Sarkozy a besoin de toutes les voix et chaque voix compte. Or, les Français d’origine arménienne sont au nombre de 1,5 million.
La Turquie fait beaucoup parler d’elle actuellement et la France aussi.
La première pour ses positions pro-palestiniennes qui font rougir de jalousie les leaders les plus engagés à sa cause et la seconde pour la bataille de la présidentielle qui devra départager entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, les favoris du sondage. Mais il y a une autre raison qui explique pourquoi les deux pays tiennent le haut du pavé et sont à la une de tous les journaux du monde : la reconnaissance par Ankara du génocide arménien. Mais pourquoi diable l’Elysée est-elle allée déterrer une histoire vieille de près d’un siècle ?
Pour quels motifs et que cachent en réalité ces griefs qui ne répondent à aucune urgence politique ? Il faut peut-être replacer le problème dans son véritable contexte.
Pour battre François Hollande au premier tour et éventuellement au second, Sarkozy a besoin de toutes les voix et chaque voix compte. Or, les Français d’origine arménienne sont au nombre de 1,5 million. Une reconnaissance officielle de ce génocide par la Turquie lui assurerait à coup sûr la sympathie d’une communauté jusque-là marginalisée.
Il faut ajouter à cela la position claire et tranchée de Sarkozy concernant l’entrée de ce pays à l’Union européenne. Le Président français s’est, en effet, toujours opposé à cette entrée estimant que la Turquie n’avait rien à voir dans cette zone de par sa culture, de par sa religion et surtout de par son absence de démocratie.
Dominique Strauss Kahn par exemple pense tout le contraire et estime qu’une Turquie intégrée à l’Europe est un bouclier contre l’Iran. Cette position du Président Sarkozy qui consiste à défendre la mémoire des Arméniens et donc à s’assurer de leurs voix et à refuser catégoriquement l’adhésion d’Ankara, le fait incontestablement passer aux yeux des millions de citoyens qui ont peur de l’Islam pour le défenseur des valeurs judéo-chrétiennes en Occident.
De quoi couper l’herbe sous le pied de Marine Le Pen, une autre candidate à l’investiture présidentielle et que ce fonds de commerce arrangeait. Malheureusement cette politique frontale contre la Turquie, dans la conjoncture actuelle, dessert Sarkozy beaucoup plus qu’elle ne le sert.
Et du reste son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, n’a pas manqué de le dire en cercle restreint que c’était là «une superbe connerie». Et cela pour trois bonnes raisons au moins. La première est que la Turquie n’est pas n’importe quelle République bananière, c’est un pays qui monte, un pays qui compte, l’un des pays émergents qui affiche annuellement une croissance insolente de 9%. La seconde est qu’il est le troisième client de la France. Et la troisième enfin est que de nombreuses industries françaises travaillent et font des bénéfices dans ce pays où la main-d’œuvre est abondante et surtout qualifiée.
Si la sortie de Sarkozy a poussé de nombreux consommateurs turcs à boycotter les produits français, elle a surtout réussi à jeter le trouble et la gêne chez les musulmans du monde entier, ce qui est un demi-mal et chez les musulmans de France en particulier et qui, eux, sont des citoyens qui vont voter…
I.Z