Le premier Forum de l’énergie Algérie-UE rappelle les menaces qui pèsent sur l’avenir du secteur des hydrocarbures. Avec la remise en cause des contrats long terme par les compagnies européennes, Sonatrach risque de ne pas renouveler en 2019 ses principaux arrangements et donc de perdre d’importantes parts de marché sur le Vieux continent, au profit du gaz américain, égyptien ou qatari. Si ce scénario se produit, il faut dire bonjour à une baisse significative des revenus financiers de l’Algérie tirés des exportations d’hydrocarbures qui constituent le quasi-totalité de nos recettes en devises.
Face à ce grand danger, les autorités du secteur campent sur la même position : la défense des contrats long terme, alors que les contrats spot vont dans les prochaines années prédominer dans le marché européen du gaz. Cet entêtement risque de coûter cher au pays. Les principales compagnies clientes Eni, Engi (ex-Gaz de France), Gas Natural risquent de se détourner du gaz algérien considéré comme coûteux au profit des concurrents américain, qatari ou égyptien. Ces compagnies mettent ainsi la pression sur Sonatrach : ou elle adapte ses contrats à l’évolution du marché du gaz européen, ou elle risque le non-renouvellement de ses contrats. À moins que les pays producteurs via le forum des exportateurs de gaz puissent imposer ces arrangements long terme, quitte à les adapter, faisant valoir que la nouvelle évolution du marché gazier compromet les investissements long terme dans la chaîne gazière et donc entraîne une baisse de l’offre à long terme. Mais les pays producteurs étant actuellement divisés, il est peu probable dans le contexte actuel que ce scénario se produise.
Face à cet encerclement de ses concurrents sur le marché européen, l’Algérie doit réviser sa stratégie gazière. Impliquer les compagnies européennes dans l’amont pétro-gazier en leur cédant des actifs, en contrepartie de l’accès de Sonatrach au marché européen (distribution du gaz en France, en Italie et en Espagne) ciblant le client final, et participations de Sonatrach dans des centrales électriques sur le Vieux continent, préconisent des spécialistes pour assurer l’avenir du gaz algérien. La meilleure démarche face à cette nouvelle concurrence qui menace ses parts de marché. En dépit de toutes ces menaces, l’Algérie détient encore des cartes en main. L’avenir du secteur des hydrocarbures reste prometteur (voir les résultats des premières évaluations des ressources pétrole et gaz communiquées par Alnaft).
Mais ne nous leurrons pas ! Le positionnement de l’Algérie sur la scène énergétique internationale, le maintien de ses parts de marché dépendent non seulement des efforts internes (exploration, développement des gisements, appropriation des technologies d’amélioration des taux de récupération, de production dans des gisements compacts), mais aussi des progrès dans l’efficacité énergétique, l’adoption d’un modèle de consommation énergique plus rationnel et le développement des énergies renouvelables. Dans ce dernier domaine, des experts contestent la démarche adoptée par les autorités du secteur. Selon eux, la filière photovoltaïque privilégiée actuellement n’est pas compétitive en raison de la concurrence chinoise, celle du CSP est plus avantageuse. Mais il faudrait mobiliser d’autres sources de financement pour pouvoir réaliser ces installations. Cette question demande tout au moins l’ouverture d’un débat entre spécialistes et opérateurs du domaine afin de choisir la filière la plus avantageuse pour l’Algérie. L’économie d’une telle concertation aura sans doute des répercussions sur les délais de mise en œuvre du programme des énergies renouvelables, voire sur le coût des projets.