Les deux communautés en «guerre» n’ont pas encore trouvé un terrain d’entente Où va Ghardaïa ?

Les deux communautés en «guerre» n’ont pas encore trouvé un terrain d’entente Où va Ghardaïa ?

Pourquoi la paisible vallée du M’zab n’arrive-t-elle pas à retrouver son calme et sa stabilité ? Quelles sont les raisons qui font que les deux communautés arabe et mozabite n’ont pas encore trouvé un terrain d’entente susceptible de tempérer les ardeurs des uns et des autres ? Pourquoi tant de «haine» et de «violence» ?

Ce sont là quelques questions somme toutes légitimes que d’aucuns se posent surtout après qu’un cinquième décès ait été enregistré, jeudi dernier, dans la région.



Selon les témoignages recueillis par l’APS, les douloureux incidents survenus récemment dans la wilaya de Ghardaïa, sont «loin de revêtir un caractère communautaire ou doctrinal». Pour Mohamed Tounsi, un Mozabite du K’sar d’Atemlichet Melika, «ceux qui ont contribué au déclenchement de ces incidents sont des ennemis du pays qui avaient préparé le terrain en semant haine et rancoeur parmi les jeunes».

«Des rumeurs tendancieuses avaient précédé ces incidents, ce qui a attisé les tensions entre habitants», a-t-il indiqué. Quelle est donc la raison ou, peut-être, les raisons de cette «révolte» ? Aux yeux de Brahim Bahaz, un autre notable ibadhite du K’sar de Ghardaïa, les actes de violence parmi les jeunes «sont motivés en grande partie par le phénomène de trafic de drogue, notamment dans les grands quartiers de la ville».

Ainsi, l’interlocuteur de l’APS, qui est aussi un enseignant universitaire, rappelle que des comités de quartiers avaient déposé auprès des services de sécurité des plaintes concernant la propagation du trafic de drogue au niveau du quartier El- Moudjahidine, théâtre des premiers incidents survenus le 17 décembre dernier.

Toujours dans le même ordre d’idées, le même orateur écarte, tout comme le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, l’implication d’une «main étrangère», estimant au passage que l’initiative du gouvernement en faveur de la région est sincère et que certaines décisions étaient audacieuses à l’image de l’indémnisation des personnes ayant subi des préjudices ou la distribution de lots de terrain. En revanche, Brahim Bahaz reconnaît, en filigrane, l’existence de «différends» entre les Arabes et les Mozabites, en évoquant le mot «doctrine». «Une forte présence de l’État est impérative dans la wilaya, compte tenu de ses spécificités doctrinale, climatique et économique», a-t-il dit à ce propos.

Et le manque des projets de développements dans tout cela ? D’après Bouameur Bouhafs, représentant de la communauté arabe, la majorité des jeunes ghardaouis sont insatisfaits des projets de développement réalisés dans leur wilaya, mais cela n’a jamais été pour eux un motif de révolte à même de porter atteinte à l’unité nationale et à la stabilité du pays». Tout en niant, lui aussi, que des différends confessionnels entre Ibadites et Malékites soient à l’origine de ces incidents, l’orateur, qui avait pris part à la réunion du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avec les notables de la wilaya, dénonce la profanation du mausolée de Ami- Moussa au cimetière Ami-Saïd.

«Les cimetières chrétiens de Ghardaïa n’ont jamais été ciblés depuis l’Indépendance, pourquoi alors s’en prendre à des cimetières de musulmans ibadhites (Mozabites, ndlr)», s’est-il interrogé. «La mise en oeuvre de l’initiative du gouvernement en faveur de la région ainsi que la mise en application de la loi s’impose», a-t-il martelé, ajoutant que «la population et les autorités de Ghardaïa sont seules à détenir la solution».

