Le pain troque les paniers pour les poubelles. En Algérie, le phénomène prend des proportions inquiétantes.
Jugez-en: «Entre 2 et 5 millions de baguettes sont jetées, quotidiennement, dans les poubelles ou sur les trottoirs».
C’est ce qui ressort d’une étude menée par le bureau Algérie Consultations internationales, dirigé par M.Malek Mebarek Seraï, expert international.
Selon cette étude, la quantité de pain consommée par l’ensemble des citoyens algériens se situe «entre 15 et 27 millions de baguettes par jour».
A la proportion, «le citoyen algérien gaspille entre 100 et 200 grammes de pain» pour une consommation individuelle quotidienne de «500 à 900 grammes».
Cela dit, la consommation de pain chez les couches sociales aisées ne dépasse pas «500 grammes/jour par personne».
L’enquête menée des semaines durant démontre, également, que le taux de perte de cette matière, enregistré dans les villes, est plus important que celui des zones rurales.
En effet, «au niveau des centres urbains et agglomérations, les habitants gaspillent entre 2,7 et 5 millions de baguettes, soit 18% du pain qu’ils achètent. Parallèlement, le taux enregistré dans les zones rurales (18%) représente une perte de 1,8 et 3,24 millions de baguettes».
Aussi alarmants qu’implacables, ces chiffres situent le peuple algérien parmi les plus grands consommateurs de pain.
Aussi, l’étude fait la lumière sur un phénomène qui prend les proportions d’un fléau social: le gaspillage. Cette pratique aussi coûteuse que fâcheuse a tendance à s’accroître durant le mois sacré.
Dans ce sens, l’étude a dévoilé que «le phénomène de gaspillage du pain augmente de plus de la moitié durant le mois de Ramadhan».
Une question: quelles sont les répercussions de cette «mauvaise habitude» sur l’économie algérienne ? La réponse est simple: néfastes! Surtout que l’Etat fait partie de ceux, rares dans le monde, qui subventionnent les prix du pain. Ainsi, le coût de la baguette estimé à 12 DA est réduit à 8,50 DA. Au demeurant, l’Algérie dépense des sommes colossales pour assurer une subvention suffisante du secteur de l’alimentation. Se référant au dernier bulletin publié par le Forum économique mondial (FEM), l’enquête a révélé qu’«en 2008, L’Algérie a consacré 8 milliards de dollars pour l’importation des produits alimentaires. Les céréales occupent la tête de ces importations».
Cela dit, l’Algérie figure parmi les quatre plus grands importateurs de céréales au monde.
En matière de chiffres, notre pays importe «plus de 500.000 tonnes de céréales par année».
Cette quantité se situe, nettement, au-dessus des capacités et moyens de production de l’Algérie.
C’est dire que la «dilapidation» du pain pourrait avoir des effets à même de menacer jusqu’à la sécurité alimentaire nationale. Pour plus d’éclaircissement, l’avis d’un spécialiste s’impose.
Selon M.Malek Mebarek Seraï, «la consommation de pain s’inscrit dans le cadre de la sécurité et de l’équilibre alimentaires. Laquelle question contient des points nécessitant une attention particulière. Au sommet de ces points figure le gaspillage du pain».
Décortiquant ce fléau, M.Seraï a indiqué: «Cela est conséquent d’une problématique sociale, éducative et économique qu’il est impératif de traiter».
Pour ce faire, l’expert international préconise «l’introduction de nouveaux concepts dans les modes d’alimentation et ce en sollicitant la participation d’experts et spécialistes en la matière».
A l’évidence, jeter une baguette de pain est un acte qui appelle nombre d’interrogations: quels sont les éléments psychosociologiques qui expliquent la propagation de ce phénomène ?
Assistons-nous à un phénomène de «déculturation alimentaire avancée» de la société ?
Et, en dernier, les citoyens mesurent-ils les conséquences de leurs actes ? A méditer…
Mohamed Sadek LOUCIF