Les années « Algéroises » de Cervantès

Les années « Algéroises » de Cervantès
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Si Don Quichotte continue sa course folle à travers le monde à la recherche d’un ennemi aussi imaginaire qu’introuvables, Cervantès quant à lui hante toujours certains lieux d’Alger.

Ces lieux qui marquent son exil ont été revisités hier dans le cadre d’une initiative lancée par l’institut Cervantès à l’occasion du 400ème anniversaire de la mort du célèbre écrivain espagnol célébré cette année.

L’Algérie du 16ème siècle, telle que l’a connue Cervantès de 1975 à 1580 périodes de sa captivité, était une Algérie cosmopolite. Peuplée de personnes venues de toutes les parties d’Europe, on y parlait diverses langues.

Le célèbre livre « Topographie et Histoire Générale d’Alger », écrit par Diego de Haedo un abbé bénédictin espagnol, savant et historien compagnon de Cervantès lors de sa captivité, constitue une extraordinaire description historique des territoires et des mœurs de la population d’Alger au XVIème siècle. Certaines hypothèses attribuent cette œuvre à Cervantès.

LG Algérie

Sa captivité

En rentrant en Espagne après une campagne militaire avec son frère Rodrigo en 1575, les deux frères sont pris au piège par des corsaires. Les deux soldats sont désormais captifs et sont conduits à Alger.

Le premier contact de Cervantès avec Alger a été le port. L’arrivée du bateau au port était annoncée par des coups de canon. Lorsque les corsaires considéraient que la « pêche était bonne », c’est-à-dire que les captifs étaient des personnes d’un certain rang social, ils prévenaient la population d’Alger par des coups de canon, qui descendait en nombre les accueillir au port.

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Les captifs étaient le gagne-pain des corsaires au 16ème siècle. Ces derniers évaluaient les prisonniers sur le bateau avant d’arriver au port. « Il y avait plusieurs critères d’évaluation des prisonniers sur lesquelles se basaient les corsaires. La plus célèbre était d’observer leurs mains, si celles-ci étaient lisses cela veut dire que le prisonnier ne travaillait pas et qu’il avait de l’argent. Si elles étaient calleuses le prisonnier est considéré comme ouvrier », raconte le guide.

Au-delà de ce critère, Cervantès avait en sa procession deux lettres de recommandation, signées par de prestigieux hommes d’armes et de la politique espagnole de l’époque. C’est deux lettres ont été l’indicateur que Cervantès était une personne importante. Cette distinction a été donc à l’origine de son estimation dite élevée.

Son estimation

Une fois amarré au port d’Alger, Cervantès est échu comme esclave à l’un de ces corsaires, Dali Mami, surnommé le boiteux. Il l’estime à 500 écus d’or espagnoles. Cervantès fait donc parti du huitième destiné aux Rois d’Alger.

Petite précision géographique, Alger telle que la voyait Cervantès en descendant du bateau des corsaires, était décrite ainsi : la Casbah s’étendait jusqu’au port. En rentrant dans la ville il est conduit au marché des esclaves (place des martyrs). Cette place en 1575 était constituée de plus de 300 maisons et 6 mosquées.

À cette époque le marché des esclaves d’Alger était très célèbre. Les corsaires Algériens étaient les plus redoutables de leur époque et leur terrain de chasse dépassait la Méditerranée. On y vendait des captifs et on rapportait des rançons pour en libérer d’autres.

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Dar El Hamra, située à quelques pas de la place des martyres fut la première demeure où prison de Cervantès. C’est là où habitait son premier maitre.

Le guide de ce « voyage sur les traces du célèbre auteur espagnol », invite les visiteurs à imaginer que Cervantès à forcément pris un bain à Hammam Sidna non loin de Dar Mustapha Pacha, pour mieux visualiser la situation sociale de Cervantès en captivité.

« Il jouissait d’une certaine liberté dans la ville, où il travaillait et entretenait des relations avec les autres captifs. Il faisait partie des captifs à rançon. C’est vrai que la valeur élevée de sa rançon a allongé sa période de captivité car sa famille ne parvenait pas à la payer. Néanmoins, cette estimation lui a permis de mener une vie plus ou moins normale et mieux encore elle intervient pour lever les châtiments exemplaires qu’on lui a attribués lors de ses tentatives d’évasion », précise ce guide.

Ses évasions

Le propre de tout prisonnier est de vouloir s’échapper, et Cervantès avec son esprit chevaleresque a évidemment tenté à maintes reprises de s’évader.

Il organisa en 5 ans quatre tentatives d’évasion terrestres et maritimes. Aucune d’entre elle n’a abouti.

La plus célèbre est celle qu’il a organisée depuis la grotte qui porte son nom aujourd’hui. « La grotte de Cervantès », située dans le quartier de Belouizdad (ex-Belcourt), à Alger

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Nous somme en 1577 deux ans après sa captivité, Cervantès tente de s’évader pour la deuxième fois. Son plan minutieusement élaboré à toutes les chances de réussir. De plus, il est aidé par son frère libéré après un an car sa rançon n’était pas faramineuse.

« Le plan consistait à fuir la ville, aller se réfugier à la grotte et attendre l’arrivée d’un bateau contracté par son frère depuis l’Espagne. Seulement Cervantès et ses 14 compagnons sont restés 6 mois dans la grotte à attendre la flottille, mais celle-ci où n’arrivait pas ou ne put les libérer ». La situation est restée ainsi jusqu’à ce qu’ils soient dénoncés, capturés et emprisonné « , raconte le guide en ajoutant qu’elle a été la plus décevante pour l’écrivain.

D’autres tentatives suivirent mais ne réussissent pas et ce n’est qu’en Octobre de l’année 1580 que Cervantès a été libéré, grâce au trinitaires Fray Juan Gil et Fray Anton de Bella qui ont réussi à réunir la somme de 500 écus d’or.

Aussi pénibles soient-elles, les années de Cervantès à Alger, il en garda le meilleur souvenir. Il écrivit, dans la préface de ses « Novelas ejemplares » : il fut un soldat plusieurs années durant, et cinq et demi captif, où il apprit à affronter les adversités avec patience.

C’est dire à quel point l’épisode algérois a marqué le grand homme et son œuvre.