Un rapport officiel français s’inquiète de la prochaine interruption de la diffusion des chaînes de télévision hexagonales en Algérie et dans les autres contrées du Maghreb.
La Délégation générale à la langue française et aux langues de France, une institution sous tutelle du ministère de la Culture, redoute les effets de cette perspective sur l’usage du français au Maghreb.
Et s’en émeut avec un accent appuyé dans un rapport destiné aux deux chambres du Parlement français (Assemblée nationale et Sénat). Le 30 novembre 2011, la réception analogique des chaînes de télévision en France aura vécu. Pour les chaînes hexagonales encore réceptionnées par signal analogique, cette nouvelle donne signera la fin d’époque : l’arrosage gratuit de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie en particulier par les chaînes généralistes françaises.
Le 1er décembre 2011 à 00h00, les téléspectateurs noctambules portés sur les programmes français se retrouveront face à un écran parasité. A moins d’être abonné – moyennant des euros sonnants et trébuchants – aux services de Canal Satellite ou de souscrire au «piratage» à un tarif défiant toute concurrence.
Chargée par le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, d’élaborer un rapport sur l’emploi de la langue de Molière, la Délégation générale à la langue française et aux langues de France tire la sonnette d’alarme. La fin de la diffusion analogique, possible au moyen d’une simple parabole, n’est pas la bienvenue aux yeux des rédacteurs du rapport.
Et pour cause : elle entraîne «une perte considérable d’influence dans la zone (maghrébine) sur le plan culturel et linguistique». S’adressant au législateur et, au-delà, au pouvoir politique, le rapporteur de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France ne s’encombre pas de solutions. A l’heure actuelle, une seule semble de nature à servir de vecteur au maintien et à la promotion du français en Afrique du Nord : l’arrosage de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie par les chaînes françaises.
La crainte du rapporteur est d’autant plus vive qu’à l’heure de la mondialisation télévisuelle, la région est arrosée à satiété. Urbains ou ruraux, les foyers sont exposés à un bouquet intarissable de chaînes, au rang desquelles l’irrésistible Al Jazeera et une somme de chaînes maghrébines et moyen-orientales.
«Dans un contexte de plus en plus concurrentiel, il ne serait possible de décider les chaînes françaises à maintenir leur diffusion au Maghreb sur la base d’une solution légale que si la libération des droits et les coûts de commercialisation étaient financés», recommande le rapport à l’intention du législateur et des pouvoirs publics français.
Généralisée depuis le milieu des années quatre-vingts grâce à la «popularisation» de la parabole, la diffusion des chaînes françaises en Algérie et au Maghreb est allée crescendo.
Au point de s’arracher l’essentiel des parts d’audience au détriment de chaînes nationales en déphasage avec les réalités. L’irruption d’Al Jazeera fin 1996 a bousculé les chaînes hexagonales et entraîné une nouvelle répartition de l’audience télévisuelle maghrébine.
Un autre rapport français sur l’audiovisuel extérieur français (France 24, RFI, TV 5 et Monte Carlo Douwaliya), élaboré de fraîche date par des parlementaires, le reconnaissait sans les moindres ambages. Incontestable, la place d’Al Jazeera dans la consommation télévisuelle des Algériens ne fait pas l’ombre d’un doute.
En revanche, la notoriété de France 24, revendiquée à coups de sondages à répétition, est loin de se vérifier à l’épreuve du terrain.
A défaut de miser sur France 24 et sa capacité à glaner des parts à Al Jazeera, la France s’attache à préserver la place des chaînes généralistes auxquelles un pan entier du public algérien reste attaché. Les principales chaînes françaises
(TF1, France 2, France 3, La Cinq, M6 et Arte) peuvent encore être captées à partir du satellite Atlantic Bird 3, rappelle le rapporteur.
En Algérie, elles «conservent une audience importante», récemment estimée «à plus de 12 millions de téléspectateurs quotidiens».
Plus qu’un enjeu audiovisuel, c’est un enjeu culturel et linguistique qui anime le rapport de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France. «La permanence d’un environnement audiovisuel francophone» constitue, à ses yeux, une «donnée essentielle pour l’avenir du français au Maghreb». Or, s’inquiète-t-il pour la énième fois, «cette présence basée sur un « piratage passif » risque d’être remise en cause à partir du 30 novembre 2011».
S. K.