Celui qui sera élu président de la république en avril 2014 héritera certes d’une bonne situation financière mais d’une situation économique et sociale difficile, toute relative, avec une déconnexion entre la sphère financière et la sphère réelle, rendant urgente la réorientation de toute la politique économique et sociale. Il devra, selon mon humble point de vue, remplir certaines conditions.
Les dix conditions pour être le président de la République !
1.-Le futur président doit avoir une moralité sans faille, intègre, s’engager à privilégier les intérêts supérieurs du pays non en paroles mais en actes, promouvoir la condition féminine, condition de la vitalité de toute société, combattre le régionalisme, le népotisme, toute forme de racisme et de xénophobie, pour que le discours politique puisse porter.
2.- Le futur président ne devra en aucune manière être impliqué directement ou indirectement dans des affaires de corruption, qu’il s’agira de combattre avec détermination, tout en évitant les règlements de comptes inutiles, car c’est la magistrature suprême qui est en cause. Les relations personnalisées étant inefficaces par définition avec des risques d’abus qui en découlent, les institutions gelées comme la Cour des Comptes, le Conseil National de l’Energie, le Conseil de la Concurrence, parallèlement aux mécanismes démocratiques de contrôle, doivent être réhabilités.
3.- Le futur Président devra dépasser le cadre étroit d’un Parti, du fait de la non représentativité réelle des actuels partis, en attendant la recomposition politique qui devrait donner naissance grâce à une saine concurrence, à deux à trois grands partis réellement ancrés dans la société, ce qui fera, comme dans les sociétés démocratiques, que c’est le parti dominant qui dirigera le pays.
4.- Le futur président, il faut être réaliste et non utopique , tenant compte tant du poids des réseaux des hommes d’affaires, de la morphologie sociale interne en évolution, des différents rapports de force au sommet du pouvoir doit réaliser un minimum de consensus politique, social et économique en cette période de transition, si l’on veut éviter des remous incontrôlables et des affrontements par personnes interposées, préjudiciables pour le devenir du pays. Cela ne saurait signifier unanimisme, signe de décadence de toute société. L’objectif stratégique est d’aller vers un Etat de Droit, d’appliquer la Loi dans toute sa rigueur, ce qui implique une véritable indépendance de la justice et la démocratie tenant compte de l’anthropologie culturelle de l’Algérie.
5.- Le futur président devra s’engager pour un dialogue permanent productif sans exclusive, avec des réseaux décentralisés crédibles servant de relais entre l’Etat et les citoyens, comme outil privilégié de la gouvernance. Il devra éviter le monologue avec des organisations non représentatives créées artificiellement par l’administration, vivant de la rente. Il devra également éviter toute vision autoritaire, ère du passé, nul ne pouvant se targuer d’être plus nationaliste qu’un autre, garantir les espaces de liberté, (le monde avec la révolution d’internet étant devenu une grande maison en verre), impliquer les citoyens par une véritable politique de décentralisation, au moyen de la régionalisation économique, qui ne saurait signifier régionalisme, avatar du système rentier bureaucratique.
6.- Le futur président devra avoir une vision stratégique du développement du pays à l’aube de grands bouleversements géostratégiques, qui ont un impact sur le développement interne, avoir une parfaite connaissance de la situation sociale et économique du pays, connaitre l’Algérie profonde dans sa diversité culturelle, être proche des préoccupations du peuple, aller à sa rencontre loin des bureaux climatisés des bureaucrates, lui tenir un langage simple loin des discours philosophiques pompeux lus et non assimilés préparés par les conseillers déconnectés des réalités, donc être pragmatique et réaliste et se démarquer des schémas théoriques stériles. Afin de tracer la future trajectoire et les perspectives du pays, il devra forcément dresser un bilan objectif, sur la situation réelle tant des réserves en hydrocarbures que des réserves de change, propriété de tout le peuple algérien et ce dans le cadre d’un débat national, associant les experts et toutes les forces sociales, économiques et politiques.
7.-Le futur président devra avoir une parfaite connaissance des rouages internationaux et des enjeux géostratégiques mondiaux tant dans le domaine politique, économique que sécuritaire, notamment favoriser l’intégration du Maghreb, pont entre l’Europe et l’Afrique, continent qui devrait tirer la croissance de l’économie mondiale à l’horizon 2030 ; l’Algérie pouvant jouer le rôle de pays pivot au sein de ce continent, préparer l’Algérie au dégrèvement tarifaire prévu à l’horizon 2020 (accord signé avec l’Union Européenne) et accélérer le dossier de l’adhésion à l’organisation mondiale du commerce ( OMC), tout en n’oubliant pas l’apport de notre émigration tant sur le plan intellectuel, technologique que financier.
8.- Le futur président devra mettre en œuvre une nouvelle gouvernance et réhabiliter le savoir, l’entreprise, qu’elle soit publique ou privée, piliers du développement du XXIème siècle , étant à l’ère du primat de la connaissance en combattant les rentes spéculatives, la bureaucratie et favoriser l’intégration de la sphère informelle au moyen de mécanismes transparents.
9-.Le futur président devra mettre en place d’ores et déjà la transition énergétique car ce n’est pas seulement une question d’offre pour Sonatrach mais de demande avec la concurrence aiguë qui s‘annonce avec des coûts croissants et des nouvelles mutations énergétiques.
10.- Le futur président doit tenir un discours de vérité impliquant d’ailleurs la refonte de tout le système d’information économique algérien au sein d‘une structure indépendante. Il s’agira d’éviter tant l’autosatisfaction, source de névrose collective, que la sinistrose ; tout ce qui a été accompli entre 2000/2013 n’étant pas totalement négatif et personne ne peut nier les importantes réalisations, notamment dans les infrastructures du fait que durant la période 1990/2000, la demande sociale ayant été compressée. Mais personne ne peut nier également, les insuffisances. L’importance de la dépense publique n’a pas été proportionnelle aux impacts économiques et sociaux, en moyenne 3% de taux de croissance alors qu’il aurait du dépasser les 10%, les segments hors hydrocarbures dont le BTPH étant eux mêmes tirés par la rente des hydrocarbures, le secteur industriel représentant moins de 5% du produit intérieur brut. C’est que les réformes de structures qui conditionnent la relance économique véritable ainsi que les ajustements économiques et sociaux nécessaires ont été différés. Ils seront douloureux entre 2014/2020, les tensions financières et budgétaires étant prévues vers l’horizon 2017.
En conclusion, Il deviendra alors impossible de continuer à verser des traitements sans contreparties productives, de maintenir le niveau actuel de la dépense publique tirée seulement par la rente des hydrocarbures conventionnels qui vont à l’épuisement de horizon 2030 au moment où la population algérienne tendra vers les 50 millions d’habitants, posant la problématique de la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux. Puisse l’Algérie, en cette échéance cruciale pour son devenir, pendre un nouvel élan, réaliser une transition politique et économique et sociale pacifique n’ayant pas besoin de remous, l’Algérie ayant vécu un drame entre 1990/2000 qui a fait plus de 200.000 morts. Puisse l’Algérie connaitre un développement réel et non artificiel reposant sur la rente, conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale. Puisse enfin le dialogue permanent l’emporter sur la confrontation, pour la stabilité de notre pays, stabilité largement conditionnée par le développement socio-économique; stabilité qui conditionne celle de toute la région euro-méditerranéenne et euro-africaine.
Dr Abderrahmane MEBTOUL