Les citoyens s’interrogent. Ils sont de plus en plus dans l’expectative.
«Il y a trop de nouveautés en un temps réduit», s’étonne M. Ali, quinquagénaire, abordé sur la rue Hassiba Ben Bouali, à Alger.
«Week-end semi-universel, suppression des crédits à la consommation, c’est un peu trop en moins d’un mois», poursuit-il.
L’intervention du M. Ali a trait aux décisions prises lors du dernier Conseil des ministres, l’une relative au changement des jours de repos hebdomadaire (vendredi et samedi à partir du 14 août au lieu de jeudi et vendredi) et l’autre concernant l’article 75 de la loi de finances complémentaire de 2009, ôtant aux banques l’autorisation d’accorder des crédits aux particuliers sauf pour l’acquisition de bien immobilier.
«Le jour où le gouvernement à décidé d’autoriser le crédit à la consommation personne ne nous a consultés, maintenant qu’il a décidé de le supprimer, il ne nous a toujours pas consultés. Alors cela ne doit certainement pas nous concerner», répond avec aigreur Mohamed, jeune chômeur dont les yeux épient avec soin tout ce qui se passe à la place du 1er Mai.
«De toutes les façons, ce n’est pas des zaoualis [pauvres] comme moi qui ont accès à ces crédits. Donc, rien ne va changer pour nous», dira-t-il.
Plus loin, dans un café algérois, un groupe de jeunes tombent des nues.
«Moi qui prévoyais de contracter un crédit pour acheter une voiture. Je suis vraiment choqué. Depuis des mois je me serre la ceinture. J’ai entamé les démarches nécessaires puis j’ai hésité. Et apparemment, chez-nous, il ne faut jamais hésiter», déplore Rachid, cadre moyen dans une entreprise publique.
Et son voisin de renchérir : «C’est malheureux que des décisions aussi importantes soient prises à quelques jours du mois sacré de Ramadhan. Les petits crédits, permettaient au moins, aux petites bourses de décorer la meida [table] du f’tour [repas]».
Mourad, le plus avertis du trio, a plutôt versé dans les interrogations : «Pourquoi a-t-on décidé de supprimer les crédits à la consommation ? Si cela à une relation avec le surendettement des ménages, il doit sûrement y avoir un autre moyen pour l’empêcher. Comment font les Occidentaux dans ce cas ? Au contraire, on n’arrête pas d’entendre sur les médias étrangers que la relance de l’économie dépendait de celle de la consommation. Ou alors, est-ce l’Etat qui est en difficulté ? Je ne pense pas, car la bonne santé financière du pays fait la une de toute la presse nationale. Dans tous les cas, je ne pense pas que les crédits impayés aient atteint les 3 000 milliards de DA détournés à la BEA».
Une vielle dame en hayek (voile traditionnel algérien, devenu assez rare il faut le signaler) passe devant les étals du marché «Tnache», elle tâte des doigts la marchandise exposée.
«Le crédit à la consommation, je connais. Mon mari travaille dans une entreprise publique depuis plus de 35 ans. Et ce n’est que depuis quelques années qu’on s’est permis d’acquérir le nécessaire en électroménager. Sans le crédit, cela aurait été impossible. Acheter un réfrigérateur, une cuisinière ou une télévision était un projet de plusieurs années. Maintenant, on s’est même permis un climatiseur. Et puis, c’est toujours grâce au crédit que j’ai pu marier mon fils», énumère-telle.
En lui annonçant la nouvelle de la suppression de ce genre de crédit, el hadja sursaute : «Comment vais-je faire pour mon second fils ?». La question restera sans réponse.