Un vent de piraterie se serait emparé du petit port de Zemmouri El Bahri, ces joursci. Le butin de cet abordage s’élève à une pelle géante servant au dragage de ports et de barrages.
L’affaire est révélée par une simple lettre ouverte publiée sur les colonnes d’un confrère et qui aurait servie de porte-voix à une centaine d’ouvriers criant leur désarroi et s’inquiétant de l’avenir de leur entreprise, prise d’assaut. Une saisie de matériel et sa vente en sont la cause principale.
L’unique entreprise publique spécialisée dans le dragage maritime est, depuis le 5 décembre à l’arrêt suite à une vieille affaire qui aurait « dégénéré », aux dires du directeur de cette entreprise. Les raisons sont simples. Il s’agit d’un différend de 04 millions de dinars restés en litige sur une ardoise de 24 millions de dinars que devrait Aldiph à un intervenant privé spécialisé dans le transport de matériaux de carrière.
Ce dernier exigeait de l’entreprise le montant de 24 millions de dinars pour la facturation d’opérations. Sur les registres comptables d’Aldiph figurait à peine une dette de 20 millions de dinars. Les quatre millions de dinars en litige suffiront à déclencher le courroux de l’entrepreneur qui s’adressera à la justice qui statuera en sa faveur.
Ce dernier, fort de sa décision de justice procédera, par le biais d’un huissier, à la saisie et à la vente aux enchères du seul et stratégique engin dont dispose cette entreprise, une pelle géante de 127 tonnes montée sur une plate forme de 500 m2 et coûtant quelque 120 millions de dinars.
Une vente ne serait enregistrée auprès de la justice et qui pénalise la centaine de travailleurs, hypothéquant l’avenir de cette entreprise. M. Chaâbane, directeur de cette entreprise trouve, d’ailleurs, cette décision » irresponsable » et considère la » vente entachée d’irrégularités « .
Cette pelle géante non encore amortie a été acquise par le biais d’une banque publique sous le régime de l’Andi, donc protégée par une incessibilité et insaisissable. Elle serait la seule à opérer en Algérie et réalise des dragages de petits ports et de barrages. Il est bon de savoir qu’à défaut de recourir à des étrangers elle reste incontournable.
Une opération de dragage coûte un peu plus de 180 millions de dinars. L’entreprise, qui a essayé de s’opposer à cette vente, a dû recourir en un jugement par référé pour empêcher que la saisie et la vente de son matériel se réalise.
Le 02 décembre Aldiph entreprend d’introduire une action en référé et avise l’huissier de la partie adverse de surseoir à la saisie et de faire cesser la procédure de vente aux enchères. Ce dernier, qui, selon le directeur, ferait fi de cette évolution, procédera à l’exécution du jugement en se présentant le 5 décembre secondé par les agents de la force publique.
Devant la difficulté à transporter l’engin, l’on s’est arrangé pour l’immobiliser en lui ôtant certains organes, le mettant hors d’usage. Ce qui » mettra cette pelle face à un risque en cas de tempête » déplorera M. Châabane. Mais, au-delà de la simple exécution d’une décision de justice, il y a lieu, cependant, de s’interroger sur le devenir de cette entreprise et de la centaine de travailleurs qui risquent de connaître un mauvais sort.
A qui profitera donc cette saisie-vente ? Pas à l’entreprise publique, en tout cas et encore moins à un outil de réalisation, ni au savoirfaire dont on a tant besoin. Que se passerait-il donc si tous les justiciables qui ont eu maille avec des entreprises publiques et ayant obtenu gain de cause auprès de la justice venaient tous à saisir et vendre les biens publics ?
Azzedine Belferag