Au lendemain des attaques du 11 septembre aux Etats-Unis, le Monde arabe était plus assimilé au terrorisme ou encore aux pétrodollars qu’au cinéma.
Après les télévisions satellitaires, les Arabes tentent d’améliorer leur image par le cinéma. Pour le seul mois de décembre, quatre festivals internationaux ont été organisés dans quatre importantes métropoles arabes: Le Caire du 30 novembre au 9 décembre, Marrakech du 3 au 11 décembre, Dubaï du 12 au 19 décembre et Oran du 16 au 23 décembre.
Pour ces villes et surtout ces pays organisateurs, l’objectif premier c’est d’attirer le plus de stars et de films internationaux et surtout donner une image d’un pays arabe ouvert au multiculturalisme et au monde moderne surtout après les attentats du 11 septembre 2001. Car, depuis cette date, le Monde arabe était plus assimilé au terrorisme islamiste, au conservatisme religieux ou encore aux pétrodollars qu’au cinéma ou aux paillettes de stars.
L’organisation d’un festival international était l’occasion d’afficher une bonne santé sécuritaire et surtout de donner une image d’un pays accueillant et ouvert aux cultures des autres. Au départ, seule l’Egypte, berceau du cinéma arabe et de la culture musulmane, était considérée comme un pays producteur de cinéma, avait échappé à cette vision. Mais l’Egypte qui produisait plus de 50 films par an n’avait aucune vision ou ancrage international.
Alger, Marrakech et DiCaprio
Le cinéma égyptien était quasiment absent des festivals internationaux occidentaux. Seul Youssef Chahine arrivait à placer ses films en Europe, essentiellement grâce à des soutiens français. Ainsi, malgré sa grandeur et sa paternité du cinéma arabe, l’Egypte était cinématographiquement isolée sur le plan régional arabe, puisque les pays tels que la Syrie, l’Irak, la Jordanie et le Liban, étaient dans les années 1980, hostiles à une hégémonie du cinéma égyptien, encourageant leurs productions locales au nom de la protection de l’identité cinématographique locale. Les films égyptiens, en majorité des films comiques et sociaux, étaient plus concentrés dans les pays arabes, principalement dans les pays les plus conservateurs du Golfe comme le Koweït, l’Arabie Saoudite et le Bahreïn, car en raison de l’absence de salles de cinéma dans ces pays, les films égyptiens étaient très vendus en vidéo.
C’est en visitant le Festival de Berlin en 1975, que l’éminent critique et archéologue égyptien, Kamal El Mallakh, a eu l’idée d’organiser un festival international du film au Caire.
L’Egypte voulait ainsi sortir de la scène arabe en ouvrant davantage son festival du Caire créé en 1976 sur l’Occident. C’est ainsi que l’Egypte s’est ouverte non seulement au cinéma arabe mais surtout au cinéma anglais, au cinéma français et quelque tendance au cinéma américain.
Car Youssef Chahine qui était le parrain du Festival du Caire et qui avait étudié le cinéma aux Etats-Unis, avait été hostile à une forte présence américaine et surtout hollywoodienne au Festival du Caire. «Il faut garder son identité culturelle arabe», ne cessait-il pas de répéter. Suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, qui bouleverseront l’image du Monde arabe à l’Occident, certains pays arabes comme le Maroc, l’Algérie et Emirats arabes unis, décidèrent de lancer un festival de cinéma qui rapprochera le monde arabe du monde occidental. Ces festivals n’étaient plus une affaire de ministre de la Culture ou d’organisateur indépendant, mais plus tôt d’une haute autorité allant jusqu’au roi et au président du pays organisateur.
C’est ainsi que le roi du Maroc Mohammed VI, s’inspirant d’un festival organisé à Alger en 2000, décida en septembre 2001, quelques jours après les attentats des Twin Towers, de lancer le Festival international de Marrakech, à l’aide d’organisateurs privés français, qui n’ont pas hésité de dépêcher en charters de luxe, des stars hollywoodiennes, tels que Sean Connery, Martin Scorsese ou Leonardo DiCaprio, pour parrainer le festival mais pour offrir une image sécurisante d’un pays loin de la terreur terroriste qui menace le monde et encourageant surtout sa première source de revenus, le tourisme.
