En accompagnant la délégation de la JSK lors de son escale à Casablanca en provenance de Nouakchott, nous avons profité de l’occasion pour faire une petite virée au centre-ville.
Notre mission était de recueillir quelques impressions de Casablancais sur le match Algérie-Maroc du 27 mars dernier à Annaba, mais aussi sur le match retour, prévu dans la même ville, entre les 3 et 5 juin prochain. Du plus grand boulevard de Casablanca, Lala Yakoute, au marché Bab Marrakech, en passant par la placette des Pigeons, les Casablancais nous ont tous cité les mots fête, fair-play et fraternité.
Au-delà de l’enjeu important, les Marocains nous ont donné l’impression d’être conscients de l’impact que peut avoir ce match sur les relations entre les deux peuples. La mésaventure du 12 novembre 2009 n’est décidément pas gravée uniquement dans la mémoire des Algériens, puisque même aujourd’hui, les Marocains en parlent encore. Sachant qu’elles avaient affaire à des journalistes algériens, les personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus ont insisté pour faire passer un message important aux Algériens, en les rassurant que Casablanca n’est pas Le Caire, et qu’ils seront les bienvenus en juin prochain, pour assister à une grande fête du football magrébin.
Ils insistent sur la fraternité entre les deux peuples
Pris par la passion du football, les Casablancais que nous avons sollicités ont entamé la discussion sur le match d’Annaba. Mais aussitôt, la discussion s’éloigna rapidement du contexte football pour aborder la fraternité qui existe et qui doit durer entre les deux peuples qui partagent les traditions. Ils estiment qu’une rencontre de football ne doit pas sortir de son contexte. De plus, la défaite du match aller a semé un tant soit peu le doute chez les supporters marocains en question et a surtout diminué la motivation du peuple en prévision du match retour. Ce qui est certain, c’est que cette tournée de quelques heures dans le royaume chérifien a été suffisante pour avoir la certitude que les Algériens sont les bienvenus le 3 juin pour un match, certes, important, mais qui gardera toutes ses limites.
Le penalty, et après !
En évoquant le match aller, les Casablancais ont fait leur analyse. Sachant que leur équipe était sous pression à Annaba dans un stade archicomble, ils estiment que les camarades de Marouane Chamakh ont raté leur début de rencontre. «Le premier but encaissé en début de partie a remis en question les joueurs qui ont eu beaucoup de mal à retrouver leur jeu», nous dira Mounir, un banquier. Mais contrairement à ce qui a été dit et publié après le match par certains médias marocains, les Casablancais n’ont rien trouvé à redire sur l’action du penalty, estimant qu’il y avait bel et bien main, et que le penalty est tout à fait valable. De plus, ils sont unanimes à dire que leur équipe était impuissante, du moment qu’il restait plus de 86’ de jeu pour revenir au score.
Gerets sévèrement critiqué
Après avoir critiqué l’arbitre de la rencontre, estimant qu’il a aidé l’Algérie sur certaines actions de jeu, notamment celle de Chamakh en seconde période qui réclamait un penalty, le quartier casablancais a clairement critiqué les choix tactiques du sélectionneur. Toujours sous le coup de la déception, ils estiment que Gerets a commis des erreurs de coaching face à une équipe algérienne qui ne crache pas le feu à trois journées des éliminatoires. Il faudrait dire que la presse locale, qui, elle aussi, a été très virulente à l’égard du Belge, a certainement influencé l’avis du peuple marocain.
«Beaucoup de bons éléments ont été laissés injustement sur le banc»
Parmi les critiques, nombreuses sont celles qui remettent en cause les choix tactiques de l’entraîneur ainsi que le onze de départ qui a affronté l’Algérie. Parmi les gens interviewés, l’un d’eux nous dira : «Ce que je trouve anormal, c’est que plusieurs joueurs susceptibles d’apporter un grand plus ont été laissés sur le banc. C’est injuste de la part de Gerets. Moi, personnellement, je lui impute plus de 60 % de responsabilité dans cette défaite.» Bien évidemment, l’avis des Casablancais sur le onze rentrant diffère quelque peu, mais la plupart d’entre eux n’ont pas hésité à tirer à boulets rouges sur le sélectionneur.
