Officiellement, moins de 4 millions de personnes vivent dans Alger et ses environs immédiats, mais à y voir de près, ce chiffre est loin de refléter la réalité d’une ville qui croule littéralement sous le poids de sa population.
C’est le cas aussi des autres centres urbains du pays où l’exode rural et la forte démographie ont provoqué une surpopulation dont on mesure aujourd’hui les dramatiques conséquences.
L’extension quelque peu anarchique des villes et villages au détriment des terres agricoles et le mitage de ces dernières par l’installation de quantités de bidonvilles ont rendu complexes les opérations destinées à atténuer la crise du logement.
L’Etat doit en effet lutter sur plusieurs fronts : attribuer des logements aux franges sociales méritantes, aux occupants du vieux bâti et aux citoyens qui vivent depuis des lustres dans les bidonvilles et, surtout, prévoir des programmes de logement pour l’ensemble des catégories sociales. Il est tenu par ailleurs d’encourager les initiatives qui contribuent à juguler la crise.
Cependant, le constat est sans appel : toutes les opérations engagées depuis les années 1970 n’ont pu remédier à la question.
La demande évolue de manière presque exponentielle alors que les capacités de réalisation demeurent faibles et cela, en dépit des sommes colossales injectées par l’Etat dans le secteur de la construction. Les nombreuses formules initiées par l’Etat n’ont pas donné la preuve de leur efficacité, et d’aucuns pensent qu’elles ne font qu’aggraver la spéculation et le délit d’initié.
Dans les forêts et sur les falaises
Face à l’impossibilité des pouvoirs publics à répondre à leur demande, les centaines de milliers de citoyens, victimes de la crise du logement, se voient contraints de recourir à tous les expédients pour se procurer un toit.
Corruption, trafic d’influence, népotisme, tous les moyens sont bons pour bénéficier d’un logement social, un logement LSP ou FNPOS, un terrain… pour ceux, évidemment, qui ont les moyens de leur politique. Pour le reste, le choix est restreint : construire un gourbi dans une EAC ou EAI, sur des terres domaniales, voire à l’intérieur des forêts et sur le domaine maritime.
Les exemples de ce genre sont légions dans le nord du pays, et l’Algérois en particulier. Des centaines d’habitations illicites ont vu le jour dans la majorité des exploitations agricoles étatiques des alentours d’Alger, des centaines de constructions ont été érigées le long des falaises de la côte de Tipaza.
Ces nouvelles constructions, conséquentes à une gestion approximative de la crise du logement, s’ajoutent aux affreux bidonvilles érigés à la périphérie immédiate des villes, qui ne cessent de grossir et qui ceinturent jusqu’à les étouffer l’ancien bâti colonial et les nouvelles zones urbaines d’habitat, comme c’est le cas à Skikda, Oran, Annaba et plusieurs autres centres urbains du Nord.
Exode rural : la paupérisation en cause
L’exode rural est un phénomène qui se pose en Algérie depuis les premières années de l’occupation coloniale. Les guerres, la famine, les politiques de dépossession ont entraîné un afflux massif de paysans vers les villes.
Depuis les années 1980, les chiffres officiels font état de l’exode de plus de 4 millions d’Algériens des campagnes vers les villes, peut-être davantage puisque, selon des statistiques fiables, ce sont désormais 70% des Algériens qui vivent dans les villes alors qu’ils n’étaient que 30% dans les années 1970 !
Les statistiques font remarquer également que depuis l’apparition du phénomène du terrorisme, plus d’un million et demi de ruraux ont quitté leurs villages et douars, et il est impossible aujourd’hui pour l’Etat d’opérer le flux inverse.
Bien au contraire, indiquent de nombreux sociologues, il faut s’attendre à un mouvement d’exode plus prononcé dans les années à venir si l’Etat ne rétablit pas les grands équilibres, en particulier en initiant une politique de répartition spatiale de la population avec l’option de peupler les vastes régions des hautes plaines, de la steppe et du Sud.
Les caves… et les toits en option
En attendant que soient mis en branle les recommandations du président Bouteflika sur l’indispensable orientation des investissements vers l’intérieur du pays, et dans son sillage, l’émergence de nouvelles villes, les Algériens qui n’ont pas les moyens financiers de s’offrir un logement n’ont d’autres moyens que de continuer à vivre dans la promiscuité des habitations familiales, louer à des prix prohibitifs chez le privé ou attendre indéfiniment un logement social ou LSP.
Sinon, il leur faudrait forcer la main au voisinage pour ériger des constructions sur les toitures des immeubles collectifs ou encore squatter les espaces communs, les caves en priorité. C’est ce qui se passe depuis plus d’une trentaine d’années à Alger sans que personne ne s’en inquiète.
Les promesses de régler ce problème n’ont jamais été suivies d’actions concrètes, encourageant des milliers d’autres squatters à occuper dans l’illégalité la plus totale des terrasses et des buanderies dans les plus beaux quartiers de la capitale.
Assurément, c’est une véritable bombe à retardement qui risque d’exploser d’un jour à l’autre si des mesures urgentes ne sont pas prises à temps. A commencer par une enquête sérieuse sur ce phénomène en situant les responsabilités des uns et des autres. Les autorités locales en priorité.
A. L.