Salaires : qui touche quoi
Que ce soit dans le secteur économique ou dans la fonction publique qui emploie 1,6 million de fonctionnaires, des salariés que nous avons interrogés se sont dits «plutôt insatisfaits» du montant inscrit en bas de leur fiche de paie.
Les premiers à se plaindre de la faiblesse de leurs salaires: les fonctionnaires. Sont-ils réellement bien payés ? Les médecins exerçant dans la santé publique trouvent qu’ils sont mal payés.
«Je suis chirurgien et mon salaire ne dépasse pas les 36 000 dinars», témoigne Hakim, qui vient d’entamer sa carrière à l’hôpital. «Les nouveaux statuts n’ont pas amélioré notre situation salariale», regrette ce dernier. «Les salaires des médecins de l’hôpital public sont inadmissibles», regrette un syndicaliste.
Au Maroc, les médecins entament leur carrière à 727 euros contre 910 euros en Tunisie. De leur côté, les magistrats sont à l’abri du besoin. Leurs salaires bruts oscillent entre 100 000 et 200 000 DA. Autrement dit, leur mensualité varie, selon le grade et l’échelon, entre 8 et 17 fois le salaire national minimum garanti (SNMG).
Avec cette nouvelle grille salariale, ils se retrouvent dans le rang des hauts cadres de la nation les mieux payés. Derrière, bien entendu, les ministres, les parlementaires… Ce n’est pas le cas des enseignants.
Un professeur de lycée doit trimer pendant 15 ans pour atteindre les 32 000 dinars. Ainsi, un enseignant algérien qui touche l’équivalent de 300 euros, est sous-payé par rapport à son homologue marocain qui entame sa carrière avec 637 euros ou un tunisien qui touche 575 euros.
En attendant la promulgation de la nouvelle grille des salaires et le nouveau régime indemnitaire, les enseignants et les travailleurs du secteur de l’éducation ont déjà bénéficié à la faveur de la dernière tripartite de nouvelles primes.
En plus des quatre indemnités existantes, quatre nouvelles primes devront figurer sur leur bulletin de paie: l’indemnité de contrainte pédagogique et sociale (ICPS), l’indemnité de socialisation (IS), l’indemnité des activités et tâches complémentaires et celle relative au suivi de l’évaluation et d’orientation (ISEO).
Dans l’enseignement supérieur, les enseignants trouvent également qu’ils ne sont pas bien rémunérés. «Je suis en fin de carrière et je touche 80 000 dinars», dit un professeur de sociologie, soulignant que «80% des enseignants universitaires algériens habitent de modestes appartements». Si le point indiciaire a été maintenu à 45 dinars, il a été fixé 1 400 à 1 600 points pour le professeur d’université qui est au sommet de la pyramide des salaires.
Autre catégorie qui se plaint: les chefs des entreprises publiques. Ces derniers touchent environ 6 millions de centimes par mois. Les salaires de la branche énergie sont déconnectés de ceux du secteur public industriel, voire ceux de la Fonction publique. Un vice-président à Sonatrach dépasse les 20 millions de centimes par mois. Le P-DG de Sonelgaz touche presque autant que le patron de la compagnie pétrolière nationale.
L’Algérie n’a pas encore une politique des salaires, observe un consultant. Un nouveau système des salaires vient d’être appliqué à Sonatrach. Le salaire des responsables, P-DG et vice-présidents est lié à une obligation de résultat. Ils doivent réaliser les objectifs fixés en début d’année en termes de recettes, de production, ou de performance, sans quoi le niveau de son salaire diminue. Le nouveau système de rémunération à Sonatrach a prévu les augmentations de salaires les plus importantes pour ceux qui assurent le succès de la compagnie: les opérationnels, c’est-à-dire les explorateurs, les foreurs…
Dans le secteur de la banque, les salaires sont très variés. Un banquier travaillant pour une banque étrangère installée à Alger affirme toucher entre 10 et 18 millions de centimes par mois.
Ce dernier précise qu’une partie de son salaire correspond à des primes liées au résultat. Il dit recevoir en plus deux mois de salaires en fin d’année. Les salaires des banquiers font rêver les jeunes diplômés.
Au bas de l’échelon, c’est la précarité. Le salaire minimum est porté à 15 000 dinars (soit mois de 150 euros) contre 178 euros en Tunisie et 164 euros au Maroc. En dépit de sa valorisation, le SNMG demeure dérisoire. Il ne suffit qu’à couvrir une semaine des dépenses d’un père de famille de quatre personnes.
Selon une étude comparative sur le pouvoir d’achat en Algérie, Maroc et Tunisie, réalisée par l’Intersyndicale de la Fonction publique, le niveau de vie des Algériens reste précaire.
Selon l’étude, le niveau de vie des travailleurs dans les trois pays reste en dessous de la moyenne. En Algérie, le salarié payé au SNMG ne peut subvenir aux besoins de la famille que pendant une semaine. Les salariés qui perçoivent des salaires situés entre 15 000 à 25 000 DA, ne peuvent subvenir qu’aux dépenses familiales durant 10 jours.
Le SNMG algérien ne couvre, selon la même enquête, que 26% des besoins minimums des salariés au SNMG contre 32% pour les Marocains et 15% pour les Tunisiens. Il faut dire que les hausses des salaires sont accompagnées par une récurrente inflation. A chaque augmentation des salaires, suit une flambée des prix des biens et services.
Durant les neuf premiers mois de 2009, le rythme de l’inflation a atteint 5,7%, selon l’Office national des statistiques (ONS). Soit 1,5% de plus que l’an dernier. Le taux d’inflation officiel a évolué de près de 3% chaque année, depuis dix ans.
En attendant, une nouvelle hausse sur les salaires, promise par le patron de l’UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, qui a affirmé que l’année 2010 connaîtra aussi des négociations sur la révision des salaires des travailleurs des entreprises économiques publiques et privées, les salariés devront se satisfaire de l’abrogation de l’article 87 bis du code du travail.
Cet article modifié et complété en 1997, stipule que le SNMG comprend le salaire de base, les indemnités et les primes de toute nature, à l’exception des indemnités versées au titre du remboursement de frais engagés par les travailleurs. Dans sa forme actuelle, il prive une partie importante des travailleurs de bénéficier de la hausse du SNMG.
A son abrogation, tous les salaires, mêmes les plus élevés, qui sont indexés sur le SNMG bénéficieront d’une augmentation proportionnelle de 25%. Par ailleurs, un récent rapport du FMI explique que «malgré le faible coût en termes absolus du travail en Algérie, les entreprises ne bénéficient d’aucun retour en termes de coûts, du fait de la faible productivité de la main-d’oeuvre…
Selon le FMI, les salaires bruts en Algérie sont à peu près l’équivalent de 40 pour cent des salaires bruts dans des pays comme la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque et la Slovénie, et sont à peine plus élevés que ceux que l’on trouve en Chine.»