Chamakh non convaincant à leurs yeux
Décidément, Gerets n’est apparemment pas le seul à être sévèrement critiqué par la rue marocaine, puisque même l’attaquant d’Arsenal, Marouane Chamakh, n’a pas été épargné. Malgré sa bonne prestation, notamment en seconde période, l’attaquant vedette des Lions de l’Atlas n’a pas réussi à convaincre. Les Casablancais n’arrivent pas comprendre le fait que leur attaquant soit moins efficace en sélection qu’avec son club, malgré les bonnes individualités qui existent. Ils s’attendant toutefois à un retour en force de Chamakh d’ici le match retour, tout en sachant que tout repose sur lui dans le compartiment offensif.
Ils sont optimistes pour le match retour
En évoquant le match retour, il n’y a pas un seul Casablancais pour prédire la défaite des Lions de l’Atlas. L’ensemble des personnes interrogées pronostiquent une victoire d’un, voire deux buts à zéro. Ce qui nous amène à conclure que la rue marocaine est très optimiste pour le mois de juin prochain. Avec 4 points chacun, les Casablancais estiment que la 1re place est possible, en affirmant que la sélection algérienne n’est pas aussi efficace que lors des éliminatoires du Mondial sud-africain. Ce qui est toutefois certain, c’est que les Marocains, en particulier les Casablancais, sont d’ores et déjà branchés sur la première semaine du mois de juin, avec pour seul but de prendre une sacrée revanche en terre chérifienne.
Reportage réalisé à Casablanca
Bensouda Lotfi, 42 ans (responsable d’agence de voyages) : «A Casa, vous serez comme à Annaba»
«Nous étions vraiment très optimistes pour revenir avec au moins 1 point. Mais après avoir vu le match, il nous était quasiment impossible de gagner avec cet arbitrage scandaleux. Maintenant, les joueurs doivent se secouer au match retour, car on n’acceptera plus un autre faux pas. Je souhaite toutefois que tout se passe dans la plus grande amitié qui soit avec nos frères algériens. N’ayez crainte, vous serez très bien reçus à Casablanca. Vous ne sentirez pas la différence avec Annaba. Ici, c’est chez vous.»
Naïm, 34 ans (buraliste) : «On sera comme des frères dans les gradins, mais on ne vous fera aucun cadeau sur le terrain»
«Maroc-Algérie ne sera jamais comme Egypte-Algérie. Nous sommes un peuple complètement différent des Egyptiens. Nous n’avons pas leur arrogance. On sait qu’on affrontera une grande équipe d’Algérie qui a gagné au match aller. Ce sera difficile, mais pas impossible pour notre sélection. L’enjeu ne doit pas l’emporter sur les relations entre les deux peuples. Je reste toutefois optimiste car notre sélection joue mieux à domicile qu’à l’extérieur. On sera comme des frères dans les gradins, mais on ne vous fera aucun cadeau sur le terrain.»
Lynda, 27 ans (vendeuse) : «Que le meilleur l’emporte !»
«Sur le match aller, je pense que l’arbitre a une grande responsabilité dans notre défaite. Il vous a beaucoup aidés. Il y avait penalty en seconde période après que Chamakh a été poussé dans la surface de réparation. Comme ce fut le cas en Algérie, ici, les femmes suivent de près le football, notamment lorsqu’il s’agit de la sélection. Pour le match retour, que le meilleur gagne ! Néanmoins je souhaite que le Maroc l’emporte.»
Khalil, 24 ans (chômeur) : «On gagnera haut la main au retour»
«Je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent que l’Algérie nous a été supérieure. Nous avons bien joué en seconde mi-temps. Le match nul aurait été plus équitable. Mais je ne doute pas un seul instant que le Maroc l’emporte au match retour. On gagnera haut la main. Mais il ne faut surtout pas oublier que nous formons un seul peuple. Il n’y a pas de différence entre nous, si ce n’est la frontière. Vous serez très bien accueillis à Casablanca, la ville du football. Que le fair-play soit au rendez-vous, car un match c’est 90’, tandis que la fraternité, c’est pour la vie !»