Les députés du RCD et du FNA gèlent leur participation,Fronde à l’Assemblée

Les députés du RCD et du FNA gèlent leur participation,Fronde à l’Assemblée

Coup de théâtre, hier, à l’Assemblée. Deux partis politiques annonçaient, séparément, une décision identique, celle de la suspension de leur participation au Parlement. Le Front national algérien de Moussa Touati, qui dispose d’un groupe parlementaire de quinze députés, mais surtout le Rassemblement pour la culture et la démocratie, seul parti d’opposition à l’Assemblée populaire nationale, annoncent donc le gel de leurs activités parlementaires. Historiquement, c’en est là une première en la matière.

Politiquement, il s’agit d’un geste fort qui ébranle la squelettique crédibilité de la plus faible Assemblée qu’a eu à connaître l’Algérie indépendante. Outrageusement dominée par les trois partis de l’Alliance présidentielle, le FLN, le RND et le MSP, qu’appuie une sorte de «demi-pensionnaire» de cette même alliance, qu’est le PT de Louisa Hanoune, le retrait du RCD de Saïd Sadi réduira l’APN à un simple comité de soutien de luxe à Abdelaziz Bouteflika. Déjà mal partie en mai 2007 avec le fort taux d’abstention qui avait marqué l’élection législative et la traditionnelle fraude qui avait perverti ses résultats, l’actuelle Assemblée offrira une piètre image d’une institution pour le moins inutile. Tout juste bonne à donner son estampille nécessaire aux décisions gouvernementales, quand Bouteflika daigne l’associer en plus. Le locataire du palais d’El-Mouradia, qui a toujours pris le plus grand soin d’éloigner le Parlement des «choses sérieuses», a fini par prendre habitude de recourir aux ordonnances pour tous les textes d’importance. Désormais, l’Assemblée de Abdelaziz Ziari n’aura même plus quelques interventions de députés de l’opposition à faire valoir pour sauver l’honneur. Le gel de la participation d’un parti comme le RCD «dénudera» et l’Assemblée et le pouvoir. Ses alliés aussi.

Kamel Amarni

Le RCD suspend ses activités parlementaires

Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a annoncé hier, via un communiqué de son groupe parlementaire, qu’il suspendait ses activités parlementaires. Une suspension dont le prolongement éventuel sera examiné lors de la prochaine session ordinaire du conseil national du parti, laquelle interviendra dans deux mois.

Sofiane Aït-Iflis – Alger (Le Soir) – C’est fait. Un acte joint à la parole. Le RCD suspend sa participation au Parlement. «Le RCD a décidé de suspendre ses activités parlementaires jusqu’à ce que les conditions d’une transmission fidèle des interventions des députés soient garanties», a informé, en effet, le groupe parlementaire du parti dans un communiqué rendu public hier après-midi. Il y a dans cette décision beaucoup d’audace politique, énormément de lucidité, après tout ce que les députés ont subi lors des manifestations publiques.

Insultés, réprimés, bastonnés, blessés et objet de tentatives d’assassinat, les députés ne pouvaient continuer à siéger au Parlement comme si de rien n’était. A plus forte raison encore lorsque leur immunité parlementaire est bafouée. Mais comment se traduira cette décision de suspension des activités parlementaires ? Le député Mohcine Belabes, également secrétaire national du parti à la communication et à l’organique, précise : «Dès ce jour, les parlementaires du parti s’abstiendront de participer aux travaux des commissions et aux plénières. En somme, ils ne participeront à aucune activité parlementaire.» Il reste le pourquoi de cette décision. M. Belabes explique qu’«il n’est plus possible d’accomplir les missions parlementaires.

L’Assemblée populaire nationale refuse toujours le débat parlementaire sur les véritables préoccupations des citoyens. Elle refuse encore toujours l’institution de commissions d’enquêtes parlementaires. De plus, l’Assemblée se prépare à des débats à huis clos autour du code communal et du code de wilaya, la télévision refusant de retransmettre les débats». Ajoutant : «Et, plus grave encore, l’immunité parlementaire est foulée aux pieds, puisque, aux multiples agressions dont ils sont victimes chaque samedi, les députés sont objet de tentatives d’assassinat, comme il était arrivé au député Saïd Sadi lors de la marche du samedi 5 mars à El- Madania.»

Notre interlocuteur a affirmé aussi que «c’est au conseil national du parti, qui se réunira en session ordinaire dans deux mois, de débattre des suites à donner à cette suspension d’activités parlementaires ». Le RCD, pour rappel, réclame, depuis bien avant qu’il ne se résout à cette décision, la dissolution des assemblées élues. Le parti, membre actif de la CNCD qui organise chaque samedi une marche populaire à Alger, a eu déjà à s’illustrer dans des positions du genre quand l’éthique politique l’exige. Lors du Printemps noir en 2001, le parti, pour dénoncer l’assassinat de jeunes en Kabylie par les gendarmes et la répression féroce opposée aux populations de la région, s’est retiré du gouvernement.

