Depuis quelques jours, des partis politiques, des organisations nationales et des associations issues de la société civile font entendre clairement leurs voix soit pour manifester leur opposition à la visite du président français dans notre pays, ou pour exprimer leur volonté de voir se développer les relations bilatérales. Le tout sur fond d’excuses officielles pour les crimes commis durant la colonisation.
J amais la visite en Algérie d’un président français n’a autant déchaîné les passions et les polémiques comme celle que va effectuer ce mardi François Hollande.
Depuis quelques jours, des partis politiques, des organisations nationales et des associations issues de la société civile font entendre clairement leurs voix soit pour manifester leur opposition à cette visite ou pour exprimer leur volonté de voir se développer les relations bilatérales. Le tout sur fond d’excuses officielles pour les crimes commis durant la colonisation.
Mais cela n’a jamais ébranlé les convictions de l’Etat algérien qui garde un silence forcé, voulant sans le dire clairement que cette visite d’un chef d’Etat étranger entre, en toute logique, dans le cadre des échanges bilatéraux que tout Etat souverain a le droit de mettre en oeuvre. Cette visite est pourtant suivie avec autant d’intérêt que d’impatience par les observateurs de la scène politique.
La première visite depuis l’indépendance d’un président français en Algérie a eu lieu en 1981 quand François Mitterrand, un socialiste tout comme Hollande, a rendu visite à l’Algérie sous Chadli Bendjedid. Cette première visite d’un président français vingt ans après l’indépendance n’a pas fait curieusement de vagues ou déclenché une campagne hostile.
Il est vrai qu’à l’époque la presse était muselée tout comme il n’existait pas encore de pluralisme politique, comme aujourd’hui. La seconde visite fut celle de Jacques Chirac qui intervint à un moment tragique, celui des inondations de Bab El-Oued en 2001. Là encore, cette visite-surprise ne déclencha aucune animosité. L’ancien président français a même fait un bain de foule en compagnie du président Bouteflika.
La troisième visite, celle de Nicolas Sarkozy en 2007, a connu une certaine agitation puisque les anciens moudjahidine étaient divisés à l’époque. Dans une lettre adressée au président français, la Fédération du FLN en France s’est démarquée des positions défendues par le secrétaire général de l’ONM, Saïd Abadou et le ministre des Moudjahidine, Mohamed-Chérif Abbas.
Dans leur texte, les moudjahidine de France ne font aucune référence à la repentance. «Notre association vous soutient sans réserve dans le combat que vous menez contre les tenants de l’antisémitisme, l’islamophobie, et toutes les formes de racisme», poursuit l’association dans son courrier adressé à Nicolas Sarkozy.
Cette déclaration vient contredire celle du secrétaire général de l’ONM, Mohamed Saïd Abadou, qui affirmait en effet qu’en tant qu’Organisation nationale des moudjahidine, «nous disons que Sarkozy n’est pas le bienvenu en Algérie […] et nous ne tournerons pas la page avec la France avant d’avoir reçu des excuses […].
Ils [es Français, ndlr] ne veulent pas reconnaître les crimes commis contre notre peuple […]. La société civile en France est innocente mais nous parlons du gouvernement, de l’Etat et du Parlement français». Aujourd’hui, et avec la venue de François Hollande, c’est pratiquement des segments entiers de la population qui se manifestent pour montrer leur désapprobation ou leur boycott.
Le mouvement El- Islah est le premier parti à décider de boycotter le discours que prononcera jeudi devant le Parlement (APN et Sénat) le président français, François Hollande. De leur côté, quatorze partis politiques dont les islamistes de l’Alliance de l’Algérie verte (MSP, El-Islah et Ennahda), le FNA, le FAN, le RPR, et El- Fajr El-Djadid, ont rédigé un communiqué dans lequel ils exigent du président Hollande qu’il fasse un geste «ne seraitce que personnel», par rapport aux crimes coloniaux.
Ces partis rappellent au gouvernement qu’il est tenu d’être «digne» des martyrs de la Révolution, même si cela ne plairait pas à l’hôte de l’Algérie.
Les signataires dénoncent, en effet, «la politique de fuite en avant appliquée par la France au sujet des crimes contre l’humanité commis en Algérie pendant la période coloniale».
Ils estiment que «toute tentative visant à promouvoir les relations bilatérales algéro-françaises doit passer inéluctablement par la reconnaissance de ces crimes et par la repentance». Et d’ajouter que si ces deux conditions ne sont pas satisfaites, «tout contrat ou accord conclu lors de la visite n’engagerait que ses signataires».
Enfin, l’Académie de la société civile algérienne en France, que préside Mohamed Saghour,souhaite que la visite du président François Hollande en Algérie mercredi prochain «soit une occasion pour que les relations entre les deux pays aillent de l’avant et plus particulièrement sur les nombreuses actions menées dans le domaine social en faveur des ressortissants algériens [accès aux logements à l’emploi et aux soins médicaux, ndlr] et à réfléchir à une meilleure coopération entre ces différents acteurs de la société civile».
Cette levée de boucliers n’est pas l’apanage seulement du côté algérien car elle a déjà commencé bien avant de l’autre côté de la Méditerranée où la droite française la plus haineuse et la plus hideuse a tenté par tous les moyens possibles de saborder cette visite, de peur que le président français aille plus loin dans sa quête de normalisation avec l’Algérie après avoir récemment reconnu officiellement les massacres du 17 octobre 61.
Hocine Adryen