Porte-parole du Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA), Nacera Dutour, « Invitée de la Rédaction » de Radio M du site d’information spécialisée Maghreb Emergent, a déploré l’attitude de déni des autorités algériennes vis-à-vis des disparitions forcées, affirmant par la même occasion que ce crime contre l’humanité est toujours pratiqué en Algérie.
Invitée à l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparitions forcées, célébrée par le CFDA ce dimanche 30 août à Alger à travers des rassemblements, Nacera Dutour a appelé, au nom des familles algériennes de disparus, à la vérité « avec un grand V », mais « surtout à la justice ».
La porte-parole de ce Collectif, qui dit espérer « apporter des réponses aux questions que se posent les familles de disparus », a déploré l’attitude de déni adoptée par les autorités algériennes.
Ces dernières n’ont jamais « donné suite aux plaintes des proches de victimes », en ignorant leurs requêtes ou en rendant des ordonnances de non-lieux, selon l’invitée de Radio M, web-radio de Maghreb Emergent.
Les plaintes comportaient pourtant « des noms », impliquant « des agents d’état ». « Mais nous avons toujours reçu des non-lieux », déplore-t-elle.
Pis, elle a affirmé avoir reçu des intimidations, voire des menaces de mort, incitant le Collectif à abandonner son mouvement, notamment au lendemain de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui « a failli briser » les familles de disparus, explique-t-elle.
Selon Nacera Dutour, sur les 8.023 dossiers de disparus évoqués officiellement par l’Algérie auprès de l’ONU, « sans pour autant dire qu’il s’agit de disparitions forcées », 6.146 cas sont du fait des agents de l’état, a-t-elle affirmé, citant le Président de la Commission nationale de promotion et de protection des droits de l’Homme, Farouk Ksentini.
Elle a rajouté que plus de 3.000 dossiers sont en cours de traitement au groupe de travail sur les disparitions forcées de l’ONU.
Un crime toujours pratiqué en Algérie
A propos du procès des frères Mohamed, anciens membres des GLD (Groupes de légitime défense – patriotes) à Relizane, dont l’affaire a été renvoyée devant la cour d’assises du Gard du sud de la France pour « terrorisme et barbarie », Nacera Dutour a estimé que ce jugement est une « satisfaction ». « C’est la justice qui suit son court ».
La porte-parole du CFDA espère toutefois que « notre [collectif des familles disparus, ndlr] détermination nous amènera un jour à ce que des responsables soient jugés dans notre pays, et que la justice algérienne soit indépendante pour pouvoir juger ces auteurs de ces crimes ».
Des disparitions forcées toujours pratiquées en Algérie, « du fait du corps de l’état », indique-t-elle. « Hier, j’ai reçu un père, très âgé, de disparus, qui habite à Khemis El Khechna, venu déclarer la disparition de son fils en février 2015, arrêté dans son village avec plusieurs personnes ».
« Deux sont emprisonnés à El Harrach, un libéré et tout le reste du groupe disparus. Nous avons alerté les autorités algériennes pour saisir le procureur et le groupe de travail de l’ONU pour une procédure urgente ».
Un cas semblable à plusieurs autres, explique-t-elle. « J’ai remarqué que généralement, lors des arrestations en groupe, une des victimes est libérée, tandis que les autres restaient emprisonnées ou disparues ».
Quant à la célébration de la la Journée internationale des victimes de disparitions forcées, le Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA) entend « monter au monde entier que les disparitions forcées, ces pratiques qui sèment la terreur, ont existé, et existent toujours en Algérie ».