L’Algérie est disposée à ouvrir les synagogues fermées pour des raisons de sécurité durant les années 1990, selon le ministre. Le nouveau ministre des Affaires religieuses et Wakfs, Mohamed Aïssa, réveille le démon des salafistes, pour qui la tolérance relève du kofr. Pour cette secte, une déclaration officielle rassurante sur les libertés religieuses est vite considérée comme une provocation impardonnable. Ainsi, tel a été le sort réservé aux propos de Mohamed Aïssa qui a essayé de «libérer» un espace public étouffé par le charlatanisme religieux des salafistes.
Ses déclarations sur la liberté de culte ne sont pas du goût des extrémistes. Depuis sa prise de fonction, ce ministre qui multiplie ses sorties a beaucoup «dérangé», notamment les salafistes, en premier lieu. La première provocation est sa confirmation qu’il n’était pas uniquement ministre de l’Islam, mais de toutes les religions. La dernière est son affirmation qu’il ne s’oppose pas aux lieux de culte des juifs et des chrétiens. Les salafistes sont allés jusqu’à menacer de descendre dans la rue pour protester contre ces déclarations.
Chikh Hamadache qui représente ce courant a dénoncé, hier, dans les colonnes d’un quotidien, les propos du ministre considérant que l’ouverture des synagogues en Algérie est une provocation aux Algériens, en plein mois de Ramadhan. Dans ses précédentes déclarations, le ministre des Affaires religieuses a indiqué que l’Algérie, qui compte une petite communauté juive discrète, est disposée à ouvrir les synagogues fermées dans les années 1990 pour des raisons de sécurité. Voilà ce qui «révolte» les salafistes, surtout que le ministre dit aussi qu’ observer le Ramadhan ou pas relève d’une liberté individuelle.
«Le plus dangereux est que le ministre provoque les sentiments de 40 millions de musulmans en plein Ramadhan», a soutenu Chikh Hamadache, qui s’improvise pour l’occasion comme porte- parole du peuple algérien. A vrai dire, les salafistes veulent exploiter ces déclarations officielles pour tenter de se redéployer sur le terrain qu’ils ont perdu, à force de terroriser l’esprit des citoyens. Ils ne manqueront certainement pas cette occasion pour s’agiter.
Mais, Chikh Hamadache qui profère des menaces contre toute ouverture des synagogues, oublie-t-il que la liberté de culte est un droit garanti par la Constitution algérienne? De ce fait, ce que le ministre a dit n’a rien d’extraordinaire, car ne faisant que réitérer des évidences, ô combien malmenées par les pratiques.
Avant-hier à Oran, en marge de sa visite du projet de complexe culturel islamique Abdelhamid Ibn Badis, le ministre a été contraint de revenir sur la question.
L’Algérie est un Etat souverain qui compte plusieurs langues et cultures et qui est ouvert et accepte l’Autre, expliquant que sa Constitution qui stipule que l’Islam est la religion de l’Etat, ne signifie pas la négation de l’Autre, a-t-il dit, rappelant que la Constitution autorise le non- musulman à pratiquer sa religion.
Concernant les lieux de culte des juifs, M.Mohamed Aïssa a indiqué qu’ils existaient durant les années 1990 et avaient été fermés pour des raisons sécuritaires, tout en adressant un message aux juifs algériens qui vivent encore dans le pays que l’Algérie n’est pas contre eux. «Un message qui ne dépasse pas ce contenu et qui n’a pas besoin d’interprétation», a-t-il averti.
Dans le même contexte, le ministre a fait savoir qu’il a eu une série de rencontres avec la communauté chrétienne, composée d’étudiants africains, collaborateurs et experts exerçant dans le pays. «L’Algérie collaborera avec eux et leur permettra de pratiquer leur religion, de même que les juifs, dans le cadre des lois de la République», a-t-il assuré, ajoutant qu’il a rencontré des représentants de toutes les religions présentes en Algérie.
Il a rappelé l’existence d’une loi, adoptée en 2006, qui réglemente les pratiques religieuses des non-musulmans, mais aussi les devoirs et les droits.
Il est, en effet, temps de sortir de ces débats stériles et de ces fausses polémiques pour sortir du Xe siècle dans lequel on est confiné. D’autant plus que, face à Dieu, la personne ne représente qu’elle-même. Elle n’est comptable que de ses propres actes et les actes des autres ne la regardent ni de près ni de loin. C’est l’Islam qui le dit.