Genève, vendredi après-midi, les images de marées humaines inondent les rues des villes algériennes. Presque au même moment, un tract appelant les Algériens de Suisse à se rassembler devant le siège des Nations unies a commencé à circuler sur les réseaux sociaux. L’appel est signé par un collectif de citoyens algériens résidant en Suisse. Un groupe sur Facebook a aussi fait son apparition. Il appelle les “Algériens, Algériennes et amis de l’Algérie à participer à un rassemblement autorisé contre la farce de l’élection présidentielle”.
Aussi, contre la “mafiocratie qui gouverne notre pays, contre l’ingérence du militaire dans les affaires politiques et pour un nouveau mode de gouvernance transparent et juste”. Place des Nations, le samedi à 14h45. Des Algériens, munis de drapeaux et de diverses pancartes, commencent à investir la place des Nations unies. À quelques mètres, un groupe de policiers, devant leur camion, observe de loin et veille. Très vite, un banc public a été improvisé comme tribune devant laquelle on a installé une sono. Dès 15h, des intervenants, de simples citoyens et des personnes connues, comme Mourad Dhina ou Ali Benouari, prennent la parole et déversent leur colère, expliquent l’impasse ou démontrent la nécessité d’une rupture avec le système en place.
Une centaine de personnes ont fini par former un grand cercle humain. Alors que la foule scandait des slogans contre le 5e mandat, le musicien Amar Toumi, muni de son drapeau amazigh, fait son apparition. Beaucoup d’Algériens ont répondu à cet appel sans se poser de questions sur l’identité des organisateurs qui sont, pour la majorité du mouvement Rashad ou d’anciens fissistes en exil en Suisse. Abdelli Abdenour, qui ne cache pas son appartenance au Mouvement Rashad, se défend d’avoir organisé un rassemblement à couleur politique. Pour lui, il s’agit “d’un acte citoyen et contre la mascarade électorale”.
Pour Amar, artiste algérien de Genève, sa “présence est pour soutenir la démocratie en Algérie”. Il s’agit de se solidariser avec la vox populi, renchérit Zina qui est venue de la France voisine. Les propos de Yasmine Mecibat, présidente de l’Association des Berbères du Grand Genève, vont aussi dans le même sens. “Je suis ici pour une Algérie meilleure et une démocratie majeure, pour ainsi reprendre feu Matoub Lounès”, nous affirme-t-elle. Le temps passe vite. Il est déjà 17h. La place commence à se vider. La chaise géante au pied cassé, sculpture monumentale en bois de l’artiste suisse Daniel Berset qui veille sur la place, se sent déjà esseulée.
Vue de loin, elle fait penser au dur système algérien qui vient de perdre un pied après le coup donné hier par le peuple qui a retrouvé sa fierté. Aujourd’hui, Bouteflika passera peut-être devant cette chaise trijambiste. Aurait-il la force de lever la tête pour l’admirer ? Pas sûr.
Par Houchi Tahar