Vaincus dans les urnes, les partis islamistes «modérés» menacent de contester le pouvoir dans la rue.
En être ou pas? Face à un pouvoir qui contrôle les élections, telle est la question fondamentale posée à tout citoyen et à laquelle doivent répondre à chaque scrutin les différents partis, laïques ou islamiques, composant l’opposition algérienne. Du côté des «barbus», un appel au boycott des législatives du 10 mai dernier avait été lancé par Ali Belhadj, l’un des fondateurs du FIS, la formation dissoute au déclenchement de la guerre civile des années 1990. C’est au tour des partis islamistes «modérés», piégés par des élections qu’ils ont perdues en ne recueillant à eux tous que 59 des 462 sièges en jeu, de maintenant s’interroger sur l’opportunité de leur participation au gouvernement, voire de leur présence au Parlement.
Abdallah Djaballah, le président fondateur du parti islamiste Front de la justice et du développement (FJD), vient le premier de retrouver l’arme du boycott. «Ces élections sont une mascarade» et «constituent une agression contre la volonté du peuple», affirme-t-il à l’AFP. Il accuse ainsi le pouvoir d’avoir «fermé la porte du changement à travers les urnes», en ne laissant «à ceux qui croient au changement que le choix tunisien», c’est-à-dire celui de la rue.
Abdallah Djaballah se tourne tout naturellement vers les islamistes de l’Alliance de l’Algérie verte (AAV), qui réunit le Mouvement de la société et la paix (MSP), et deux petits partis qu’il avait lui-même créés avant de les quitter, al-Islah et Ennahda. Comme lui, plusieurs dirigeants de l’Alliance de l’Algérie verte assurent que «le Printemps algérien par les urnes a été reporté». Quant au Front du changement (FC), autre formation islamiste «modérée», il juge pareillement que «l’Algérie avait raté l’occasion d’un changement pacifique» lors de ces législatives.
Le scandale de l’autoroute
«Nous sommes en pourparlers avec les différents partis qui refusent ces élections pour adopter une position commune», indique Abdallah Djaballah à l’AFP, qui ajoute: «Si ces partis décident de se retirer du Parlement, le FJD sera à leur tête.» Cette dernière précision trahit les arrière-pensées politiciennes d’Abdallah Djaballah et révèle la difficulté de l’entreprise.
Depuis sa réconciliation avec la mouvance islamiste à l’issue d’une guerre qui fit quelque 200 000 morts et qui demeure dans tous les esprits, le pouvoir algérien est parvenu à attirer à lui les plus «modérés». Le MSP, parti pivot de l’Alliance pour l’Algérie verte a plusieurs fois participé au gouvernement depuis 1996 et faisait même partie de l’alliance présidentielle d’Abdelaziz Bouteflika jusqu’à la veille de ces législatives. Tête de liste du MSP sur Alger, Amar Ghoul a bien profité de sa charge de ministre des Travaux publics, au point d’être englué dans le gigantesque scandale de corruption ayant jalonné le tracé de l’autoroute est-ouest.
Certes Abdallah Djaballah a toujours gardé ses distances avec le pouvoir. Mais sa «radicalité» s’est émoussée lorsqu’il a participé à ces législatives que nombre d’islamistes «purs et durs» ont boycottées.