Les bulletins météo spéciaux, des cauchemars pour Naftal et Sonelgaz

Les bulletins météo spéciaux, des cauchemars pour Naftal et Sonelgaz

L’hiver est un calvaire pour deux grandes compagnies algériennes, Sonatrach et Naftal. Malgré des fonds quasi-illimités, et des facilités exceptionnelles, les deux entreprises n’arrivent pas à assurer un service de qualité. En cause, un manque d’anticipation quand il était encore temps, une gestion approximative, et une organisation inadaptée aux grandes crises. Pour 2013, l’effort pour éviter un remake de février 2012 est visible. Mais le succès n’est pas garanti.

Naftal et Sonelgaz ont pris leurs précautions, mais l’hiver est clairement un cauchemar pour les deux entreprises. Vent violent, tempête, pluies abondantes, chute de neige, tout caprice de la météo signifie des nuits sans sommeil pour les dirigeants des deux compagnies. Chaque BMS (bulletin météo spécial) émis par les services de la météo leur impose de longues nuits de veille et des programmes spéciaux conçus dans la hâte pour parer au plus pressé.

Depuis l’épisode neigeux de février 2012, quand des villages entiers s’étaient retrouvés isolés, sans électricité ni gaz pendant plusieurs jours, ce type de situation constitue une vraie hantise pour les deux compagnies. Elles redoutent de ne pouvoir faire face à une nouvelle crise, en raison d’un fonctionnement approximatif, de capacités limitées, et d’un temps de réponse inadapté aux crises. Leurs structures sont si fragiles, si sclérosées, qu’elles peuvent s’effondrer à n’importe quel moment. Et malgré des financements quasi illimités, elles ne sont pas en mesure d’offrir une assurance tous risques.

Pour l’heure, elles tentent d’abord de rassurer, en médiatisant les mesures prises pour anticiper toute nouvelle crise. Sonelgaz, sollicitée en hiver comme en été, et accusée d’avoir clairement sous-estimé l’explosion de la consommation, multiplie les annonces. Nouvelles centrales, notamment dans les régions les plus vulnérables, comme le sud-est, investissements faramineux, devant atteindre les 60 milliards de dollars à l’horizon 2020, tout est mis en scène pour effacer le mauvais souvenir de février 2012.

Mais l’inquiétude pointe. Vendredi 1er février et dimanche 3, les vents violents ont provoqué des coupures de courant dans d’innombrables villes d’Algérie, y compris Alger, supposée être la mieux gérée du pays. Dans certains quartiers, plusieurs coupures d’une heure chacune ont été enregistrées. Et ce n’est pas fini. Le réseau est tellement mal en point que les travaux de rénovation n’en finissent pas, qu’il s’agisse de gaz ou d’électricité. Ainsi, l’entreprise a annoncé des perturbations dans l’alimentation en gaz de ville qui vont durer quatre jours, du 6 au 9 février, dans une vingtaine de localités des wilayas de Tizi-Ouzou et Bouira, en raison de travaux de rénovation sur un gazoduc. Mais rassurez-vous, dit Sonelgaz à ses clients : pour la wilaya de Tizi-Ouzou, un budget de 1.08 milliards de dinars est disponible pour la seule année 2013.

Le PDG de Sonelgaz, M. Noureddine Bouterfa, multiplie de son côté les interventions pour tenter de faire oublier le manque d’anticipation qui a mené la compagnie au bord de la rupture.  Il est en effet très difficile à Sonelgaz de rattraper l’insuffisance des investissements du milieu de la précédente décennie. Et ce n’est pas aujourd’hui, alors que consommation connait une augmentation à deux chiffres, qu’il pourra combler le retard. Alors, il tente de rassurer, en annonçant, par exemple, un programme spécial pour l’été 2013 à Alger, avec des installations dans certains coins de la capitale pour parer à toute défaillance.

Un peu de bon sens

Même son de cloche chez le PDG de Naftal, M. Saïd Akrèche, qui passe son temps à rassurer : il n’y aura pas pénurie de gaz, même en cas d’épisode neigeux similaire à celui de février 2012, a-t-il dit dimanche. Promis, juré, Naftal a pris toutes les précautions. « Les choses se passent bien. Aucune crise » en vue, a-t-il déclaré dimanche.

En quoi consistent les mesures prises ? De la prévention, de la communication et de la sensibilisation. Avec une petite dose de bons sens. Les utilisateurs de gaz bouteilles ont été invités à constituer leur stock avant l’hiver et ses rigueurs. Cela évite le rush en cas de vague de grand froid. L’appel de Naftal a été entendu, selon M. Akrèche, qui parle d’une augmentation de la production, qui est arrivée jusqu’à 420.000 bouteilles par jour, contre 350.000 en période normale.

Les municipalités et les comités de village ont été mis à contribution pour constituer des stocks de sécurité. Naftal a mobilisé ses propres travailleurs pour aider les municipalités qui n’en avaient pas les moyens, selon M. Akrèche. Celles-ci ont été invitées à fournir un terrain ou un local adéquat pour le stockage, ou éventuellement pour équiper des petits centres enfuteurs fabriqués localement. Dix sont déjà opérationnels. Ils peuvent tenir deux ou trois jours en cas de crise. De nombreuses wilayas sont concernées, comme Tizi-Ouzou, Médéa, Jijel, Bejaïa, Tissemsilt, Batna et Tipaza.

Un peu de bon sens aussi : les gros consommateurs de gaz, comme les éleveurs de poulets, ont été invités à se convertir au propane. Naftal fournit les installations, pour peu que les conditions sécuritaires soient réunies. Un éleveur peur consommer jusqu’à 1.500 bouteilles par mois. De quoi alimenter un hameau s’il se convertit au propane.

Mais Naftal doit aussi subir des situations qui la dépassent. C’est le cas pour les carburants. M. Akrèche reconnaît que l’entreprise dispose d’un stock de deux semaines de consommation seulement. C’est dérisoire. Lui-même affirme qu’il faut le porter à un mois. Mais là encore il veut rassurer. C’est une situation passagère, car les raffineries sont en maintenance, et doivent subir également des travaux de modernisation. Quand ces travaux auront pris fin, en 2014, les capacités de production auront augmenté de 30%, dit-il. En attendant, l’Algérie continue d’importer des carburants, ainsi que des huiles. L’unité d’Arzew, qui produisait des huiles est en rénovation. Mais ce n’est qu’un prétexte qui cache la forêt du manque d’anticipation : M. Akrèche reconnait que les importations sont supérieures au volume de production en période normale.