Les banques algériennes de nouveau sous pression

Les banques algériennes de nouveau sous pression

M. Abdelmalek Sellal voulait s’informer de l’état de l’entreprise algérienne. Il a eu droit aux récriminations traditionnelles des entreprises contre les banques. Pour parer au plus pressé, le Premier ministre a annoncé des mesures destinées à faciliter le fonctionnement des banques. Des mesures sans impact sur le fonctionnement de l’économie algérienne.

Les banques algériennes sont de nouveau sous pression. A défaut d’une analyse lucide de l’impasse dans laquelle végète l’économie algérienne, le système financier est devenu un bouc-émissaire qui concentre toutes les critiques. Le premier ministre Abdelmalek Sellal et le ministre des finances Karim Djoudi ont ainsi, de nouveau, déploré l’inefficacité du système bancaire, en écho aux récriminations des chefs d’entreprise. Ces attaques répétées ne vont pas pour autant jusqu’à proposer des alternatives viables pour permettre aux banques de jouer un rôle moteur dans la croissance de l’économie algérienne.



Intervenant au cours de la rencontre tripartie regroupant entre gouvernement, patronat et syndicat algériens, tenue en fin de semaine, M. Sellal a plaidé pour une plus grande fluidité dans la gestion bancaire en vue de mieux répondre aux besoins de l’économie. Il a ainsi annoncé que le gouvernement a chargé les partenaires du secteur «de proposer, mais surtout de mettre en œuvre immédiatement des facilitations en termes d’octroi de crédits et de gestion bancaire quotidienne».

La Banque d’Algérie doit procéder «immédiatement» à «l’élaboration d’un nouveau règlement, qui définisse la manière de rendre fluide le système bancaire algérien», a déclaré M. Sellal. «Les tracasseries rencontrées par les citoyens qui veulent déposer leur argent dans les banques ou ceux qui veulent en emprunter, comme les questionnements relatifs à l’origine et à la destination de l’argent, doivent absolument disparaître», a-t-il dit. Pour M. Sellal, le contrôle et la lutte contre le blanchiment d’argent doivent se poursuivre, mais ce «n’est pas le rôle de la banque».

Mettant de côté l’indépendance supposée de la Banque Centrale, M. Sellal a ainsi cédé à un discours véhiculé par le patronat algérien, selon lequel les banques «ne jouent pas le jeu». Il a été aussitôt relayé par le gouverneur de la Banque d’Algérie, Mohamed Laksaci, qui a lui aussi mis de côté l’indépendance de l’institution qu’il dirige, pour endosser un rôle qui n’est pas le sien, celui d’engager des «réformes» attendues dans le secteur.

CONFUSION

Avec l’ABEF (Association des Banques et Etablissements financiers) et le ministère des finances, la Banque d’Algérie a été chargée, dans le cadre d’un groupe de travail, de mener à terme un projet en trois volets, pour faciliter l’ouverture des comptes bancaires, impulser des moyens modernes de paiement et la densifier le réseau bancaire.

Ces mesures sont destinées à surmonter la faible participation des banques au développement de l’économie algérienne. M. Sellal a lui-même déploré la faible croissance de l’économie algérienne qui devrait, selon le FMI, enregistrer une croissance de 2.6% en 2012 et 3.4% en 2013, malgré la disponibilité des financements et l’existence d’un marché intérieur important.

Mais les mesures annoncées ne devraient guère avoir d’effet. Des décisions similaires ont été prises au cours de rencontres antérieures, sous différents gouvernements, sans jamais donner de résultats probants, car elles limitent à des mesures techniques alors que c’est l’ensemble du processus d’investissement qui est en panne. M. Sellal semble ainsi s’orienter, comme ses prédécesseurs, vers des mesures symboliques sans impact réel sur l’activité économique.

D’autre part, cette confusion s’accompagne de mesures contradictoires, y compris des restrictions, imposées par le gouvernement lui-même. Ainsi, M. Karim Djoudi, ministre des finances, a déclaré en marge de cette même rencontre tripartite, qu’il ne souhaitait pas que de nouvelles banques privées soient agréées. Toutes les banques privées algériennes ont été mises en faillite, dont la célèbre banque Khalifa, qui avait donné lieu à un immense scandale. Pour justifier cette décision, M. Djoudi a évoqué un problème «au niveau de l’organisation et la gestion des banques», et un souci d’une meilleure transparence.

L’agrément de nouvelles banques est du ressort de la Banque d’Algérie, selon la loi sur la monnaie et le crédit. La méfiance envers les banques privées algériennes a abouti à un partage du marché financier algérien entre des banques publiques gérées de manière bureaucratique et opaque, et des banques étrangères, européennes ou provenant des pays du Golfe, qui étoffent considérablement leurs réseaux.

LE PATRONAT, GRAND BENEFICIAIRE

Quant au secrétaire général de l’UGTA, M. Abdelmadjid Sidi-Saïd, il a affirmé son opposition au rétablissement du crédit à la consommation, estimant qu’il encourage la consommation de produits importés, en l’absence d’une production algérienne suffisante. Pour lui, le gouvernement doit privilégier les seuls crédits à la production. Par sa position, M. Sidi Saïd accentue la confusion, en transformant son syndicat en centre de décision en mesure d’influer sur les choix en matière d’organisation du système bancaire.

Le crédit à la consommation, qui a notamment fait exploser les achats de véhicules en Algérie, a été purement et simplement interdit par le gouvernement de M. Ahmed Ouyahia, qui a ainsi supprimé tout un pan de l’activité bancaire qui commençait à prospérer. Le crédit à la consommation profite en outre essentiellement aux travailleurs, la plupart des établissements bancaires exigeant un salaire pour accorder les prêts.

Grands bénéficiaires de cette situation, les organisations patronales se sont félicitées de la disponibilité du gouvernement. Seul problème pour elles : les mesures prises, notamment pour effacer les dettes bancaires et fiscales, «mettre à niveau les entreprises», c’est-à-dire leur fournir des fonds sans contrepartie, sont appliquées avec une certaine lenteur. Boualem Merakech, président de la confédération algérienne du patronat, a ainsi demandé du «réel, concret».

Malgré ces retards, les entreprises ont bénéficié, selon le ministre des finances, de 127 milliards de dinars de rééchelonnement de dettes bancaires (1.8 milliards de dollars), alors que 35 milliards de dinars (500 millions de dollars) d’agios ont été effacés.