Les Algériennes ne peuvent toujours pas aller au stade

Les Algériennes ne peuvent toujours pas aller au stade

2366361899_1.jpg«On est de tout coeur avec El Khadra», «Les poulains de Saâdane ont mérité notre confiance», «Nos footballeurs sont des joueurs de haut niveau.

Pour l’Algérie, ils doivent gagner ce match.» Toutes ces paroles, dénotant un enthousiasme qui ne trompe pas, émanent de femmes algériennes.

Qu’elles soient mordues de la balle ronde ou simplement solidaires des Fennecs, la rencontre Algérie-Rwanda ne semble pas laisser la gent féminine indifférente.

«C’est un match décisif pour notre équipe nationale. Il s’agit de notre honneur et de la place de l’Algérie sur la scène sportive internationale. Seulement, nos joueurs doivent se concentrer uniquement sur cette rencontre et non sur la rencontre Zambie-Egypte», a confié Malika, étudiante, rencontrée au marché des Trois Horloges à Bab El Oued.

Selon elle, «les supporters sont aussi stressés que les joueurs. C’est un véritable tsunami d’amour que nous vouons à nos footballeurs», ajoute-t-elle.

Khalti Zhira, qui était tout près, s’approcha, elle avait son « mot à dire ». Portant son couffin d’une main et s’appuyant de l’autre sur sa canne, ses yeux se mirent à briller dès qu’elle évoqua les Fennecs.

«Chaque vendredi en allant à la mosquée accomplir la prière, mes voisines et moi prions pour que l’Algérie gagne. Je ne comprends rien au football, mais je sais que si notre équipe l’emporte, tous les Algériens seront heureux. Et franchement, nous avons besoin d’un peu de bonheur».

Là est la vision non feinte d’une femme de 75 ans, illettrée, mais qui semble vivre au rythme de tout un peuple assoiffé de quelques moments de joie.

Des pâtés de maisons plus loin, des lycéennes sont adossées au mur d’enceinte du lycée Okba. Leurs propos sont différents.

Pour Rahima, «footballeuse jusqu’au bout des ongles» : « La confrontation promet d’être des plus musclées. Personnellement, j’ai confiance en Ghilès, Djebbour, Raho et leurs compagnons».

Montrant une large connaissance du monde du foot, elle ajoute doctement : «Nos joueurs ne doivent pas se satisfaire d’un nul, même si l’Egypte échoue face à la Zambie. Pour l’instant, les Verts ont fait preuve d’un professionnalisme sans faille. Ils doivent maintenir cette dynamique de groupe qui a été à l’origine de toutes leurs victoires».

Intéressant comme « analyse », sachant que l’interlocutrice n’a que 16 ans. Amalia, quant à elle, son intérêt est porté sur tout autre chose.

Lycéenne en classe terminale, les joueurs « trop classe » l’intéressent plus que la rencontre elle-même.

«J’attends ce match avec impatience rien que pour pouvoir admirer ces joueurs aussi beaux que des Apollons», avoue-t-elle.

Son amie Nadia est plus explicite. Sans fausse pudeur, elle avoue : «J’adore Ghezzal. Tout en lui me fascine : son sourire, ses prouesses et aussi son élégance. Dommage que chez nous les femmes ne peuvent pas avoir accès aux stades».

Sans le vouloir, elle a abordé un tabou qui fait que les femmes sont indésirables dans les tribunes des supporters, et ce dans un pays qui se targue de l’égalité des sexes.

Laissant ces lycéennes à leur douce rêverie, direction Blida. Sur la route, à chaque tournant, des étals à ciel ouvert son improvisés, proposant aux centaines de supporters qui affluent, des drapeaux, des tee-shirts et des serre-poignets.

Le tout aux couleurs de l’Equipe nationale. Djamila, rencontrée près de ces étals, est médecin de son état. «Les deux derniers matchs face à la Zambie et l’Egypte, j’étais de garde. Je vous avoue que le nombre de blessés par armes blanches, pierres, bâtons et autres objets contondants a donné à la victoire un goût amer».

Toutes ces femmes s’accordent à souhaiter à El Khadra un score honorable face à l’équipe rwandaise et un avenir meilleur pour le football algérien, lui permettant de renaître de ses cendres.

MERIAM SADAT