Les dérives de l’école à Oran, Un lycéen égorgé

Les dérives de l’école à Oran, Un lycéen égorgé

Les armes blanches circulent librement en milieu scolaire

Plusieurs des individus, munis d’armes blanches dont des sabres et autres coutelas, ont tenté de s’introduire à l’intérieur du lycée aux fins d’agresser les lycéens.

«Aidez-nous à sauver notre établissement, le secteur de l’éducation est foutu», a crié un parent d’élève outragé par l’acte criminel perpétré dimanche dernier sur un lycéen de 19 ans. La victime, qui a été égorgée à l’aide d’un objet contendant, a été découverte par ses camarades baignant, dans son sang. Le lycée Houari-Souayah du quartier Haï El Badr ex-Cité Petit est-il maudit à tel point qu’il soit ciblé en permanence par des actes de haute criminalité? L’acte de dimanche dernier n’est pas un simple fait divers ni unique en son genre.

«Ce lycée a, à plusieurs fois, été le théâtre de plusieurs actes exécutés par, aussi bien, des élèves scolarisés, que par des voyous et autres énergumènes de tous bords», ont déploré plusieurs lycéens rencontrés. Dans un passé récent, plusieurs des individus, armés d’armes blanches dont des sabres et autres coutelas, ont tenté de s’introduire à l’intérieur du lycée aux fins d’agresser les lycéens. Un autre acte et pas des moindres, remonte à l’année dernière, un lycéen recalé et exclu après son échec à l’examen du baccalauréat a tenté de mettre fin à sa vie en s’immolant par le feu. Une enquête d’ordre sécuritaire et social, à ouvrir sur tous les fronts s’impose, question d’élucider le fait que le lycée Souayah soit fréquemment ciblé par des actes dépassant tous les seuils du raisonnement.

Le phénomène de la violence scolaire a atteint des proportions inquiétante. Celle-ci est en train de proliférer en touchant même les cours de recréation et les salles de classe. La place de l’école prend un sérieux coup. Les événements dramatiques de ce genre sont légion.

A Alger, Oran, Annaba, un peu partout dans les 48 wilayas, la violence en milieu scolaire a gagné du terrain. Les exemples ne manquent pas, L’Expression a été alerté en soulevant la problématique dans ses éditions précédentes. Dans un passé récent, «ce sont quatre élèves d’un CEM à l’est d’Alger qui avaient isolé et frappé à coups de pied au crâne leur camarade de 14 ans», a raconté une enseignante en déplorant que «les dégâts neurologiques seront peut-être irréversibles». «Une lycéenne a giflé en plein cours son enseignante», regrette son collègue. En 2011, le lycée de Sidi El Bachir, Est d’Oran, a été le théâtre d’un fait inédit, un lycéen exclu n’a rien trouvé de mieux à faire pour se venger de ses professeurs que de les menacer à l’aide d’un fusil à pompe. Deux ans auparavant, le CEM Zaki-Saïd, sis aux Amandiers a vécu un drame exceptionnel, un collégien de 14 ans a commis un meurtre sur son camarade en lui assénant plusieurs coups de couteau mortels. «L’usage de la drogue, les armes blanches dans le cartable ou dissimulées, l’absentéisme et les mensonges persistants s’ajoutent au lot de bêtises, hélas! fréquentes à l’école», déplore-t-on.

Au-delà des établissements scolaires, la délinquance, voire la criminalité juvénile est en plein essor. La tragédie nationale n’explique pas tout, car les inégalités sociales sont telles que «l’angoisse des enseignants est ressentie plutôt dans une école accueillant les enfants du bidonville ou des quartiers-dortoirs que dans un autre endroit plus ou moins nanti», témoignent les enseignants.

Les raisons de cette hausse de violence scolaire sont multiples et variées. Pour certains, le renoncement des parents, indice d’un déséquilibre du foyer familial, l’inversion de l’échelle des valeurs et la mauvaise exploitation de l’impunité accordée à l’élève suite à l’interdiction du châtiment corporel y sont pour quelque chose.

Des bêtises qui se résument aux rackets, insultes, vols, menaces verbales, extorsion, tapage, bagarres, gangs, armes blanches et parfois vandalisme, sont commises, aussi bien par des garçons que par des filles. A Oran, le phénomène est à son plus haut niveau. Toutes les trouvailles adoptées n’ont pas porté leurs fruits. La dernière invention mise en oeuvre par le secteur de l’éducation a consisté à traiter le mal par le mal.

Elle a été mise en application par les responsables locaux de l’éducation en collaboration avec les services de la santé. Dans cette action, des élèves ayant exercé des violences sur leurs camarades laissent tomber leurs anciens comportements pour se mobiliser en animant des campagnes et des actions qui entrent dans le cadre de la lutte contre la violence en milieu scolaire.

Ces derniers, au nombre de 92 écoliers des paliers moyen et secondaire, dans une sorte de communion, sont entrés en contact avec les élèves scolarisés pour débattre d’une seule et unique problématique: la violence à l’intérieur et près des établissements scolaires. Ces animateurs en herbe ont été guidés par des conseillers pédagogiques et des psychologues.

Ce n’est un secret pour personne, la violence en milieu scolaire a touché plusieurs adultes. Ni les professeurs, encore moins les élèves, ne sont épargnés par ce phénomène qui se développe à une vitesse effrénée.

Effrayants sont les bilans d’un phénomène qui encercle l’école algérienne. Dans la seule wilaya d’Oran, près de 7000 cas de violence perpétrée contre le personnel enseignant et administratif ont été enregistrés durant l’année scolaire 2010-2011.