Le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) a publié le cinquième volet de son « Rapport arabe sur le développement humain ». Les pays de la région souffrent toujours du chômage, de la pression démographique et peinent à faire respecter les droits de l’Homme. Des problèmes auxquels s’ajoute désormais la menace du changement climatique.
Sept ans après la publication du premier « Rapport arabe sur le développement humain », le cinquième volet de cette série parrainée par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), publié au Caire le 21 décembre, aboutit au même constat désespérant : « Les obstacles au développement humain sont très tenaces » dans le monde arabe « parce que la sécurité des populations n’y est pas assurée. »
Pression démographique
Les intellectuels arabes qui établissent ce sombre bilan ont passé au crible les différents aspects de cette insécurité. Elle est d’abord environnementale, au sens large du terme. Si elle tend à ralentir, la croissance démographique se poursuit. La population des pays arabes est passée de 172 millions en 1980 à 330 millions en 2007, et atteindra 385 millions en 2015. Et, bien sûr, elle est jeune : les moins de 25 ans représentent 60 % de la population totale ; l’âge moyen est de 22 ans, contre 28 ans dans le reste du monde.
Cette pression humaine s’exerce sur des territoires désertiques à 68,4 %, où 57 % des ressources hydriques sont partagées avec des États voisins et les réserves d’eau souterraines « fortement surexploitées ». Peu industrialisés, ces pays « ne contribuent que très peu à l’effet de serre » et au réchauffement climatique. Mais ils font partie de ceux qui en pâtiront le plus. L’Égypte, le Liban, le Soudan et les pays du Maghreb seront parmi les plus affectés. Si, comme on le redoute, la hausse moyenne des températures de la planète devait dépasser 3 °C, le niveau de la mer pourrait s’élever de 1 mètre et provoquer l’exode de 6 millions d’habitants du delta du Nil.
Les Etats exacerbent les différences
« L’État fait-il partie de la solution ou du problème ? » se demandent les auteurs du rapport. À les lire, il ne fait aucun doute qu’en terre arabe « la plupart des États n’ont pas réussi à mettre en place une gouvernance démocratique ni des institutions assurant la répartition équitable des richesses et le respect de la diversité culturelle ». Loin de les apaiser, les États ont exacerbé les différences ethniques, religieuses ou linguistiques. Ils ne respectent pas, en outre, les conventions internationales qu’ils ont signées, notamment en matière de droits de l’homme. Six pays interdisent les partis politiques. Nombreux sont ceux qui entravent la vie associative, pratiquent la torture et portent atteinte à l’indépendance de la justice. L’État, qui devrait garantir la sécurité de ses ressortissants, est plutôt pour ces derniers synonyme de menace.
Les groupes marginalisés, en particulier, ne bénéficient d’« aucune sécurité personnelle ». Comme les femmes, victimes de la suprématie des hommes, inscrite dans plusieurs codes civils : 45 % des Soudanaises, 37 % des Mauritaniennes, 10 % des Tunisiennes et 2 % des Algériennes sont mariées avant l’âge de 18 ans. Le divorce leur est souvent impossible.
Insécurité générale
Les pays arabes comptent par ailleurs 7,5 millions de réfugiés (sur les 16 millions recensés dans le monde), auxquels s’ajoutent 9,8 millions de déplacés, essentiellement en Irak, au Liban, en Somalie, au Soudan, en Syrie et au Yémen.
Les réserves d’or noir masquent la persistance de la pauvreté. Selon la Banque mondiale, si la croissance du PIB par habitant stagne (0,5 % par an entre 1980 et 2004), c’est parce que le pétrole a monopolisé les énergies de ces pays. À preuve, « ils étaient moins industrialisés en 2007 qu’en 1970 ». Il n’est guère étonnant, dans ces conditions, que le taux de chômage moyen ait atteint 14,4 % en 2005, contre 6,3 % dans le reste du monde. Selon l’Organisation arabe du travail (OAT), les jeunes Arabes souffrent deux fois plus du chômage que les autres jeunes (de 6,3 % dans les Émirats à 46 % en Algérie).
140 millions de pauvres
Globalement, 140 millions d’Arabes vivent sous le seuil de pauvreté. La faim sévit plus que jamais. Le monde arabe – comme l’Afrique subsaharienne – a vu « le nombre de personnes sous-alimentées augmenter depuis le début des années 1990, passant de 19,8 millions en 1992 à 25,5 millions en 2004 ».
Enfin, le rapport souligne le rôle néfaste des interventions militaires. Les Américains en Irak, les Israéliens dans les territoires occupés ont contribué à priver les habitants de liberté et de leurs droits à l’alimentation ou à la santé. Ces ingérences étrangères « déclenchent un cycle de violence dans lequel sombrent occupés et occupants ». L’exemple extrême ? L’offensive israélienne dans la bande de Gaza, où « l’usage totalement disproportionné de la force a porté atteinte aux fragiles progrès démocratiques, en renforçant les extrémistes et en écartant les personnalités modérées de l’espace public ».
Seule l’ONU pourrait être le « garant impartial de la sécurité des habitants de ces pays occupés ». Mais « les puissances étrangères l’en empêchent en la marginalisant », déplorent les auteurs. Ce cinquième rapport s’achève sur une note aussi pessimiste que les précédents, puisque la paix, sans laquelle il n’est pas de développement, demeure un mirage.