Le département d’État américain, conduit par Hillary Clinton, va prendre une lourde décision qui consiste à retirer des pays cités par WikiLeaks les diplomates américains, auteurs des câbles. Pour l’ambassade US à Alger, cette décision risque de perturber les bonnes relations actuelles entre Washington et Alger.
Jusque-là, les câbles américains diffusés sur l’Algérie mettent souvent en scène le président Bouteflika et ses commentaires lors d’audiences accordées à la présidence de la République à des émissaires américains, qu’ils soient du Pentagone ou des Affaires étrangères. Si ces câbles permettent aux Américains de jauger de l’état d’esprit d’un président algérien dont les diplomates arrivent mal à cerner les sentiments sur les dossiers internationaux, il n’en demeure pas moins qu’ils restent compromettants pour les diplomates qui sont en poste en Algérie.
Le premier concerné est indéniablement l’ambassadeur américain, David Pearce, comme ses homologues au Maroc, en Libye ou en Tunisie, aura du mal à exercer ses prérogatives dans un pays sur lequel il apporte des jugements dorénavant publics. Pour le premier responsable américain à Alger, les révélations de WikiLeaks tombent vraiment à un très mauvais moment, lui qui a mis un soin particulier à faire oublier l’héritage chaotique de son prédécesseur, Robert Ford, parti en Irak après avoir constitué un sujet de contentieux entre Algériens et Américains.
David Pearce, qui a eu le mérite de remettre les relations algéro-américaines sur les rails, avec une activité incessante et des gestes forts, a, depuis son arrivée, affiché un profil bas, voire lisse, afin de solder le cas Ford dont les manières ressemblaient davantage à un cow-boy dans un saloon qu’à un diplomate professionnel. L’ambassadeur américain s’était également attelé, auprès du gouvernement algérien, à faire oublier l’affaire Andrew Warren, du nom de l’agent de la CIA inculpé de viol sur deux Algériennes qui avait failli dégénérer en affaire d’État si ce n’est le sang-froid affiché des deux côtés qui ont tourné la page sans dégâts apparents.
D’ailleurs, l’essentiel des câbles parus sur l’Algérie portent des signatures différentes de diplomates, pour la plupart, ayant déjà quitté Alger. On retrouve le nom de l’ancien ambassadeur, Richard Erdman, un diplomate fort apprécié à Alger et qui est souvent revenu pour des séjours privés. On y lit également l’ambassadeur Ford, dont les écrits sont davantage proches de commentaires de barbouzes que d’un membre du département d’État. Il en est de même de son ancien bras droit, Mark Shapiro, qui l’avait suivi à Bagdad, dont les opinions hostiles à l’Algérie sont connues dans les cercles diplomatiques.
Mais la difficulté pour l’actuel ambassadeur est d’anticiper la profusion de câbles sur l’Algérie surtout que ces mémos ne manqueront pas de toucher des sujets sensibles notamment l’inquiétude constante des diplomates occidentaux vis-à-vis de l’état de santé du président Bouteflika et ses rapports avec l’état-major de l’armée.
Un de ces sujets phare a été abordé dans un câble de Robert Ford, datant de 2008, sur la succession du président Bouteflika où l’ancien ambassadeur spécule sur la santé de Bouteflika au point qu’il indiquera qu’il n’allait pas se représenter en 2009 !
Des sujets qui sont régulièrement abordés, pas seulement par les Américains, mais également des diplomates d’autres nationalités lors des dîners et des cockails où l’on retrouve souvent des représentants de la société civile et de la classe politique. L’inquiétude des diplomates américains est, paradoxalement, partagée par les membres de cette société civile algérienne qui fréquentent les allées de la résidence américaine, sur l’avenue Bachir-El-Ibrahimi.
Si, jusqu’à maintenant aucun commentaire officiel algérien n’est venu commenter ces câbles, car les sujets abordés jusque-là sont d’ordre maghrébin (rapports avec le Maroc ou le dossier du Sahara occidental), rien ne dit que l’accélération de la diffusion des mémos ne va pas mettre un frein à une dynamique de coopération intense observée ces derniers mois dont l’un des points d’orgue a été la venue du secrétaire d’État adjoint au Commerce américain, M. Hernandez, à l’occasion du Forum de l’entreprenariat US-Maghreb qui s’est tenu début décembre à Alger.
Une perspective qui donne des cauchemars aux diplomates américains en poste à Alger, qui peuvent d’ores et déjà oublier d’être les prochains organisateurs de la venue d’Hillary Clinton au Maghreb, dont le séjour risque de se transformer en séances d’excuses diplomatiques aux pays offensés.