Les Algériens découvrent leur métro,Comme des enfants devant un jouet neuf

Les Algériens découvrent leur métro,Comme des enfants devant un jouet neuf
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Hier, les Algérois ont découvert, pour la première fois, leur métro

«Le métro est un joyau qui vous fait oublier votre voiture, qui vous fait oublier la misère urbaine!» avouent les premiers utilisateurs.

«C’est la deuxième fois que je vois les Algériens déridés. La première c’était en 2010 lors de notre qualification héroïque en Coupe du Monde organisée par l’Afrique du Sud», témoigne Saïd, étudiant en sciences de la nature à l’Université de Bab Ezzouar.

Hier, les Algérois ont découvert, pour la première fois, leur métro. Ils étaient comme des enfants devant un jouet neuf. Couvé pendant trente ans dans les entrailles de la capitale, le métro est enfin sorti de terre. Inauguré par le chef de l’Etat à la veille de la date symbole du 1er Novembre, le métro d’Alger a enfin ouvert ses portes au large public.

A Haï El Badr, en surface et dès l’entrée, l’on trouve un point d’accueil et d’information, un distributeur de tickets automatique et les zones de validation des billets (équipées de portillons anti-fraude) puis les accès aux quais. Cette même station dispose d’un parking-relais qui est accessible aux usagers.

Une gare d’échanges permet également les correspondances entre le métro et les lignes de bus urbaines et interurbaines, portant le sigle de l’Etusa (Entreprise de transport urbain et suburbain d’Alger)

Au niveau de la halte qui est située à la lisière du quartier populaire de Bach Djarrah, un agent est posté devant le distributeur de billets.

Ce préposé affiche une patience à toute épreuve et livre de longues explications aux premiers utilisateurs, venus surtout en curieux en cette matinée de 1er Novembre. «Avec ce billet vous avez droit à soixante minutes de validité, à condition de ne pas sortir d’une station. Grâce à ce ticket, vous pouvez effectuer un aller-retour!» signale-t-il avec diligence à une demoiselle qui faisait face à la machine dont l’écran peut livrer des informations en plusieurs langues.

D’autres passagers finissent par apprendre que des formules d’abonnement existent avec de substantiels rabais qui vont de 10%, 20% à 30% et même que des étudiants peuvent bénéficier de tarifs spéciaux.

«Pour les enfants, c’est gratuit!» lance un autre fonctionnaire à un père de famille qui venait de s’acquitter du prix de deux coupons pour adultes. Des policiers en faction, campés à l’entrée principale, interpellent discrètement les visiteurs porteurs de sacs et autres besaces. «Bon voyage!» annoncent les hommes en uniforme au bout de chaque inspection. Excités à l’idée de prendre le métro, des jeunes et moins jeunes, un ticket blanc barré d’une bande magnétique à la main, prenaient d’assaut les barrières automatiques.

Le plaisir des messages sonores

Face à cette ruée, le système automatique a eu quelque mal à gérer l’importante vague de voyageurs; comme essoufflé, il dut subir quelques brèves pannes de début.

Certains étaient comme égarés dans le flux général des visiteurs venus explorer l’intimité de cette réalisation.

La rame du métro s’ébranle vers l’ouest et les premières stations commencent à défiler. Certaines desservent le téléphérique algérois.

A «Mer et Soleil», et des sièges des voitures, l’on remarque des murs soigneusement faïencés et des cartes de positionnement explicatives flanquées sur les parois du tunnel.

Par intermittence, les voyageurs sont destinataires de messages sonores leur indiquant les noms des arrêts et les consignes de sécurité à observer. Ces directives sont d’ailleurs relayées par une signalétique qui oriente les utilisateurs, comme le fait de descendre à droite par exemple. Cette même signalétique n’omet pas de reproduire le tracé de l’itinéraire s’étendant sur une dizaine de kilomètres.

De l’intérieur, la longueur du métro semble interminable et les dimensions des wagons paraissent démesurées.

Néanmoins l’intérieur est serein et confortable. Assis sur des bancs ou se tenant debout, nombreux sont ceux qui avouent leur grand soulagement de ne plus devoir s’engouffrer en voiture dans la jungle urbaine. «C’est formidable, en moins d’un quart d’heure je peux gagner le Jardin d’Essai en famille sans devoir subir le stress de l’encombrement!» s’exclame un octogénaire ravi de ne plus être contraint de quitter son quartier de Mer et Soleil au volant de son véhicule.

«Mon Dieu!»

Assise non loin de ce dernier, une vieille dame et comme si elle venait de recommencer une nouvelle vie en découvrant le métro, annonce à coups de youyous relayés par des parentes à elle:«Je suis heureuse de fêter mes soixante-dix ans à l’occasion de ce 1er Novembre et de la mise en marche du métro d’Alger!»

«Mon lieu de travail est situé sur l’axe du métro et je suis très heureuse de pouvoir enfin le rejoindre à bord du métro qui se révèle un havre de quiétude et de confort, surtout qu’il permet de sentir ce contraste indéniable qui le sépare des bus privés et de leur cortège de tracasseries, de retards, de confinement et de diktat des transporteurs!» ajoute une jeune femme, cadre supérieur. A entendre cette dernière, l’on réalise que les Algériens se sentent enfin considérés et flattés dans leur ego de citoyens qui aspirent à la modernité et à la dignité dans les transports en commun. Hier donc, qui debout, qui assis, les passagers ont pleinement apprécié leur courte traversée. Alors que les enfants ne cachaient pas leur bonheur en batifolant à changer de place, à explorer l’intérieur de cette nouvelle «locomotive», tellement attendue par les Algériens, la belle voix féminine annonça l’ultime station.

A la Grande-Poste tout le monde descend des wagons et s’engage dans un grand hall, digne de celui d’une immense gare centrale. Le lieu prend les formes d’un labyrinthe et l’on est plutôt gauche dans les tentatives devant aider à s’en extirper. L’on y défile seul ou en famille tout en se délectant de la sensation d’espace qui baigne cette gare terminus.

Des plaques indiquent enfin la sortie qui débouche ou à la place Audin ou la rue Ferhat Tayeb. En empruntant les escaliers mécaniques menant vers l’issue, d’aucuns laissent échapper. «Enfin! l’on se résout à considérer les Algériens comme des êtres qui méritent quelque chose. Qui ont droit à certaines réalisations capables de leur faciliter la vie, de les rendre meilleurs!»

Des badauds interpellent les «pionniers du métro d’Alger»et les prient de leur faire part de leurs impressions. «De Bach Djarrah à la Grande-Poste j’ai mis près d’un quart heure!» se réjouit A.B., jeune étudiant, tout heureux de faire part de son expérience.

Finalement, les Algériens disposent d’un élément important pour leur bonheur au quotidien dans Alger. Avec le métro, la capitale algérienne prend une autre dimension, une autre allure, car en sortant du tunnel, les Algériens la trouvent comme plus blanche encore.