement et avec fermeté.

Regardons en face le jeune Algérien!

A regarder l’état et l’évolution de beaucoup de secteurs, on se demande comment et sur quels critères ceux qui les ont occupés continuent à le faire encore. Pour ne pas aller loin, et au risque de nous répéter encore et encore, rappelons que l’Université algérienne avait un rayonnement extraordinaire. Comment se fait-il qu’elle soit tombée aussi bas et au nom de quoi ce sont toujours les mêmes qui dirigent ce secteur pourtant si sensible? Arrêtons donc le massacre et reprenons-nous ailleurs! C’est-à-dire dans beaucoup d’autres secteurs, comme la santé, l’Education nationale etc… les choses ne sont pas meilleures. Tout cela parce que notre perception ou plutôt la perception de ceux qui ont en charge le destin du pays, n’est pas correcte.

Ces hommes qui donnent l’impression d’être immortels et ces éternels noms qui vont et reviennent aux mêmes postes depuis 1962, cette manière ridicule et désuète de vouloir faire le développement avec des chiffres erronés appuyés par des applaudissements non moins faux et cette satisfaction béate d’avoir construit le pays, tout cela est à revoir et même à bannir. Partis de conditions incroyablement insuffisantes par rapport aux nôtres, d’autres ont réussi mieux que nous. Ils sont arrivés là, tout près (lorsqu’ils ne les ont pas déjà atteints) des niveaux mondiaux dans les domaines aussi divers que la compétitivité, la qualité des produits, l’enseignement, la couverture des soins, la qualité du service public etc… ils sont là, devant nous, qui portent encore plus haut leur hargne de construire pour les générations à venir au moment même où, chez nous, la rumeur et la justice citent les noms de certains de nos anciens ministres dans des affaires de corruption et des scandales répugnants. Est-ce donc le destin de l’Algérie que d’être plumée par des parvenus de tous bords?

Il est temps de regarder en face le jeune Algérien et de se demander ce qu’on en a fait. A quoi sert-il de gérer un pays si l’on ne sait pas sortir sa jeunesse de l’étroitesse du présent pour la placer sur la voie spacieuse et combien prometteuse de l’avenir? A quoi bon parler de gestion du pays s’il faut que les jeunes se soulèvent pour qu’on daigne leur prêter oreille? A quoi bon??? Les échecs ont la peau dure. Ils remontent souvent comme de mauvaises odeurs pour coller à ceux qui en ont été la cause.

Et notre échec est là aujourd’hui avec tous ces jeunes du Sud et du Nord, de l’Est et de l’Ouest, qui demandent à travailler, à loger, à se nourrir, à se marier… à être des citoyens dans leur pays, comme tous les citoyens du monde. Rien de plus. Nous avons les moyens de le leur permettre, qu’est-ce qui nous en empêche? Qu’est-ce qui nous empêche de réfléchir de manière sérieuse à redresser le pays? A relever la tête?