Réagir pour éviter le pire

Le parti estime aussi que la situation aujourd’hui recommande des audaces politiques. «Depuis le mois de janvier 2011, le pays a connu des émeutes ayant engendré des morts et de nombreux blessés. Des personnes désespérées se sont immolées, des manifestations pacifiques sont régulièrement réprimées et interdites, les médias publics ou inféodés au pouvoir s’adonnent en toute impunité au lynchage raciste et à la diffamation éhontée de l’opposition. Les parlementaires sont agressés par les services de sécurité et le 5 mars 2011, l’irréparable a failli se produire quand le président du RCD, également député, s’est vu asséner un coup de couteau devant des dizaines de policiers imperturbables.» Poursuivant que «cette tentative d’assassinat (ce n’est pas la première qui vise Saïd Sadi) pose une nouvelle donne politique dans le pays».

Logiquement, le RCD a dénoncé un Parlement resté indifférent pendant que des députés se faisaient agresser et, pis, subissaient des tentatives d’assassinat. «Le Parlement n’a ni vu ni entendu ces drames. Il continue à assumer son indignité en avalant les ordonnances les unes après les autres», notant, comme de nécessaire, que «la servilité traditionnelle du Parlement est désormais doublée d’une complicité active puisque c’est l’institution parlementaire elle-même qui demande à ne pas débattre des drames et périls qui pèsent sur l’Algérie».

Le RCD a fait œuvre utile en faisant remarquer que le pouvoir reproduit dangereusement les mêmes pratiques auxquelles il a recouru depuis les années 1980. «Il y a trente ans de cela, le même pouvoir accusait les mêmes acteurs d’être à la solde de la CIA et du SDECE et d’avoir brûlé le drapeau et le Coran pour essayer de discréditer le Printemps berbère. C’est ce printemps qui, brisant pour la première fois la peur, a induit les manifestations de Constantine et d’Oran en 1986, maillons des luttes qui ont mené à Octobre 1988. En 1980, le pouvoir a pu circonscrire les luttes démocratiques à la Kabylie. En 1988, il a pu détourner la colère du 5 Octobre pour réorganiser ses clientèles, relancer le système et polluer la scène politique et médiatique. Reproduire les œuvres en 2011 relève de l’aveuglement. En 2011, les revendications sociales et politiques s’expriment dans tout le pays et le contexte régional et international a connu des bouleversements que seul le DRS refuse de voir.»

S. A. I.

IL DISPOSE D’UN GROUPE PARLEMENTAIRE DE 15 DÉPUTÉS

Le FNA boycotte l’APN

Le FNA (Front national algérien) annonce la suspension de sa participation au Parlement. Dans un communiqué rendu public hier, le parti de Moussa Touati ne précise toutefois pas la nature de cette «suspension». S’agit-il d’un retrait définitif ?

Kamel Amarni – Alger (Le Soir) – «Le Front national algérien se trouve dans l’obligation de suspendre l’activité parlementaire de ses députés au niveau de l’Assemblée populaire nationale», lit-on exactement dans le communiqué. Lequel communiqué, rédigé sous la forme d’une lettre adressée au président des bureaux de wilaya, Moussa Touati motive cette décision par le fait «qu’en dépit de plusieurs interpellations, les autorités n’ont jamais daigné satisfaire aux revendications inhérentes à la place et au statut des représentants du peuple au sein des assemblées élues et à tous les niveaux». Or, regrettera encore Moussa Touati, «au lieu de rectifier cela, c’est le rôle et le rang du Parlement qui se sont nettement détériorés».

Avant de s’interroger : «A quoi sert un Parlement quand les textes les plus importants, dont la loi de finances complémentaire, sont promulgués par voie de décrets présidentiels, entre les deux sessions ? Cela, alors que l’Alliance présidentielle dispose, pourtant, d’une large majorité dans les deux chambres.»

Pour le président du FNA, cette position est par ailleurs dictée par le souci du parti de tenir compte «de la dignité du citoyen, de la place que doit occuper le Parlement ainsi que de la dignité du député lui-même. Ce dernier a vu son rôle se rétrécir au point d’être réduit à un simple salaire en contrepartie de lever sa main pour adopter des lois de troisième degré». Il convient de rappeler que le FNA dispose d’un groupe parlementaire de quinze députés au niveau de l’Assemblée populaire nationale. S’adressant aux présidents des bureaux de wilaya, Touati écrira par ailleurs que «ceci est la première étape dans notre combat pour la consécration de la volonté populaire.

Quant à la seconde étape, elle consistera en une lutte que nous mènerons pour que soit retiré le projet de loi sur la commune et la wilaya proposé au Parlement». Et de lancer cet appel : «Le Front national algérien invite l’ensemble des élus locaux à prendre part au sit-in de protestation pour faire tomber ce projet de loi préparé en dehors des cadres constitutionnels légaux.» Il ne précise, néanmoins, ni le lieu, ni la date retenus pour l’organisation de cette manifestation.

K. A.