Le tribunal de Blida où aura lieu le procès Khalifa
Pour le peuple, la justice demeure le dernier recours du pauvre face à l’hyperpuissance dominatrice et injuste des riches. Le temps est venu de nettoyer les écuries d’Augias.
Rude épreuve pour la justice algérienne. L’institution judiciaire est sous les feux de la rampe. Avec la multiplication des affaires de corruption, tous les regards sont braqués sur elle. Jamais la justice algérienne n’a été aussi interpellée comme c’est le cas actuellement. L’institution dirigée par Mohammed Charfi vit, sans doute, ses jours les plus difficiles. Confrontée à des grosses affaires de corruption dans lesquelles de hauts fonctionnaires de l’Etat sont impliqués, la justice est appelée à démontrer ses compétences et singulièrement son indépendance. Elle doit rendre des comptes à l’opinion publique et même internationale.
La Justice étant par essence et par vocation un ministère régalien, ses décisions, ses verdicts sont prononcés toujours au nom du peuple quel que soit le pays. Souvenons-nous: à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le roi de Grande-Bretagne, Georges VI reçut en audience son Premier ministre Winston Churchill, réputé par son stoïcisme à travers sa fameuse phrase: «Je vous promets du sang de la sueur et des larmes». Le roi Georges VI voulait s’enquérir, lors de cette audience, de l’état de son royaume après la guerre et les bombardements subis par les infrastructures et les installations industrielles britanniques et qui ont réduit à néant toute production capable de satisfaire aux besoins des Anglais: «Sire (Majesté), toutes nos usines sont en ruine, nos ponts sont détruits, nos champs de cultures sont dévastés – Mais alors que reste-t-il de mon royaume, dit Georges VI, si rien ne fonctionne? – Excepté la Justice qui ne souffre d’aucun dysfonctionnement, répondit Winston Churchill – Le royaume britannique est sauvé alors! s’exclama réjoui, Georges VI.» Philosophie de ce message: la Justice est tout ce qui réunit les citoyens d’un pays. Mais pour le peuple, elle demeure le derniers recours du pauvre face à l’hyperpuissance dominatrice et injuste des riches. «La justice est le droit du plus faible», disait Josèphe Joubert.
Vu que le scandale Sonatrach II s’étend à d’autres pays comme l’Italie, la Suisse et le Canada, l’affaire sera suivie par l’opinion internationale. Les organisations de lutte contre la corruption qui épinglent chaque fois l’Algérie, guettent la moindre information.
L’ouverture d’une enquête judiciaire par le parquet d’Alger n’est qu’un premier pas. «La justice ira-t-elle jusqu’au bout? Chakib Khelil et Farid Bejaoui seront-ils incarcérés?» s’interrogent les uns et les autres.
Les Algériens, face à la multiplication des scandales qui secouent l’actualité quotidienne, voient la justice chaque jour s’imposer comme le thème omniprésent de leurs discussions, au bureau, au café et au foyer. Les scandales des pots-de-vin de Sonatrach, dans lequel sont impliqués des ministres, celui de Khalifa encore dont la réouverture est prévue ce lundi, sans compter les accusations de détournement de 300 000 milliards de centimes par Amar Saâdani, restent pour le commun des mortels inacceptables dans un Etat de droit. Le temps est venu de nettoyer les écuries d’Augias.
Le procureur général près la cour d’Alger, M. Belkacem Zeghmati, a déclaré récemment à travers un communiqué, que l’affaire Sonatrach II connaîtra une cadence accélérée dès réception des résultats des commissions rogatoires internationales par le juge d’instruction, et la convocation et l’émission de mandats de justice à l’encontre de toute personne impliquée sera requise. Une équipe de 22 enquêteurs algériens dont des magistrats se sont déplacés à Milan, en Suisse et aux Emirats arabes unis pour s’enquérir de l’état des lieux. Ce n’est pas tout. Le chef de l’Etat a réitéré sa confiance en cette institution pour sanctionner les corrompus. «Je fais confiance à la justice de notre pays pour tirer au clair l’écheveau de ces informations, pour situer les responsabilités et appliquer avec rigueur et fermeté les sanctions prévues par notre législation», avait-il déclaré lors d’un message adressé le 24 février à l’Ugta. Une déclaration qu’il a réitéré le 19 mars dernier. «S’agissant des tentatives d’enrichissement illicite et au préjudice des deniers publics et des droits de la communauté nationale, la loi s’appliquera dans toute sa rigueur, car l’Etat est déterminé à imposer le sérieux et l’intégrité dans le travail et n’hésitera pas à demander des comptes à toute personne coupable aux yeux de la loi, tout en veillant à recouvrer les droits spoliés.» Le chef de l’Etat rassure que la justice a des capacités pour aller loin dans ces investigations. «La justice jouit aujourd’hui de la compétence qui la conforte dans son action. Nos devoirs imposent à l’Etat d’être fort et d’exercer pleinement son pouvoir dans le respect des lois de la République, de manière à rassurer sur ses capacités à protéger la vie, les biens et la dignité des citoyens», a-t-il ajouté.
Ainsi, la balle est dans le camp de la justice. Celle-ci doit faire toute la lumière sur les affaires de corruption. Taxée de tous les noms, l’institution judiciaire devra saisir cette opportunité pour justifier sa crédibilité et gagner la confiance du peuple. La mission est loin d’être une simple procédure.