En 2004, Les Émirats arabes unis, pays qui ne possède ni de cinéma ni d’expérience dans le 7e art, lance le Festival international de Dubaï, sous l’égide du gouverneur de la ville, Mohammed ben Rachid Al Maktoum, en important le savoir-faire des Anglais et des Indiens dans l’organisation de festivals. La nouvelle cité de l’Orient déroule alors le tapis rouge pour les stars comme l’Anglais Bob Geldof, américaines telles George Clooney, Morgan Freeman, Danny Glover, Tim Roth ou encore Beau Garret, installant une concurrence dans l’organisation et le standing entre Dubaï et Marrakech.
L’Algérie qui a été très touchée par le terrorisme, n’avait pas organisé de manifestations cinématographiques internationales, depuis le Festival de Annaba en 1993.
70 Egyptiens par charter à Oran
Il faillait donc impérativement organiser un festival international qui offrirait à l’Algérie cette image d’un pays sécurisé et accueillant. Le Festival de Dubaï est le premier à avoir été organisé dans la région du Golfe, avant d’être suivi par Abou Dhabi en 2007 et Doha en 2009. Au total, 157 films de 57 pays ont été présentés cette année. Les Emiratis et les Qataris qui n’ont pas de cinéma, marchent sur les plates-bandes des Egyptiens (Oum dounia) qui ont programmé pour le la 34e édition du Festival international du film du Caire avec 135 films représentant 69 pays, dont 12 arabes.
En Algérie, il faillait attendre le mois de juillet 2007, pour voir l’Algérie revenir au concert des nations, organisatrice de festivals de cinéma international.
C’est le tout-puissant patron de l’Entv de l’époque, Hamraoui Habib Chawki, qui a eu l’idée de lancer le Festival du film arabe d’Oran, profitant de son expérience dans l’organisation des Fennecs d’or de l’audiovisuel algérien et surtout en copiant les expériences de la Biennale de Paris et du Festival du Caire. HHC, qui eut l’idée de délocaliser l’événement vers la capitale de l’Ouest, avait placé son nouveau-né sous l’égide du Président Bouteflika. Il avait obtenu de ce dernier un soutien de taille quand il rendit visite au festival au troisième jour de la manifestation à l’occasion d’une visite de travail à Oran.
Cette visite protocolaire, qui était importante sur le plan médiatique, avait donné un cachet international à un festival arabe «parqué» à Oran. Surtout que cette première édition a failli être annulée, suite aux attentats du 11 avril à Alger qui a visé deux hauts lieux du pouvoir de l’Etat, le Palais du gouvernement et le Conseil constitutionnel. Suite à cet attentat, plusieurs stars arabes ont décliné l’invitation de HHC. Ce dernier avait réussi à réunir le monde du cinéma maghrébin aux gens de la télévision égyptienne, le tout associé aux vedettes et à la nouvelle vague du cinéma algérien. Plus de 200 invités, dont 70 Egyptiens, se seront déplacés en charter à Oran.
Le Festival arabe d’Oran, grâce à la médiatisation des chaînes satellitaires arabes telles qu’Al Arabiya, MBC, Dubaï TV ou Koweït TV, l’image de l’Algérie a été rehaussée sur le plan culturel et cinématographique international et surtout arabe. En mettant les moyens sur la logistique, HHC a réussi à faire du Festival d’Oran, un rendez-vous important du cinéma dans la région arabe, concurrençant même le festival de Carthage et celui de Marrakech.
La récupération du Festival d’Oran par Mustapha Orif et le ministère de la Culture, est intervenue dans un contexte particulier de tension entre l’Egypte et l’Algérie, réduisant la délégation égyptienne de 70 à 3 participants. L’absence d’importants médias arabes qui accompagnent souvent les stars comme la journaliste Boussy de MBC qui suit au pas les stars égyptiennes, a réduit les chances de réussite de l’édition 2010.
Le Festival d’Oran se portera mieux en 2011, avec l’apport des Egyptiens, et d’autres pays invités comme l’Inde ou l’Europe qui apportent un succès retentissant aux festivals internationaux organisés par les pays arabes.
Adel MEHDI