Les décisions de Bouteflika n’ont pas affaibli la mobilisation populaire: La grande démonstration vendredi

Les décisions de Bouteflika n’ont pas affaibli la mobilisation populaire: La grande démonstration vendredi

Les annonces du Président ayant déjà été rejetées par la rue, le quatrième vendredi de manifestations sera inéluctablement un jour de grande mobilisation.

Les Algériens ont investi la rue trois vendredis de suite depuis le début des manifestations contre le cinquième mandat et pour le rejet du système, le

22 février dernier. Pendant trois semaines, la mobilisation est allée crescendo, enregistrant chaque jour une adhésion citoyenne colossale.

Les différentes corporations libérales, à l’exemple des avocats, ainsi que les syndicats autonomes et les associations ont rejoint progressivement la contestation. Devant cette dynamique révolutionnaire inédite, mais surtout pacifique, les premières tentatives d’empêcher les marches par l’intervention des services de l’ordre se sont avérées infructueuses.

Les intimidations des commis du système et la propagande des partis politiques et organisations satellites du pouvoir, quant au risque de voir l’Algérie sombrer dans des scénarios tragiques, ont été de peu d’effet, puisque les étudiants et les lycéens étaient retournés dans la rue.

Au deuxième vendredi, la mobilisation était encore plus impressionnante. Les médias publics et les chaînes TV offshore (privées), qui avaient passé sous silence ce à quoi le monde entier assistait avec émerveillement, ont fini par tendre leurs micros et tourner leurs caméras vers l’Algérie réelle, la rue. Les faits étaient là, et à défaut de pouvoir les cacher, les médias relais du pouvoir ont tenté de les pervertir sous l’injonction de maîtres censeurs révolus et complètement dépassés par les événements.

C’est alors que des journalistes de la télévision et de la radio publiques se rebellent et manifestent contre leur hiérarchie. Des démissions et des défections s’ensuivent dans les rédactions.

De son hôpital à Genève, Abdelaziz Bouteflika adresse un message à la nation, le 3 mars, par la voie de son nouveau directeur de campagne, Abdelghani Zaâlane, qui venait fraîchement de remplacer Abdelmalek Sellal, limogé dans des circonstances embarrassantes.

Le chef de l’État promet d’organiser une élection présidentielle anticipée et de convoquer une conférence nationale inclusive juste après sa reconduction pour un cinquième mandat. À peine son directeur de campagne déposait-il son dossier de candidature au Conseil constitutionnel, que des milliers d’Algériens ont investi la rue partout à travers le territoire national.

Quatre jours plus tard, les avocats du barreau d’Alger, appuyés par leurs confrères venus de plusieurs wilayas du centre du pays, marchent vers le siège du Conseil constitutionnel, à El-Biar, pour exiger l’invalidité de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika. Aussi, la constatation et la déclaration de la vacance du pouvoir conformément à l’article 102 de la Constitution. Le lendemain, vendredi 8 mars, l’Algérie offrait une démonstration de force. Des millions d’Algériens manifestaient en famille dans les quatre coins du pays.

Devant les images resplendissantes de femmes, d’enfants, de jeunes et de personnes âgées, fêtant le réveil d’un peuple empêché, 20 ans durant, d’expression, les porte-voix du pouvoir se sont tus. Le Président rentre au pays dimanche 10 mars. La mobilisation ne faiblit toujours pas. Les commerçants, les transporteurs et les travailleurs de plusieurs administrations publiques entrent en grève. Le lendemain lundi, il annonce le report de l’élection présidentielle et le retrait de sa candidature à un cinquième mandat.

Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, lui remet sa démission. Nourredine Bedoui, jusque-là ministre de l’Intérieur, le remplace à la tête du gouvernement, secondé par le revenant Ratmane Lamamra. Peine perdue encore. Dans la même soirée, les Algériens battent le pavé pour dire “Non à la prolongation du quatrième mandat”. Pareil le lendemain mardi, le peuple est sorti de nouveau dans la rue. Des magistrats rejoignent la mobilisation populaire, et les travailleurs d’entreprises publiques névralgiques, telles que Sonatrach et Sonelgaz, débrayent.

Hier, mercredi, les enseignants sortaient à leur tour dans la rue. Signe que les annonces du Président ont été catégoriquement rejetées et que le quatrième vendredi de manifestations sera inéluctablement un jour de grande mobilisation.

Mehdi Mehenni