Cela étant, Aïssa (28 ans), ingénieur d’État au chômage estime que la gestion administrative déficiente ainsi que les problèmes de développement figurent parmi les principales causes de ces incidents. Ali, retraité âgé de 56 ans, ajoute, pour sa part, que la gestion bureaucratique qu’a connue ces dernières années la wilaya de Ghardaïa a fait que les problèmes se sont accumulés pour provoquer l’implosion. Il ne s’agit là pas «d’un différend confessionnel entre Malékites et Ibadites mais plutôt d’un problème de manque de développement à Ghardaïa», estime Alouani Mohamed, dont le domicile a été incendié à K’sar Melika.

En tout état de cause, le Premier responsable du département de l’Intérieur et des Collectivités locales, Tayeb Belaïz, qui était avant-hier à Ghardaïa, a annoncé la création d’un centre opérationnel de sécurité, cogéré par la Gendarmerie et la Sûreté nationales, dans le but de rétablir l’ordre et mettre fin aux échauffourées. «L’État va agir avec rigueur et équité, conformément aux décisions de justice, contre les personnes malveillantes et les fauteurs de troubles».

Il a également révélé que le dispositif de sécurité dans la région de Ghardaïa sera «multiplié par trois, voire par quatre, pour restaurer définitivement l’ordre et le calme». «Toutes les rues, les quartiers, les communes de la wilaya de Ghardaïa seront sécurisés», a affirmé le ministre devant les responsables de la Sécurité nationale, respectivement les générauxmajors Abdelghani Hamel (DGSN) et Ahmed Bousteilla (Gendarmerie nationale).

Synthèse Soufiane D.

Les imams appellent au calme

Des appels au calme et à la renonciation à toute forme de haine ont été lancés par les imams dans leur prêche du vendredi, dans plusieurs mosquées de Ghardaïa, où la situation sécuritaire s’est normalisée, après la recrudescence de violence en fin de la semaine, a constaté un journaliste de l’APS. Les imams ont axé leurs prêches de la grande prière du vendredi sur l’apaisement, la concorde et la réconciliation, invitant les fidèles à faire prévaloir l’unité et leur rappelant combien il importe de vivre dans la paix, conformément aux préceptes de l’Islam.

Ils ont également plaidé pour la protection des biens d’autrui, le bannissement de la violence sous toutes ses formes et le respect des édifices religieux et funéraires. « Nous sommes tous des Musulmans, on doit s’unir autour des valeurs islamiques qui favorisent la sécurité de l’Homme et ses biens », a souligné l’imam de Theniet el-Makhzen.

De son côté, l’imam de la mosquée du quartier des 15 villas a insisté sur les repercussions de l’absence de la sécurité, citant, à ce propos, les souffrances des femmes et des enfants, ainsi que le désordre. « L’islam est une religion de pardon et de concorde, et le fidèle doit répandre la paix et la quiétude », a-t-il affirmé, ajoutant que la violence est contraire à l’éthique de l’islam. L’ensemble des imams ont appelé les citoyens à poursuivre leurs activités normalement. « Il n’y a aucune raison d’avoir peur », ont-ils insisté, soulignant que les forces de l’ordre étaient « prêtes à faire face à n’importe quelle menace ».

Aucun incident n’a été signalé depuis jeudi soir, dans la région de Ghardaïa, à la faveur d’un très important renfort de policiers, appuyé par des brigades antiémeute de la Gendarmerie nationale, déployés sur l’ensemble des artères et quartiers de la vallée du M’zab (regroupant 4 communes), notamment sur l’axe entre Ghardaïa et Daya Ben Dahoua. Quand bien même le calme prévaut vendredi dans le centre de Ghardaïa, l’inquiétude reste visible sur le visage de nombreuses personnes rencontrées par l’APS et qui redoutent « d’éventuels dérapages ».

Le ministre d’État, ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Tayeb Belaïz, a affirmé, jeudi à Ghardaïa, que l’État était « déterminé » à appliquer les lois de la République dans « toute leur rigueur », contre quiconque « portera atteinte » à la sécurité de l’individu et de ses biens. Le ministre a également promis un renforcement du dispositif sécuritaire à Ghardaïa.