Les dessous de la distribution du logement social, Tchipa, combines et passe-droits

Les dessous de la distribution du logement social, Tchipa, combines et passe-droits

Un système subtil de détournement des logements

Les émeutes de Laghouat ont montré que la crise du logement en Algérie est loin d’être résorbée, en dépit d’un programme de réalisation dans le secteur de l’habitat sans précédent dans l’histoire du pays post-indépendance. Une offre multipliée par rapport aux décennies antérieures. Mais jamais les contestations des listes n’ont été aussi fortes que ces dernières années. Cette situation indique que les logements ne bénéficient pas souvent à ceux qui en ont le plus besoin. Un système subtil de détournement des logements sociaux s’est institué au fil des ans au détriment des couches démunies et des tranches inférieures des couches moyennes. L’absence de transparence, l’absence de recours aux comités de quartier ou aux représentants de la société civile et l’absence de contrôle des agents de l’administration à l’origine de la tchipa sur le logement sont à l’origine de ces mécontentements populaires ; des émeutes jusqu’ici sanctionnées par la répression des victimes et non le limogeage et/ou le mandat de dépôt à l’encontre des responsables à l’origine de la colère de la population ainsi que des commanditaires d’un réseau de corruption à large échelle.

En somme, un déficit de démocratie participative fait le lit des pots-de-vin, des combines et des passe-droits sur un bien, véritable baromètre de l’état d’avancée ou de régression de l’État de droit dans notre pays.

Du coup, la pression sur le logement reste très forte dans les grandes villes du pays où se concentre la majorité de la population algérienne, et principalement à Alger. En l’occurrence, dans une commune de la capitale, on propose 80 logements pour 4 000 demandes. Concernant l’AADL, c’est près de 200 000 demandes pour moins de 10 000 logements. Dans beaucoup de communes, du reste, les quotas attribués sont insignifiants. Là aussi, on prélève une partie au profit d’indus bénéficiaires.

Cette situation renvoie également au retard dans la réforme du secteur. En 2012 , les entreprises algériennes de grande taille capables de réaliser 10 000 logements annuellement se comptent toujours sur les doigts d’une seule main. Bien que de grands progrès aient été réalisés, les chantiers n’avancent pas aussi rapidement que si on avait adopté des systèmes constructifs plus modernes. Aujourd’hui, on peut construire 1 000 logements en six mois ! On les construits au moins en deux ans, trois ans et, parfois, en cinq ans – sept ans en Algérie. Mais là ne réside pas l’unique clé de la solution. Une fois les logements prêts, il faut attendre six mois, voire un an pour qu’ils soient attribués en raison de la longue procédure pour sélectionner les bénéficiaires. Pendant ce temps, les sans-logis vivent dans des situations dramatiques.

En fin de boucle, les listes sont finalement rejetées, d’où des milliers de mouvements de contestation enregistrés en Algérie en 2011.

Pis, la volonté de l’État d’assainir le secteur du logement de ces pratiques de corruption, ces combines et passe-droits semble molle. Tout se passe comme si on voulait jouer aux pyromanes. Mais attention, la répression pourrait provoquer l’effet inverse ! Une situation qui dérape, qui échappe au contrôle des pouvoirs publics, voire un scénario d’embrasement du pays. Voilà où risque de nous mener un système injuste de distribution des logements.

K. R.

libecosup@yahoo.fr