La place de la Résistance de Laghouat était, hier, noire de monde. Des jeunes chômeurs de Laghouat, soutenus par de nombreux activistes venus des quatre coins du pays, ont fait une nouvelle démonstration de force dans leur conflit ouvert avec le gouvernement pour s’imposer comme interlocuteurs incontournables.
Comme ce fut le cas pour la manifestation de Ouargla, les forces de sécurité sont restées en retrait, observant de loin le déroulement de cette manifestation pacifique. Les organisateurs ont commencé, dès les premières heures de la journée, à diffuser des chants patriotiques. Ils ont tenu à entamer leur meeting par l’hymne national, répétant, à qui veut les entendre, que l’unité nationale était une ligne rouge et que personne n’avait de leçons à leur donner en matière de patriotisme.
Le mouvement des chômeurs du Sud attise, cependant, tous les appétits et les tentations de le récupérer, ou du moins, prendre le train en marche, sont tellement grandes que beaucoup ont fait le déplacement d’Alger et d’ailleurs, pour se montrer lors de cette manifestation et tenter de faire passer leurs messages politiques. C’est le cas d’Abdelfattah Zeraoui, l’initiateur du projet de parti salafiste, qui est venu avec un grand renfort de militants et qui n’a pas arrêté d’animer des “halakate” au milieu de la place de la Résistance, durant toute la matinée. Les représentants des familles des disparus ont été visibles et bruyants aussi, allant même jusqu’à monter sur scène et entonner leurs slogans habituels. Les militants des droits de l’Homme, proches du FFS, notamment ceux de Ghardaïa, étaient très entreprenants au milieu des manifestants.
Ceci pour le décor. Quant au contenu, les manifestations semblent avoir bien huilé leur machine, scandant des slogans préparés à l’avance et qui deviennent, au fil des jours, le leitmotiv des chômeurs de tout le pays. “Jugez Chakib Khelil, ne jugez pas les pauvres chômeurs”, ou encore “Luttons, luttons, jusqu’à ce que les chômeurs trouvent un emploi” reviennent souvent, ponctués par des accusations portées, tantôt à l’encontre du Premier ministre accusé de menteur, tantôt contre l’administration et les élus locaux.
Le mouvement des chômeurs, qui devrait tenir d’autres manifestations à travers les autres wilayas du Sud, est en train de gagner du terrain, de s’imposer, y compris contre le gré des responsables locaux qui, il n’y a pas si longtemps, répondaient par les emprisonnements et l’interdiction de toute manifestation publique. Autres temps, autres mœurs. Les forces de sécurité n’interviennent plus et se contentent d’observer de loin. “Il y a quelques mois seulement, si quatre écoliers exprimaient haut leur colère, on les embarquait à Laghouat”, ironise un représentant des chômeurs.
La manifestation de Laghouat s’est déroulée dans le calme et s’est terminée sans le moindre incident. Le gouvernement, qui a pris une batterie de mesures d’urgence en faveur des chômeurs du Sud, semble chercher à éviter le pourrissement. Les réponses apportées par le gouvernement Sellal ne semblent pas avoir calmé la colère des chômeurs qui veulent, désormais, être des interlocuteurs du pouvoir et qui utilisent la rue comme moyen de pression. Dans ce dialogue de sourds, les tentations de récupération politicienne sont grandes, tellement grandes qu’il y a un risque de voir le mouvement prendre une autre tournure.
A. B