Trois ceintures d’explosifs actionnées dans un aéroport stambouliote ne méritent même pas un plateau de télévision en Europe et aux Etats-Unis.
En trois jours, Daech, Boko Haram et les Shebab ont commis des horreurs dans plusieurs pays de la planète. La Turquie et le Bengladesh pour la première organisation terroriste, le Cameroun pour la seconde et la Somalie pour les groupes Shebab qui martyrisent les Somaliens depuis plus d’une décennie. Ces trois mouvements d’inspiration wahhabite sèment la mort parmi les populations musulmanes et les dernières actions commises, ces dernières 76 heures, figurent parmi les plus sanglantes. Dans les quatre pays, le bilan des personnes tuées se compte en plusieurs dizaines pour chaque attaque terroriste. Nous sommes devant des cas d’attentats majeurs. C’est comme cela que les médias occidentaux ont tendance à qualifier une opération terroriste de l’envergure de celle de la Turquie perpétrée en Europe ou en Amérique du Nord. D’ailleurs, la dernière en date, la tuerie d’Orlando, a fait le tour de la planète et provoqué un tollé médiatique d’une grande ampleur.
L’ensemble des Networks ont braqué leurs caméras sur le bar où l’attaque avait été commise et cette couverture médiatique a duré plusieurs jours, non-stop. Le sujet a été traité sous toutes ses coutures, et un élément commun revenait dans tous les reportages et analyses. Le meurtrier était un musulman. Cette «tare», à bien écouter certains propos, devient un crime en y mettant une dose de radicalisation et le terroriste se transforme en tueur d’Occidentaux. L’ensemble des commentateurs de ces médias s’accordent sur le fait que le terroriste d’Orlando, comme ceux de Paris et de Bruxelles, en voulait au mode de vie occidental. «Ces énergumènes haïssent les valeurs civilisationnelles de l’Occident», disent-ils à l’unisson. De fil en aiguille, on est amené à comprendre que chaque musulman a cette haine dans son code génétique. «Elle est latente toute sa vie et peut s’exprimer au contact de l’islam politique.»
Pour étayer cette thèse très occidentale, ces médias passent sous silence, ou réduisent à leur plus simple expression, les attentats que commettent ces organisations terroristes dans les pays musulmans et qui font infiniment plus de victimes qu’en Occident. Si en Europe et aux Etats-Unis d’Amérique, on comptabilise un à deux «attentats majeurs» par an, au Moyen-Orient et en Afrique, la cadence est dix fois plus importante. Un simple calcul mathématique permet de conclure que les vraies victimes des terroristes sont en terres arabe et africaine.
Mais à voir la légèreté avec laquelle y sont traitées les attaques terroristes, on est obligé de conclure que pour les médias occidentaux, cent musulmans ne valent pas un seul Occidental. L’argument très «professionnel» de la proximité de l’information ne tient pas la route lorsqu’on voit l’écho des attentats de Paris et Bruxelles dans les médias américains et l’impact sur les chaînes d’information européennes qu’a suscité le massacre d’Orlando.
Nous sommes là dans deux continents différents, mais l’écho est quasi inexistant lorsque 30 personnes entre turques, égyptiennes et autres musulmanes y laissent la vie suite à un triple attentat suicide. Pourtant, ces Occidentaux doivent bien se rappeler la grande solidarité dont ont fait preuve les musulmans au lendemain de l’attaque contre le Bataclan le 13 novembre 2015. Combien de chefs d’Etat arabes et africains avaient pris part à la marche «historique» contre le terrorisme. L’écho d’un attentat perpétré en France est immense en France même dans tout le monde musulman. Mais trois ceintures d’explosifs actionnées dans un aéroport stambouliote ne méritent-elles même pas un plateau de télévision en Europe et aux Etats-Unis? De fait, les sociétés occidentales, très mal informées par leurs médias des crimes horribles que commettent les groupes terroristes parmi les musulmans, font l’amalgame entre les dizaines de millions d’êtres humains du Proche-Orient et d’Afrique et qui ne demandent qu’à vivre en paix, et les hordes barbares qui les martyrisent et s’en prennent accessoirement à l’Occident. Le traitement biaisé de l’information a conduit à une explosion du racisme qui prend de l’ampleur en Europe où l’extrême droite s’impose comme une option désormais recevable. Il faut dire que cette attitude des sociétés occidentales est la conséquence de la stigmatisation des musulmans par la presse et les politiques occidentaux.