Les manifestants ont commencé à arriver depuis hier, par centaines, à la capitale afin de ne pas rater le rendez-vous de la marche pacifique. Ils espèrent pouvoir manifester librement, sans répression. Pour le changement. Pour la démocratie.
Hier, à J-1 de la marche pacifique à laquelle la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) a appelé, un important dispositif sécuritaire – près de 30 000 policiers – a commencé à être installé dans les grandes artères de la capitale et devant les bâtiments officiels. En prévision de cette manifestation, des fourgons de la sûreté nationale, des voitures de police et des chasse-neige sont déjà sur place du côté de la place du 1er-mai, lieu du départ de la marche. Des éléments de la sûreté nationale, dispersés dans la capitale, quadrillent les accès au centre-ville et procèdent même à la vérification de papiers dans les gares routières et les stations de bus afin d’empêcher l’afflux des manifestants vers Alger. “Le plus grand déploiement de police sera installé durant la nuit, comme cela s’est fait lors de la dernière manifestation de janvier”, nous dira un habitant d’Alger-Centre. Du côté de la coordination, qui a appelé à cette marche, rien n’est laissé au hasard et l’on se dit prêt. “Rien n’entravera notre décision de marcher pacifiquement à Alger. Les pouvoirs publics ont tout à gagner en nous laissant manifester librement. Au cas contraire, c’est au gouvernement et à lui seul d’assumer les conséquences de ses décisions”, a déclaré Me Ali Yahia Abdenour. Côté logistique, les membres de la coordination ont préparé, eux aussi, leur “artillerie”. Depuis des semaines, des appels à la marche pacifique ont été diffusés sur le web, des tracts ont été distribués à la population, des pancartes et des slogans ont été préparés par la commission technique de la CNCD. Si chaque organisation faisant partie de la CNCD est libre de choisir ses slogans, elle doit néanmoins respecter le mot d’ordre de la coordination qui se résume à la levée de l’état d’urgence, l’ouverture du champ politique et médiatique, l’instauration d’une réelle démocratie, la libération des détenus arrêtés durant les dernières émeutes et une justice sociale en Algérie. “Toutes les revendications et les slogans sont tolérés mis à part ceux qui appellent à la violence et à la récupération du mouvement”, a affirmé M. Sadali du Satef. Pour le comité national de la défense des droits des chômeurs, ses slogans sont déjà prêts. Ils réclament particulièrement le droit à un travail stable et une vie digne. “Ce n’est pas trop compliqué, nous revendiquons une vraie démocratie, une bonne éducation et un travail stable pour assurer notre pain quotidien”, a déclaré
M. Samir Larabi, porte-parole du comité national de la défense des droits des chômeurs. En plus du mot d’ordre de la coordination, chaque syndicat, association ou autre organisation, scandera ses propres slogans. Il faut s’attendre également à entendre “Algérie, libre et démocratique”, le slogan fétiche des démocrates algériens, qui s’invite à toutes les actions de ce genre. Hier, la coordination mettait les dernières retouches et quelques détails liés à l’encadrement des manifestants afin d’empêcher les débordements. Tout cela devait être discuté et finalisé hier soir, à huis clos, selon un membre de la coordination. Les ONG, syndicats et partis politiques, ont également tenu des permanences au niveau de leurs sièges respectifs, afin d’accueillir les manifestants arrivant d’autres wilayas. Venus par bus, taxi, voire même par avion pour certains travailleurs, ils espèrent manifester pacifiquement aujourd’hui. “Nous sommes optimistes et nous espérons pouvoir marcher librement et sans répression aujourd’hui. Nous n’imaginons pas que les 30 000 policiers ont été déployés pour assurer notre sécurité”, ironise Lamine, un enseignant venu d’Annaba. Afin d’arriver à Alger, plusieurs manifestants ont dû changer d’itinéraire pour entrer dans la capitale. C’est le cas du jeune Takfarinas et de ses deux copains qui ont décidé de faire escale à Boumerdès, puis à Rouiba, avant de prendre un taxi et rallier Alger-centre où ils devaient se réunir avec d’autres étudiants. “J’ai dû faire tout un détour pour contourner les barrages et arriver enfin à la capitale, afin d’être au rendez-vous de la marche pacifique”, nous dira Takfarinas. Ils sont des centaines de manifestants, comme lui, à avoir fait le déplacement et à être hébergés dans des hôtels, chez des particuliers, ou encore à l’intérieur des sièges des ONG afin de ne pas manquer le rendez-vous d’aujourd’hui.